Le défi semble de taille, treize grandes entreprises de la Défense représentant 50 000 salariés assurent être capables de le relever. D’ici un an, elles ont désormais pour objectif de réduire de 5 % à 10 % le nombre de leurs employés empruntant les transports en commun pendant l’heure de pointe du matin, entre 8 h 30 et 9 h 30, quand métros, RER, bus et tramway sont bondés au point d’être parfois un facteur de rejet du quartier d’affaires.

Allianz, Axa, EDF, Engie, EY, Indigo, In’li, Primagaz, RTE, Saint-Gobain, Société générale et Total ont ainsi signé, mercredi dernier, une charte d’engagement avec le conseil régional et Paris La Défense, l’établissement public gestionnaire et aménageur du quartier. Toutes les solutions seront bonnes pour parvenir à l’ambitieux objectif, grâce au télétravail ou à l’encouragement au vélo, mais aussi en modifiant les habitudes dans leurs tours en permettant aux salariés de venir ou de repartir hors des heures les plus saturées.

Dernier des 13 signataires, le centre commercial des 4 Temps s’implique dans l’opération concernant sa partie incitative, en fournissant des cadeaux et bons d’achats aux meilleurs élèves. Au dispositif seront en effet adossés début 2019 une application mobile et un « challenge mobilité » destiné à récompenser les salariés ayant changé leurs habitudes. Car le défi est de taille pour ces grandes sociétés pas forcément habituées à limiter les sollicitations de leurs employés avant 10 h comme après 17 h.

« La situation d’engorgement est de moins en moins supportée par les salariés, qui vivent parfois comme une épreuve de venir le matin, il y a un enjeu de qualité de vie au travail pour les entreprises », note sans ambages Marie-Célie Guillaume, directrice générale de Paris La Défense, rappelant à plus long terme que quatre nouvelles gares seront créées d’ici 2030. « Il ne s’agit pas d’imposer aux entreprises la manière dont elles s’organisent, mais de fournir un cadre, un accompagnement », poursuit-elle du « challenge mobilité » incitant à éviter l’heure de pointe du matin.

« Il y a une exemplarité à montrer, tout vient du haut, les collaborateurs regardent si vous êtes vous-même exemplaire en termes d’horaires et de réunion », estime le Chief financial officer (CFO) de Primagaz.

« On avait fait le choix de la Défense il y a quelques années car on améliorait de 24 min en moyenne par salarié le temps de trajet, le quartier est extrêmement bien desservi, explique pour sa part Ludovic Boisseau, Chief financial officer (CFO) de Primagaz, petit poucet du quartier avec ses 200 employés au siège. Il y avait en arrivant une insatisfaction des salariés autour des transports, portant sur l’insécurité, l’insalubrité et les retards, ce n’est plus le cas : ils parlent du monde dans les transports qui sont bondés, c’est la rançon du succès. »

Comment parvenir à éviter qu’ils ne les empruntent en même temps que les autres salariés du quartier ? « On est en train de migrer des horaires français, avec une très large pause déjeuner, à un modèle anglo-saxon, avec des pauses déjeuner réduites et des réunions plus efficaces », détaille le CFO, dont la société est actuellement en train d’étendre les arrivées matinales jusqu’à 10 h 30. Il espère parvenir à 20 % de salariés ne saturant plus l’heure de pointe : « Il y a une exemplarité à montrer, tout vient du haut, les collaborateurs regardent si vous êtes vous-même exemplaire en termes d’horaires et de réunion. »

A la SNCF, le directeur général du Transilien Alain Krakovitch rappelle que chaque point supplémentaire de fréquentation se traduit par une perte de 0,2 point de régularité, et évoque l’expérience menée en 2014 à la Plaine Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). « Pendant le challenge, on a gagné 8 % de désaturation de personnes qui avaient accepté de décaler leur prise de service, rapporte-t-il. 73 % des employés nous ont dit avoir la possibilité de décaler leurs horaires de 15 min, et 56 % de 30 min : on a d’énormes marges de manœuvre si on arrive à utiliser ce levier. »

Reconnaissant que « le problème est que la souplesse n’est pas dans les gènes » de l’organisation du travail en France, la présidente de la Région Valérie Pécresse (LR) donne en exemple le conseil régional où « les réunions sont entre 10 h et 15 h ». De quoi convaincre les responsables de grandes entreprises qui lui font face en ce jour de signature ?

« Si tous les salariés d’Île-de-France venaient à 7 h un jour dans la semaine, vous désaturez de 20 % les transports », précise-t-elle. « C’est symbolique que la Défense, au moment du Brexit, se mette à ce lissage des horaires qui est une pratique courante dans les pays nordiques, détaille l’élue. Ils font des incitations financières ou en chèques cadeeau à changer les horaires, leur retour est qu’au bout de six mois, si vous avez changé vos habitudes, vous les gardez : on va vous aider pendant six mois. »