À 21 h ce jeudi 16 mai, la rupture du jeûne approche à grand pas et les fidèles se pressent à la mosquée de l’encore récent bâtiment de l’Institut Ibn Badis de Nanterre, le long du boulevard Clemenceau. Venus de Nanterre mais aussi des communes voisines, comme Suresnes, ne pourront cependant pas entrer, faute d’une capacité suffisante de la mosquée, pourtant en mesure d’accueillir 2 000 personnes grâce à une dérogation pendant le ramadan, et 1 500 fidèles en temps normal.

Ce soir-là, l’association ne reçoit cependant pas que les croyants. Elle accueille aussi des élus de la commune et du département, ainsi que les responsables des autres communautés religieuses de Nanterre et des communautés musulmanes des Hauts-de-Seine, pour la quatrième édition de son iftar (repas de rupture du jeûne du ramadan, Ndlr) dédié aux personnalités. Les élus nanterriens ne cachent pas leur souhait de voir d’autres communes construire des lieux de culte dédiés aux musulmans.

Affichée sur la grille de l’édifice religieux, une feuille plastifiée, datée du 2 avril, ne fait pas mystère de l’affluence excessive. « Nous avons rencontré le préfet fin mars pour évoquer la sécurité des fidèles que nous accueillons à l’institut le vendredi, est-il indiqué. Le préfet a été catégorique, nous devons respecter le nombre maximal de fidèles prévu pour un bâtiment de catégorie 2 (une seule façade) à savoir seulement 1 500. »

« Nous allons donc devoir refuser des centaines de musulmans à partir de vendredi une fois cette capacité atteinte, au risque de la fermeture de l’institut Ibn Badis, poursuit le document. Nous comptons sur vous pour respecter les organisateurs et accepter dans le calme la fermeture des grilles. » À l’heure actuelle, Nanterre compte trois grandes mosquées, dont l’une est actuellement en chantier, tandis que Puteaux compte une mosquée, comme Courbevoie dont l’édifice religieux est cependant constitué de barnums assemblés.

« On est plus que débordé, on ne pensait pas avoir tant de monde, là, on est obligé de fermer les portes à des fidèles, raconte le président de l’institut nanterrien Rachid Abdouni à l’assemblée d’élus, de responsables associatifs et religieux participant à cette fin de jeûne. Ca crée des frustrations dans notre communauté, et notamment chez les Nanterriens, parfois frustrés de ne pouvoir exercer leur culte. »

« Nous allons donc devoir refuser des centaines de musulmans à partir de vendredi une fois cette capacité atteinte, au risque de la fermeture de l’institut », indique le document affiché sur la grille.

D’autres responsables d’édifices religieux musulmans du département, présents ce soir-là, confirment que leurs propres mosquées ont « des problèmes face à l’afflux de fidèles ». L’un d’eux ajoute que « de nouvelles générations montent » chez les dirigeants de communautés religieuses : « C’est une vague qui arrive, qui ne connaît pas d’autres pays, et qui a une demande légitime d’avoir des mosquées dignes de ce nom, des instituts de formation. »

« Certains prient dans la rue, ils n’ont pas le choix même si on sait que la loi l’interdit », regrette Rachid Abdouni des difficultés des musulmans à exercer leur religion dans les Hauts-de-Seine. « La différence par rapport aux autres mosquées [de la commune], c’est qu’on est à l’extrémité de Nanterre, on répond aux besoins des Nanterriens mais aussi des fidèles de Suresnes, Rueil, et Puteaux où une mosquée ne suffit pas », confie-t-il à la fin du dîner.

L’institut Ibn Badis, dont le bâtiment moderne est vaste, espère prochainement pouvoir mettre en place et valider un renforcement de sa sécurité incendie auprès des sapeurs-pompiers, ce qui lui permettrait d’accueillir 3 000 fidèles. Mais pour l’instant, leur nombre est limité à 1 500 hors du ramadan, et à 2 000 personnes pendant le ramadan, grâce à une dérogation accordée par le préfet des Hauts-de-Seine.

Chez les élus présents à cet iftar, nul ne met en doute l’insuffisance du nombre de mosquées dans les Hauts-de-Seine. « Les autres villes du département doivent aménager des lieux, chacun doit prendre sa part dans l’accueil de toutes les communautés, et chacun doit pouvoir vivre sa religion de manière apaisée et normale », déclare devant l’assistance Isabelle Florennes (Modem), députée de la 4e circonscription, à cheval sur Nanterre et Suresnes.

Le discours est identique du côté du maire de Nanterre Patrick Jarry (DVG), qui fait remarquer la présence d’un édifice religieux catholique sur la dalle piétonne du quartier d’affaires tout proche, la Maison d’église Notre-Dame de Pentecôte. « Pourquoi pas une mosquée sur la dalle de la Défense, il y a bien une église… », suggère-t-il dans un sourire : « À partir du moment où une religion peut le faire, pourquoi pas les autres ? »

Mise à jour, 22 mai 2019 : il était précisé que la députée Isabelle Florennes était étiquetée politiquement LREM de manière erronée, celle-ci appartenant au Modem.