L’heure de la rentrée a sonné pour les entreprises de la Défense et de nombreux collaborateurs partis en congés d’été après des semaines de travail à l’ère du Covid-19, sont de retour au travail. Mais, la pandémie mondiale est loin d’être finie, en attestent les mesures prises par les entreprises de la Défense pour maintenir les règles sanitaires en vigueur.

Après avoir dû faire face au confinement dès la mi-mars puis à un retour au compte-gouttes des employés, les firmes doivent maintenant jongler avec la quasi-totalité de leurs effectifs, après plusieurs semaines de congés. Des tours soumises à des mesures sanitaires, recours au télétravail, conséquences sur les promotions et embauches : tour d’horizon sur cette rentrée inédite.

« Cette tour a été vidée de plus de 4 000 personnes du jour au lendemain », explique une cadre d’Engie à Elisabeth Borne, ministre du Travail, en visite dans la tour T1 mercredi 26 août, au lendemain de l’annonce du port obligatoire du masque en entreprise. Depuis le 16 mars, qui marquait le début du confinement décrété quelques jours avant, la tour de 36 étages n’a pas retrouvé son taux de remplissage d’antan.

Et T1 n’est pas la seule tour dans le quartier de la Défense, complètement déserté durant des semaines. Pour la totalité des entreprises interrogées dans le cadre de cette enquête, le recours au télétravail a été la norme.

Du secteur bancaire à celui de l’énergie, cette normalisation du télétravail a été plutôt appréciée, à en croire les résultats des enquêtes des différents services de ressources humaines. « Le confinement s’est bien passé, même si ça a été une épreuve pour tout le monde, se félicite par exemple Cécile Deman-Enel, directrice des ressources humaines des unités Ressources et Performance opérationnelle et data, client et communication d’Allianz France. Les équipes se sont très vite structurées et ont pu travailler à distance en bonne intelligence ».

Une enquête réalisée auprès des salariés français du cabinet EY semble aller aussi en ce sens. « Globalement, 80 % des gens ont indiqué que le télétravail n’était pas un sujet, que cela s’était très bien passé, et qu’il avait été très simple à mettre en œuvre », assure Audrey Deconclois, directrice des ressources humaines.

« De très nombreuses équipes ont mis en place des calls (appels) hebdomadaires ou quotidiens » pour ne pas rompre avec le lien entre les équipes, explique-t-on chez Allianz France.

Cependant, et ça n’est pas une exception, « ils ont précisé que c’était compliqué de trouver les limites lorsque l’on travaille 100 % à distance. C’est difficile parfois de trouver l’équilibre entre la vie pro et la vie perso dans ce type de configuration », poursuit-elle en évoquant aussi la difficulté de s’occuper d’enfants tout en travaillant. Autre sujet longuement évoqué, le sentiment d’isolement ressenti par les personnes soumises au télétravail.

Chez Engie, Allianz France ou encore EY, les services de médecine du travail ont d’ailleurs été mobilisés, mais pas sur-sollicités à ce sujet. « Ils ont été très actifs sur le suivi des collaborateurs, quand il y avait des gens qui avaient peur d’être malade, qui avaient des questions ou qui étaient simplement dans un moment de fragilité. Ils ont été hyper présents », indique la DRH d’EY.

Les managers ont aussi été chargés de garder le lien avec les personnes sous leur responsabilité. « De très nombreuses équipes ont mis en place les calls (appels, Ndlr) quotidiens ou hebdomadaires. Des communautés de discussion et d’échanges se sont mises en place sur différents outils pour préserver le lien et s’épauler les uns et les autres », illustre Cécile Deman-Enel, d’Allianz France.

Un manager d’Engie va même plus loin mercredi 26 août : « Les appels, au sein des équipes et avec les équipes à l’étranger par exemple, ont vraiment resserré les liens entre les collaborateurs. Ça a mis une certaine égalité dans les équipes. Parfois, quand une partie des collaborateurs est dans une même salle de réunion, on a un peu tendance à clôturer l’entrevue et de se dire « oh mince, on a oublié de dire au revoir. »»

L’expérience du confinement et du travail à distance a donc été plutôt bien vécue par les salariés. Mais, le déconfinement à la mi-mai n’a pas été synonyme de retour à la normale. Un temps de latence, indispensable à une réorganisation des plateaux en open space (espace de travail ouvert, Ndlr) des tours, a été observé avant un retour au compte-gouttes des employés.

« Le retour des employés sur site est possible sur la base du volontariat depuis le mardi 2 juin », indique ainsi le service communication d’Axa Investment Managers. Comme chez Engie, ce retour a été « accompagné par la mise en place d’un système de rotation au sein des différents services », pour éviter une trop grande concentration de collaborateurs, et donc un risque de création de foyers de contagion.

« On ne peut plus accueillir autant de collaborateurs qu’avant », explique-t-on à la ministre, lors de la visite de la tour T1. Chez Engie, comme chez EY, le taux de fréquentation du site ne dépasse pas les 35 %. « Aujourd’hui, ce sont entre 1 000 et 1 300 personnes qui peuvent venir à la tour, explique-t-on dans le cabinet d’audit. Habituellement, on est possiblement 5 000 ».

