« C’est peut-être utile pour ceux qui sont dans une rue non-passante, mais honnêtement, je ne pense pas avoir besoin de ces outils, je n’ai pas besoin de publicité ! », souffle Antonio, sceptique à l’évocation de la transition numérique. Pour ce restaurateur qui a 30 ans de métier à Puteaux, dont 9 à la Gourmandise, sur la place de la mairie, les instruments numériques ressemblent beaucoup à des gadgets. Il n’est pas le seul, au risque de voir le train du digital passer sous son nez, estiment au contraire leurs représentants institutionnels de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) comme de la Chambre des métiers et de l’artisanat (CRMA).

Pour « placer le commerce et l’artisanat au niveau des transformations numériques », une boutique connectée de 30 m² était en effet installée en début de semaine dernière en face de l’hôtel de Puteaux, dans le cadre d’une initiative portée par la CCI Paris Île-de-France et la CRMA Ile-de-France. Y étaient présentées aux petits commerçants une trentaine de solutions digitales pour « attirer, vendre, fidéliser et gérer » leur clientèle. Sur place, les avis des professionnels rencontrés demeurent cependant très partagés.

Dans la boutique numérique, la représentante de la CCI estime pourtant que le petit commerce connaît un certain retard dans son développement numérique… pour ne pas dire un retard certain. « On s’est rendu compte que certains petits commerçants et artisans locaux avaient peur du digital, analyse ainsi Maëva Le Nuz. On constate un retard chez les commerçants et artisans de proximité, ils ont besoin d’être accompagnés. »

Cette boutique connectée a en conséquence été voulue par la Chambre régionale des métiers de l’artisanat d’Île-de-France, elle est subventionnée par l’Union européenne, et louée par les municipalités franciliennes qui les accueillent. Conçue comme une remorque mobile destinée à propager la bonne parole digitale dans toute l’Île-de-France, sa mise au point a été finalisée en janvier dernier. Puteaux est la première étape de son parcours, qui l’emmènera ensuite dans la Communauté d’agglomération Roissy pays de France, à cheval sur le Val-d’Oise et la Seine-et-Marne.

La boutique connectée s’est installée à Puteaux pour deux jours, elle sillonnera ensuite les département franciliens. Prochain arrêt : Roissy.

Selon la CCI, une trentaine de commerçants auraient été conseillés lors des deux journées de présentation à Puteaux, lundi 4 et mardi 5 mars derniers. « On commence par la présence numérique, le référencement, les fiches Google my business, détaille la représentante de la CCI. Il faut savoir que la visibilité en ligne est essentielle pour les petits commerces : la moitié des recherches des internautes sur les commerçants concernent le local. »

Soigner sa réputation en ligne sur l’outil cartographique du géant de Mountain View constitue en effet la première des suggestions faites aux commerçants quant aux conséquences de la transition numérique. « On invite à toujours répondre aux avis Google, même s’ils sont négatifs ! », estime ainsi Maëva Le Nuz de ces commentaires parfois ravageurs laissés au sein de Google maps.

« Il faut aussi mettre à jour ses horaires, parce qu’il n’y a rien de plus énervant que de faire une recherche, de se rendre au magasin pour ensuite se rendre compte qu’il est fermé, continue la spécialiste de la CCI. Enfin, il faut mettre ses propres photos pour mettre en valeur le magasin, sinon Google les pioche au hasard, sur Google street view, ou prend celle des internautes. »

Dans la boutique temporaire putéolienne, deux représentants de la mairie de Colombes étaient venus découvrir l’initiative. Pour Eddy Elmaleh, conseiller municipal en charge du commerce, le projet est manifestement le bienvenu. « Je connais les difficultés des commerçants pour se rapprocher du numérique, il faut des solutions pour des moyens pas trop élevés », commente celui qui est aussi le fondateur et gérant d’une entreprise de vente et de prestations informatiques dans la commune dont il est l’élu.

Son avis est d’ailleurs partagé par Mohamed Gueddouchi, propriétaire putéolien de Hype square, une boutique de vêtements « sportswear-mode » ouverte rue Jean Jaurès. « Je viens parce qu’on a ouvert il y a six mois et je cherche à limiter les frais, je cherche de l’accompagnement à moindre coût, commente ce petit patron. Ce qui me manque, ce n’est pas les idées, mais le temps. On a besoin de soutien, d’être orienté. »

Soigner sa réputation en ligne sur l’outil cartographique du géant de Mountain View constitue la première suggestion faite aux commerçants quant aux conséquences de la transition numérique.

La semaine dernière, dans la boutique connectée de Puteaux, ces démonstrations proposées par la CCI aux commerçants curieux menaient ensuite à des services numériques proposés par les sociétés partenaires de l’opération. Pour une meilleure visibilité numérique, la CCI conseille ainsi d’utiliser le service du groupe la Poste. Pour 25 euros par mois, il évalue la situation et le référencement des sites internet des commerçants, puis diffuse leurs coordonnées sur une vingtaine de plateformes telles que les Pages jaunes, Google, le navigateur GPS Waze (filiale de Google, Ndlr) ou encore le réseau social Facebook.

Pour la partie vente, la boutique fait la démonstration d’un impressionnant dispositif de réalité virtuelle (aussi abrégée en VR, Ndlr). Muni d’un casque VR, l’utilisateur peut ainsi se promener dans les rayons d’un magasin d’articles de bricolage, ou d’une boutique de chaussures, choisir un article, le visualiser, puis l’ajouter à son panier.

« C’est vraiment à des fins de démonstrations, parce que le dispositif est avancé », commente cependant la spécialiste de la CCI de ces technologies destinées aux commerces les plus numérisés. Elles nécessitent en effet déjà une certaine intégration des tehnologies de base : « Si on bloque sur Google my business, on ne va pas trop passer de temps sur la VR, parce qu’on parle Chinois… »

Pour fidéliser la clientèle plus facilement et la transformer en relais de communication, la boutique connectée de la CCI met aussi en avant un « compteur à like ». Ce dispositif, commercialisé par la jeune pousse parisienne Smiirl, coûte 319 euros. L’objet s’installe dans les commerces, et encourage les clients à « liker » le commerce sur les réseaux sociaux : le « like » s’affiche alors directement sur le compteur.

Enfin, pour la partie « gérer », le prestataire de service Air kitchen met en avant un ingénieux dispositif visant les restaurateurs, qui permet à leurs clients de régler son addition directement sur sa table. Il suffit alors, après avoir déjeuné ou dîné, d’y photographier un QR code pour payer son repas. Mais à en juger par la réflexion peu convaincue du restaurateur putéolien interrogé, les petits commerçants restent encore parfois sceptiques devant ces changements technologiques parfois coûteux.