Fusionnée en 2017 avec l’américain FMC, l’entreprise parapétrolière française aura en mai prochain une direction 100 % américaine. Le futur PDG, Douglas Pferdehirt, remplacera l’actuel président exécutif de Technip France Thierry Pilenko, à la tête de l’entreprise depuis 12 ans. Les syndicats de l’entreprise hexagonale dénoncent une prise de pouvoir par les américains, alors qu’il leur aurait été promis une gouvernance égale entre les deux pays. La direction réaffirme, elle, son engagement en France, notamment par l’intermédiaire de la création d’un nouveau siège à Nanterre.

Ce sont les administrateurs, qui, réunis en conseil, ont entériné le 8 janvier dernier, le départ de Thierry Pilenko prévu pour le 9 mai 2019, ainsi que voté les pleins pouvoirs au nouveau directeur général, Douglas Pferdehirt. Le mariage entre Technip et FMC (entreprise de l’industrie chimique américaine, Ndlr) était intervenu en 2017 pour tenter de sauver deux entreprises dont le secteur rencontrait des difficultés liées à la baisse des cours du pétrole, le but étant de proposer une offre moins chère et intégrée aux autres industriels du secteur.

Le nouvel ensemble employant plus de 37 000 salariés devait posséder une gouvernance mixte, et à parts égales. Siège social déménagé à Londres, cotation en France et aux États-Unis, actionnariat de Bpifrance à 5,3 % : tout semblait fait pour un partage équitable. « Ce départ signe la prise de pouvoir définitive des Américains, déclare Jean-Pierre Seguin, délégué syndical CFE-CGC (syndicat minoritaire, Ndlr), contacté la semaine dernière. Aujourd’hui, quand vous regardez la constitution du comité exécutif, il y a plus d’Américains que de Français. »

« Technip a toujours eu un comité exécutif international. Avant la fusion, le comité exécutif était composé de deux Norvégiens, deux Italiens, un Anglais et de deux Français, souligne de son côté le responsable de la communication de TechnipFMC France, Christophe Belorgeot, contacté en début de semaine. Aujourd’hui, il est composé de 10 personnes : quatre Américains, deux Français, un Anglais, un Italien, un Néo-zélandais et une Polonaise, dont quatre sont basés à Paris, cinq à Houston et un à Londres. »

Du côté de la CFDT (syndicat majoritaire, Ndlr), les craintes sont également présentes : « La démission de Monsieur Pilenko est l’ultime étape de la prise du pouvoir par les dirigeants ex-FMC sur le groupe, estime ainsi Christophe Héraud, délégué général CFDT, interrogé la semaine dernière. Mais, en pratique, cette prise de pouvoir était déjà effective depuis l’origine de la fusion. » Il poursuit, sévère : « A ce titre, la responsabilité de Monsieur Pilenko est avérée, il a organisé cette prise de contrôle tout en tentant de la masquer assez grossièrement auprès des clients, des salariés, de l’État français. »

La CFE-CGC craint aussi, s’inquiète Jean-Pierre Seguin, un transfert des brevets français vers les États-Unis. « Concernant les brevets, c’est une légende. J’ai tout de suite interrogé les personnes en charge des brevets, et ils m’ont assuré qu’aucun transfert n’avait été opéré », répond fermement Christophe Belorgeot.

Le délégué syndical désire notamment obtenir une « meilleure visibilité » sur l’avenir de l’entreprise française, « et qu’on communique un plan sur trois ans pour avoir les orientations stratégiques vis-à-vis de Technip France », précise-t-il. « Thierry Pilenko a été élu président exécutif, avec un rôle de transition durant la phase d’intégration, précise Christophe Belorgeot. Il a estimé que son mandat avait été un succès, ayant mené à bien deux grands projets en cours, et qu’il était temps de se retirer. »

« Les business subsea et onshore/offshore de TechnipFMC sont dirigés depuis la France, et représentent 85 à 90 % de l’activité du groupe, rappelle Christophe Belorgeot. Par ailleurs, le plus gros investissement immobilier du groupe au niveau mondial, est réalisé en France, et concerne le campus de Nanterre. »

PHOTO : LA GAZETTE DE LA DEFENSE