Engie et Axa Investment Managers ont ainsi opté pour un système de rotation des équipes présentes dans la tour, selon les besoins. Les collaborateurs du géant de l’énergie passent ainsi en moyenne deux jours par semaine dans la tour T1 et trois jours en télétravail. Une application pour « réserver ses jours de présence », a été mise en place. Les managers acceptent ou non les demandes qui sont alors transmises aux services ressources humaines qui gèrent la disponibilité des espaces.

Chez Allianz France, un autre système de rotation a été mis en place : « Nous avons augmenté le nombre de jours en télétravail », explique Cécile Deman-Enel. Les collaborateur disposent de huit jours de télétravail par mois, soit deux par semaine en moyenne. Sur l’avenir du travail à distance dans l’entreprise, rien n’est encore acté. En revanche, une enquête de grande envergure menée auprès de l’ensemble des salariés a permis de collecter les feed-back et les idées des collaborateurs « afin de faire évoluer nos façons de travailler et d’inscrire cette évolution dans les prochaines étapes du plan stratégique ».

« On a d’ores et déjà communiqué aux gens que le télétravail allait être quelque chose que nous allions leur demander d’utiliser au maximum », explique-t-on chez EY. Le cabinet d’audit avait déjà une politique flexible en terme de travail à distance, bien avant la crise sanitaire.

Engie, qui occupe la tour T1 a devancé les pouvoirs publics en rendant obligatoire le port du masque depuis le 22 juillet dernier.

« On a laissé les opérationnels faire en fonction des besoins, explique la directrice des ressources humaines. L’idée, c’est de se dire que maintenant, on vient au bureau pour des choses qui sont organisées collectivement : des réunions auxquelles il faut participer physiquement, des projets sur lesquels il faut être ensemble […]. En revanche, tout ce qui peut être fait à distance est fait à distance. »

Concernant les mesures sanitaires, les entreprises ont là aussi dû s’adapter. Depuis le début de la pandémie, Engie semble avoir abandonné le flex office (bureau flexible, où les employés n’ont pas de bureau attitré Ndlr) pour éviter les risques de transmission du Covid-19. Devançant les pouvoirs publics, le masque est obligatoire dans la tour depuis le 22 juillet dernier.

L’accès aux ascenseurs est limité à un certain nombre de personnes. Le mètre de distance partout et tout le temps est ainsi la règle d’or, dans les restaurants comme sur les plateaux. Les « procédures habituelles de nettoyage », ont aussi été renforcées, comme chez Axa Investment Managers. Les services de médecine du travail les plus impliqués sont d’ailleurs très actifs.

Chez Engie, les médecins du travail prennent eux-mêmes en charge les employés ayant des symptômes suspects, un à deux par jour. Leur bureau est immédiatement désinfecté alors qu’ils sont testés. « L’accès aux tests, c’est très rassurant pour eux », souligne d’ailleurs une médecin à la ministre. « On n’a pas de cluster, précise-t-elle. Il y a beaucoup de fausses alertes ».

Les salariés d’EY peuvent de leur côté demander à être soumis à un test PCR au retour des congés. Audrey Deconclois salue d’ailleurs l’implication des services de médecine du travail qui ont aussi mis en place « un service de téléconsultation » à disposition des salariés de l’entreprise, depuis le mois de mars.

Les grandes entreprises parfois pointées du doigt pour leurs difficultés à réagir rapidement, du fait de leur taille, ont visiblement su répondre efficacement aux problèmes posés par la pandémie mondiale. Un bon point pour celles-ci puisque les problèmes d’organisation et les nouvelles mesures sanitaires pourraient subsister encore quelques temps.

Dans le cabinet EY, quelques nouvelles recrues sont arrivées entre mars et ce mois d’août, « moins » cependant. « Au moment où la Covid est arrivée, on avait déjà bien avancé sur notre campagne de recrutement, donc toutes les personnes à qui on avait déjà fait une offre seront là en septembre », assure Audrey Deconclois. Si « quelques centaines » de nouveaux arrivants commenceront leur mission chez EY, la DRH concède : « Evidemment, on s’est un peu limité cette année et on n’est pas allé tout au bout de nos campagnes habituelles. »

Même les premiers contacts avec les candidats ont été différents. « Les entretiens RH ont pu être menés à distance avec la vision quand nécessaire ou souhaité. De nombreux recrutements se sont faits beaucoup à distance, via des échanges en visio. Ça a été une nouveauté pour les managers et les équipes RH », explique-t-on à Allianz.

« Je suis DRH dans des unités dans lesquelles on a maintenu nos plans de recrutement tout en veillant à adapter nos processus de recrutement et d’intégration des nouveaux entrants», explique de son côté Cécile Deman-Enel, DRH des unités Ressources et Performance opérationnelle et Data, Client et Communication d’Allianz. Les postes clés dans l’IT, les nouvelles technologies ainsi que des postes d’experts dans différents métiers ont ainsi été ouverts et pourvus ou envoi de l’être.

L’intégration de ces nouveaux arrivants, dans cette période si inédite est un enjeu. « Certains recrutements peuvent prendre un peu plus de temps, explique-t-elle. Nous sommes plus vigilants sur l’accueil et l’intégration. Un nouveau collaborateur va arriver et voir toute la journée des gens masqués. Nous allons accompagner ces personnes différemment pour qu’elles puissent prendre leur repère, connaitre leur collègue et comprendre notre entreprise aussi bien que d’habitude. »