Résoudre une problématique d’entreprise en cinq jours ? C’est le pari de la méthode du « design sprint », théorisée par Jake Knapp, un design partner chez Google venture, le fonds de placement et incubateur des start-up financées par Google. Le 12 mars dernier, au sein de la tour Pacific, située cours Valmy, la Chambre de commerce et d’industrie des Hauts-de-Seine proposait à des salariés son atelier de conseils numériques, Digiteurs 92, pour faire découvrir cette méthode fameuse.

Invitée, l’agence digitale Comptoirs, qui propose ses services de « design sprint », a tenté de lever le voile sur cette méthode, toute droit venue de la Silicon valley. Basée sur le « design thinking » (approche de l’innovation centrée sur l’humain, Ndlr), le « design print » serait en train de faire ses preuves pour accélérer les processus d’innovation dans les entreprises. Pourtant, son organisation dans une grande société traditionnelle est loin d’être aisée. Certains géants de la Défense, comme BNP Paribas ou Allianz, tentent, petit à petit, de se mettre à la sauce californienne.

« Nous sommes intervenus à la BNP Paribas, via le sprint design pour une refonte d’un de leurs process », indique Louise-Anne Maillerie, designer et UX strategist (fonction qui vise à combler l’écart entre l’utilisateur et le créateur d’un produit ou service, Ndlr). « On a accompagné la BNP à trouver un format pour booster ses projets, raconte-t-elle. Et finalement, on est arrivé à un mélange entre le design sprint et le hackaton, où, à la fin, on a dû convaincre les sponsors qui valident le budget ».

Le « design sprint » permettrait en effet d’accélérer et de simplifier le processus de design d’un produit numérique ou physique, d’un service ou d’une stratégie d’entreprise, l’objectif étant de répondre à une problématique de façon concrète en produisant un prototype et en le testant auprès d’utilisateurs. Cinq jours décomposés en ateliers sont nécessaires, pour travailler à la manière des start-up californiennes et établir les directions à prendre. A l’issue du « sprint », l’entreprise repart avec un prototype testé et viable.

« C’est difficile de trouver cinq jours d’affilée pour utiliser cette méthode, commente un des salariés présent lors de la réunion. Surtout dans les grandes entreprises. » L’équipe du « design sprint » doit être composée d’environ six personnes, dont un décideur, des profils techniques, de la communication et du marketing, ainsi qu’un designer, appelé « facilitateur », qui a un rôle de cadreur, qui visualise la solution, réalise le prototype et le teste auprès des ­utilisateurs.

« C’est vrai qu’à l’échelle d’une start-up, ça peut être plus rapide, reconnaît la designer de Comptoirs. Il a fallu plus de 20 jours de travail et d’organisation avant d’opérer les cinq jours de sprint, c’était un projet costaud, mais on s’adapte à la taille du client. » et d’ajouter : « On peut aussi répartir sur une ou deux semaines. » De plus en plus de grandes entreprises utiliseraient cette méthode en interne pour étudier la faisabilité d’un projet, participer à la « conduite du changement », développer de nouveaux usages, ou encore concevoir des produits.

« Nous, on est convaincus par la méthode, commentent deux salariés d’Allianz, l’assureur et gestionnaire d’actifs basé dans le quartier d’affaires. On l’a utilisée plusieurs fois depuis un an. » Le procédé nécessiterait « beaucoup de préparation », mais s’avère « efficace », assure une des salariés de l’assureur. « On avait une vraie problématique sur un process, indique-t-elle. J’ai lu le bouquin de Jake Knapp trois fois, j’ai cru qu’on n’allait pas y arriver, mais au final, c’est juste incroyable ce qu’on a réussi à sortir en une semaine, à six. »

« De plus en plus d’agences utilisent ce genre de méthode, commente Alain Forgeot, conseiller numérique à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) des Hauts-de-Seine. L’idée était de sensibiliser sur la méthode du design sprint, dans le cadre des accompagnements au numérique proposés par la CCI pour les ­entreprises. »

« On passe en moyenne 648 h en réunion sur une année, 31 h par mois, et environ 1 h 19 par jour, indique de cette nécessité Amandine Piot, innovation project manager chez Comptoirs en citant une étude réalisée en 2015 par l’Ifop. Alors que le temps d’attention d’un cadre aujourd’hui est de 52 min sur ce temps de réunion, et que les prises de décisions arrivent en fin de séance. » L’organisation du travail est donc au cœur de la méthode présentée ce mardi matin : « C’est réorganiser son temps de façon plus efficace. Et l’endroit le plus touché par les réunionnites, c’est dans les grands groupes. »