En 2015 était annoncée une future exploitation de 45 000 m² de volumes inutilisés sous la dalle piétonne de la Défense. Depuis, ce projet va bon train, du moins dans ses portions les plus facilement exploitables, pour certaines déjà utilisées, pour d’autres très bientôt. Désormais, l’établissement public gestionnaire et aménageur du quartier ambitionne d’ouvrir au public les sections les plus enfouies des entrelacs de béton formant la base du quartier d’affaires.

Sont ainsi au programme d’une future ouverture à des activités festives, de loisirs ou culturelles certaines des lieux les plus emblématiques du sous-sol, notamment par les grands volumes qu’ils proposent : la Cathédrale, l’Atelier et les Bassins. Mais ce n’est pas le seul bouleversement qui attend les souterrains du quartier d’affaires, car Paris La Défense a également lancé fin 2018 une seconde étude portant sur la potentielle piétonnisation des voies souterraines.

Le célèbre Monstre de Moretti sera-t-il, d’ici quelques années, la pièce maîtresse d’un complexe culturel souterrain ? En septembre 2018, un appel d’offres de faisabilité de l’implantation d’Etablissements recevant du public (ERP) était diffusé par Paris La Défense, portant sur les espaces les plus enfouis de la dalle de béton. Celui-ci doit permettre le lancement d’un appel à projets à destination d’investisseurs et promoteurs, initialement prévu au premier trimestre de cette année, mais qui, lui, n’a pas encore été rendu public.

Ces mises en exploitations n’ont d’ailleurs pas qu’un objectif d’animation pour Paris La Défense. « À l’origine, l’Établissement public pour l’aménagement de la région de la Défense (Epad) avait été créé pour une période limitée, précisait en mars Marie-Célie Guillaume, directrice générale de Paris La Défense, au Figaro. Et comme la vente de droits à construire n’est pas éternelle et ne suffit pas, il nous faut trouver des recettes supplémentaires tout en créant un modèle économique pérenne. »

Un diagnostic établi en 2013, dont est extrait l’image ci-dessus, aboutissait à la conclusion que ces trois espaces situés entre 12 m et 19 m sous la dalle avaient une structure «  en excellent état ».

Depuis l’annonce faite en 2015 par ce qui était alors Defacto (gestionnaire fusionné en 2018 avec l’aménageur Epad pour former Paris La Défense, Ndlr), deux espaces ont déjà vu le jour, à cheval au-dessus comme au-dessous de la dalle. L’Alternatif d’abord, dédié à des conférences et à des événements culturels, dans un parking souterrain de l’immeuble Île-de-France. Oxygen ensuite, partiellement ouvert l’an dernier, bientôt terminé au Belvédère, au niveau de la station de métro Esplanade. Enfin, Table square, projet en chantier à proximité du bassin Agam, permettra de proposer en exploitant le Plateau, une offre de restauration haut de gamme.

Restent des cas nettement plus épineux. Dans les 2 500 m² de l’Atelier, 18 m de hauteur sous plafond, le plasticien Raymond Moretti, depuis les années 1970 jusqu’à son décès en 2005, a créé le Monstre de la Défense, dont les 20 t occupent 1 000 m² sur cinq étages. A ce stade des études, cette sculpture monumentale sera conservée sur place dans le cadre de l’ouverture au public : le futur appel à projets devra ainsi prévoir sa « valorisation ». En 2015, la directrice générale de Paris La Défense envisageait « un bar sur la mezzanine qui surplombe l’Atelier Moretti » dans les colonnes du ­Parisien.

La Cathédrale souterraine, elle, propose environ 5 700 m², à l’origine destinés à accueillir une station de métro ou de RER. Mais ces immenses espaces situés sous la statue de la Défense, disposant de 12 m de hauteur sous plafond, sont restés inutilisés suite aux choix techniques finalement décidés pour la ligne 1 comme pour le RER E (dont la gare est actuellement creusée sous le Cnit, Ndlr). Plus petit, l’espace des Bassins, situé plus à l’Est et entouré de réseaux de transport, propose tout de même 3 000 m² disponibles.

Même si un diagnostic établi en 2013 aboutissait à la conclusion que ces trois espaces situés entre 12 m et 19 m sous la dalle avaient une structure « en excellent état », leur exploitation future constitue un défi technique et réglementaire. « L’enfouissement de ces volumes dont le plus profond se situe à plus de 12 m en-dessous du niveau d’accès des secours, le nombre réduit d’accès et issues existants et des hauteurs sous plafond pouvant aller jusqu’à 12 m constituent des contraintes fortes pour le développement de projets immobiliers sous dalle », expose ainsi l’appel d’offres de septembre dernier.

