Un « incident anormal et exceptionnel » pour le groupe de construction Vinci, un scandale écologique pour l’association locale de pêche comme pour le maire de Nanterre et bien d’autres responsables politiques. Mardi 23 avril, la radio Europe 1 révèle que pendant de nombreux mois, la centrale à Béton Jules Quentin, située sur l’avenue éponyme, en bord de Seine, a déversé des résidus de ciment issus du nettoyage des machines directement dans le fleuve. Le parquet devrait ouvrir une enquête.

Cette centrale à béton alimente le chantier d’extension à l’Ouest du RER E (projet Eole, Ndlr). L’association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique (AAPMA) 92 & 75 Ouest a porté plainte, tout comme la Fédération de Paris pour la pêche et la protection du milieu aquatique, et la mairie de Nanterre envisage de le faire également. Le groupe Vinci plaide l’erreur, assure avoir déclenché une enquête interne et se tenir à la disposition de la justice.

Dans un communiqué, le groupe Vinci, dont le siège social est d’ailleurs situé à Nanterre, admet cet « écoulement involontaire de laitance de béton (caillou, sable et traces de ciment) ».

« Aujourd’hui, nos agents de la protection du milieu aquatique ont constaté un important rejet de polluant en Seine. » Le 19 mars dernier, la Brigade fédérale Paris petite couronne (BFPP) publie sur Facebook ce texte accompagné de la vidéo d’une de ses interventions. Chargée des missions de police de pêche et de la protection du milieu aquatique, elle précise avoir pu « faire le constat d’une pollution avérée » aux côtés de la police nationale, sans pour autant en indiquer l’origine.

L’affaire devient beaucoup plus publique le 23 avril dernier, lorsqu’Europe 1 la dévoile plus en détails. « Les gardes-pêche estiment que ces rejets de béton en milieu naturel auraient commencé début 2018, expose la radio. D’après les relevés de profondeur qu’ils ont effectués, l’accumulation de résidus de ciment dans la Seine est telle qu’à l’endroit du déversement, la profondeur de l’eau n’est plus que de 15 à 30 cm, contre 1,80 m normalement. »

Quelques jours plus tard sur BFM Paris, la présidente de l’AAPMA locale raconte les circonstances de cette découverte. « Nous avons une brigade de gardes-pêche qui travaille en association avec la Fédération de pêche de Paris, qui faisait une tournée ce jour-là sur le secteur de Nanterre, et ont pu voir qu’il y avait un grillage, se souvient Sandrine Armirail. Derrière ce grillage, il y avait un déversement assez important de béton et d’eau. »

« Lorsque les agents sont rentrés, ils ont constaté que la cuve qui devait accueillir normalement les eaux de rinçage des toupies et de tout leur matériel était pleine, poursuit la présidente de l’association. Cette cuve contenait une pompe qui menait vers un autre trou qui avait été fait directement dans le sol par une de leurs pelleteuses, et qui, par un chenal, donnait directement dans la Seine. » Aujourd’hui, la berge est désolée.

« Il n’y a plus ni faune ni flore, il n’y a absolument plus rien, quand vous approchez, vous ne voyez que du béton », déplore Sandrine Armirail. L’association a porté plainte pour abandon de déchet, rejet en eau douce de substance nuisible au poisson et destruction de frayère (espace de reproduction des poissons, Ndlr), des délits pouvant être sanctionnés jusqu’à deux ans de prison et 75 000 euros d’amende. Dans un communiqué de presse diffusé peu après les révélations d’Europe 1, le groupe Vinci, dont le siège social est d’ailleurs situé à Nanterre, admet cet « écoulement involontaire de laitance de béton (caillou, sable et traces de ciment) ».

Le géant du BTP précise avoir « immédiatement mis en oeuvre les mesures nécessaires pour stopper cet écoulement, notamment avec le nettoyage de la zone et l’évacuation des matériaux vers des centres de traitement adéquats ». L’entreprise assure se tenir à la disposition de la justice, et avoir déclenché une enquête interne : « Si des responsabilités individuelles venaient à être établies, des sanctions seront prises par Vinci construction France. »

Pendant des mois, la centrale à Béton Jules Quentin, située en bord de Seine, a déversé des résidus de ciment. Cette centrale à béton alimente le chantier d’extension à l’Ouest du RER E (projet Eole, Ndlr).

Suite à la découverte de l’écoulement, les services de l’État ont rendu visite à la centrale à béton, confirmant la situation et relevant plusieurs non-conformités. Jeudi dernier, le parquet de Nanterre a confirmé au Parisien l’ouverture imminente d’une enquête. « Selon les mesures à prendre, la remise en état de la zone en Seine touchée pourra être imposée à l’entreprise par arrêté préfectoral », indique par ailleurs la préfecture au quotidien francilien.

Pour le maire de Nanterre Patrick Jarry, ce déversement est « stupéfiant », a lâché l’édile au Parisien, qui précise que la mairie envisage de porter plainte également. La présidente de la Région Île-de-France, Valérie Pécresse, a pour sa part exigé sur Twitter « des sanctions exemplaires contre ces pollutions sauvages ». Samedi 27 avril, des candidats EELV aux élections européennes, accompagnés de militants écologistes, ont également dénoncé cette importante pollution. « C’est un audit complet des installations des grands groupes du BTP qui doit être mené », a ainsi demandé l’un des candidats, Mounir Satouri, également président du groupe Alternative écologiste et sociale au conseil régional.

PHOTO: ILLUSTRATION LA GAZETTE DE LA DEFENSE