Mosquée et école privée de Nanterre, l’Institut Ibn Badis est apprécié des fidèles de la commune et au-delà. Mais il ne peut désormais tous les accueillir, malgré une capacité très supérieure à son autorisation administrative de sécurité qui la limite à 1 500 personnes. Ses responsables ont proposé une solution lui permettant d’augmenter ce seuil à 3 500 personnes.

Ils souhaitent acquérir une partie de la parcelle du centre de loisirs municipal qui jouxte l’arrière du bâtiment. Mais son président s’inquiète désormais plus qu’ouvertement du silence de la mairie, craint qu’une résolution rapide ne devienne impossible à l’approche des élections municipales, et menace de démissionner. Plusieurs candidats déclarés se positionnent pour une solution, la mairie ne répond pas.

Depuis quelques jours, la façade de l’immeuble de l’Institut Ibn Badis, le long de l’avenue Georges Clemenceau, est barrée d’une grande banderole. « Notre Institut est en danger, est-il possible d’y lire. Nous sommes toujours en attente d’une réponse de la mairie afin de permettre à tous de pratiquer dignement leur culte et d’éviter les risques liés aux prières de rue ! »

Tout commence en 2015, à l’ouverture. « On sortait d’une cave où on recevait plus de 600 personnes, se rappelle son fondateur et président Rachid Abdouni. On pensait que 1 500 personnes était largement suffisant. » L’école et mosquée est conçue comme Etablissement recevant du public (ERP) de catégorie 2, avec une capacité maximale autorisée de 1 500 personnes et une façade accessible des pompiers : « Nous avons vite été dépassés par notre succès. »

L’affluence dépasse les seuils de sécurité, jusqu’à atteindre 3 000 personnes les vendredis, avec « une tolérance officieuse »… du moins jusqu’à ce que la préfecture rappelle ses dirigeants au respect des règles en la matière, l’an dernier. Une seconde sortie de secours est créée par l’arrière via l’acquisition d’un bout de parcelle privé, mais elle ne peut constituer un accès utilisable par les pompiers.

L’Institut se met donc à compter, le résultat ne se fait pas attendre. « Il y a des tensions, des agressions verbales et physiques envers nos bénévoles qui organisent, décrit Rachid Abdouni. Certains ont même démissionné car ils se font interpeller hors de la mosquée ! » Il y a quelques mois, il propose « la seule solution » selon lui techniquement envisageable pour permettre à la mosquée de passer dans la catégorie supérieure des ERP, afin d’accueillir 3 500 personnes.

« Il y a des tensions, des agressions verbales et physiques envers nos bénévoles qui organisent, décrit le président de l’Institut. Certains ont même démissionné car ils se font interpeller hors de la mosquée ! »

Elle consisterait en l’achat d’une bande de la parcelle de l’actuel centre de loisirs des Fontenelles, situé à l’arrière de la mosquée, qui accueillerait « entre 60 et 120 enfants ». Cela permettrait de créer un autre accès rue des Ecoles, pour les pompiers comme pour les fidèles. « Le centre est en plus vétuste, […] et on nous dit qu’il y a un projet de destruction de ce centre pour de l’immobilier », précise-t-il en indiquant qu’une étude lui a été promise avant l’été.

Mais elle se fait attendre, et l’approche des élections municipales compliquerait la situation : « Le maire ne veut pas être taxé de communautarisme. » S’inquiétant du silence de la mairie, décision a été prise de rendre les inquiétudes publiques, et de rencontrer les têtes de liste déclarées aux élections pour plaider en faveur de cette seconde entrée. Du côté de la municipalité, l’entourage du maire Patrick Jarry (DVG) n’a pas répondu aux sollicitations de La Gazette faites depuis plusieurs jours. Pas plus que le second adjoint Zacharia Ben Amar, tête de liste du PS.

Le conseiller municipal et tête de liste EELV Alexis Martin estime qu’il « n’y a pas de raison de s’opposer si la mosquée met les sous », et « si le centre de loisirs a vocation à fermer et s’il y a un ensemble immobilier à la place », comme le pressent le président de l’Institut Ibn Badis. « Ce n’est dans l’intérêt de personne que les fidèles musulmans n’aient pas de bonnes conditions » pour exercer leur culte, poursuit-il en n’y voyant pas de brèche au respect de la laïcité.

La position de principe est similaire pour la droite nanterrienne, indiquent les conseillers d’opposition Alexandre Guillemaud (UDI) et Camille Bedin (DVD), futures têtes de leur liste commune. « Je souhaite d’abord les rencontrer avant de me prononcer », précise cette dernière. Elle ajoute regretter le peu de stationnement automobile prévu lors de la création de l’immeuble, qu’elle impute à la majorité municipale. Et assure vouloir « faire un point » avec le préfet quant à la fréquentation de la mosquée par des fidèles venus d’autres communes des Hauts-de-Seine, qu’elle juge anormale.

« Il y a dans cette situation deux possibilités, résume Rachid Abdouni de la situation actuelle. Soit on a un bras de fer avec la ville [pour obtenir une seconde entrée] et c’est dommage. Soit personne ne veut trouver de solution, et je risque même de démissionner pour les laisser gérer ce problème. Quand on voit qu’on essaie d’apporter un mieux-vivre aux administrés de confession musulmane… ».