Alors, « outre la faisabilité technique du projet d’aménagement de ces espaces sous dalle », l’établissement public aménageur et gestionnaire du quartier d’affaires « souhaite s’assurer de la faisabilité de l’implantation d’ERP sous dalle au regard de la réglementation applicable en matière de sécurité incendie, d’accessibilité Personnes à mobilité réduite (PMR) et du Code du travail ». Au cas où des problèmes insolubles se poseraient, il faudrait alors « apprécier les possibilités de dérogations à la réglementation actuelle en matière de sécurité ».
Le futur appel à projets, attendu pour cette année selon le marché public, devrait proposer aux investisseurs différentes ambitions pour ces lieux insolites. Paris La Défense souhaite ainsi une « programmation culturelle », en lien ou non avec le Monstre de Moretti, une « mixité de programmations cohérentes intégrant loisirs et commerces ». Mais l’établissement désire aussi des « fonctions d’accueil et de promotion » du quartier d’affaires, des « fonctions de mobilité » permettant de « relier les sous-sols », comme un « signal architectural en émergence sur la dalle » et l’intégration « d’une démarche développement durable ».

Mobilité et développement durable font d’ailleurs l’objet d’un autre appel d’offres, publié en décembre dernier, qui devrait être en connexion directe avec l’ouverture des espaces résiduels souhaitée depuis 2015. Reconnaissant l’utilisation des rues souterraines du quartier d’affaires par piétons et cyclistes malgré leur dangerosité actuelle, comme leur utilité potentielle pour connecter la dalle piétonne aux communes alentours, Paris La Défense souhaite en effet les rendre piétonnes et accessibles aux vélos.

Aujourd’hui, ces voies couvertes, d’une longueur totale de 6 km, « accueillent le trafic des véhicules, des bus, les infrastructures de transport public, les parkings et leurs accès, et les zones techniques » comme les accès aux véhicules de secours, et servent également « à acheminer les marchandises vers les aires de livraison des restaurants interentreprises et des commerces ». Mais ces routes souterraines sont aussi parcourues « malgré leur interdiction » par « des pratiques habituelles et spontanées » des piétons et des cyclistes.

Reconnaissant l’utilisation des rues souterraines du quartier d’affaires par piétons et cyclistes malgré leur dangerosité actuelle, Paris La Défense souhaite les rendre piétonnes et accessibles aux vélos.

Pourtant, « ces espaces hors norme contraignent les piétons dans des actions dangereuses, parfois le long des routes ». Paris La Défense souhaite donc « l’amélioration des conditions urbaines proches des choix et des souhaits de ceux qui le fréquentent habituellement » dans le cadre de son programme d’investissement et de renouvellement du quartier d’affaires, et pourquoi pas aussi « en développent de nouvelles et d’excellentes comme celles liées à la culture et au commerce ».

Cette ambition comprend cependant d’importantes inconnues réglementaires, évidentes pour quiconque s’est déjà aventuré le long de ces rues en sous-sol, entre taxis, bus et camions de livraison. « Ce contexte réellement atypique implique que les dispositions de la réglementation relative à la sécurité des tunnels routiers ne sont pas toutes directement applicables ou transposables aux voiries couvertes du quartier d’affaires », pointe l’appel d’offres des défis à venir.

Diverses études avaient déjà été menées par le passé. En 2012, un cabinet proposait ainsi la création d’une nouvelle gare routière centrale « dans la continuité directe » avec Coeur transport, la gare RER du quartier d’affaires. Une autre étude a estimé « les impacts que l’autorisation des piétons dans les ouvrages engendrerait dans le cadre de la mise en sécurité des voies des Bâtisseurs, des Sculpteurs et de la Pyramide ».

Ce dernier périmètre, restreint aux voies centrales, est ajouté dans l’appel d’offres d’un autre, bien plus large. Il comprendrait « l’ensemble des voies des Bâtisseurs, des Sculpteurs, de la Pyramide, de Carpeau, de la place de la Statue, le rond-point de la Défense et le parking centre et éventuellement les voies des Modeleurs et voie de l’Ancre ». Dans tous les cas, le cabinet recruté devra étudier la connexion de ces liaisons douces avec Puteaux et Courbevoie.

CREDIT PHOTO: DEFACTO / EGIS / ENIA / CEI