Officiellement, Level 256, incubateur à start-up de la mairie de Paris dédié au e-sport, n’a ouvert ses portes que le 6 novembre au 20e étage de la Grande arche. Officieusement, le projet était en phase d’étude depuis près d’un an. Si l’incubateur est né à la Défense, il n’y restera pas, et pliera bagage pour le XXe arrondissement, à côté du cimetière du Père Lachaise, à horizon du premier trimestre 2019.

Après six mois d’étude de marché, Paris & co, l’agence de développement économique et d’innovation créée en 2015 par la municipalité parisienne qui la finance à hauteur d’un tiers de son budget, a décidé d’investir dans le secteur des jeux vidéo. Ce dernier rencontre en effet depuis plusieurs années une croissance à deux chiffres, et ne semble pas connaître la crise, avec des perspectives toujours florissantes notamment dans le domaine du e-sport.

Une récente étude Ipsos notait ainsi que 69 % des Français jouent à au moins un jeu vidéo quel que soit le support. Une récente étude de Médiamétrie datant d’octobre dernier affirme, elle, que cinq millions de français consomment de l’e-sport de façon étendue (ceux qui jouent mais aussi ceux qui regardent, Ndlr).

Alors, Paris compte bien participer à cette croissance, et acquérir au passage une expertise du secteur afin de pouvoir mieux le séduire. « Les élus de la ville n’ont pas une sensibilité forte avec l’e-sport, notre rôle, c’est de faire du conseil sur ce secteur encore méconnu pour la mairie, explique Arnaud Duval, chargé d’affaires de Level 256. Pour la prochaine édition des championnats du monde de League of Legend qui aura lieu à Bercy, nous allons les accompagner pour qu’ils aient les codes. A terme, l’objectif, c’est qu’ils soient formés et indépendants sur le sujet. »

Dix start-up sont incubées par Level 256, désormais le 14e incubateur de Paris & co, dont six sont installées au sein des locaux de la Grande arche. Parmi ces dernières, Gamersroom est une plateforme de cours de jeux vidéo en ligne lancée jeudi 22 novembre dernier. Elle compte pour l’instant une trentaine de joueurs, professionnels pour la plupart, qui donneront des cours à ceux qui souhaitent s’améliorer dans la pratique de leurs jeux favoris.

Vingt-six cours ont déjà été réservés, témoignant d’une demande en la matière. Christian Lemaire, co-fondateur de la start-up, rêve de rendre « cool » les leçons particulières : « On mise sur le fait que bientôt, comme c’est déjà le cas aux États-Unis par exemple, les parents vont récompenser leurs enfants d’une bonne note à l’école avec un cours. »

« A l’inverse, si les parents s’intéressent à la passion de leur enfant, on compte aussi viser un public d’adultes, qui veulent s’améliorer pour ne pas se prendre une rouste quand ils vont partager un moment en jouant avec leur fils ou leur fille », détaille-t-il de ses aspirations. La jeune pousse cible des jeux grand public comme Fortnite, le jeu de tir multijoueur le plus joué au monde, ou Fifa, la franchise de football incontournable du secteur.

Quelques mètres plus loin, la start-up Gameblr esport compte sur les pronostics en ligne pour les compétitions d’e-sport du jeu en ligne League of legend. Sur son site internet, les passionnés peuvent miser sur les résultats de leur équipe favorite, et partager leurs résultats directement sur le site ou sur les réseaux sociaux. A la différence des sites traditionnels de paris sportifs en ligne, aucun argent n’entre en jeu, les inscrits annonçant leurs pronostics pour le seul plaisir d’avoir eu raison.

Antoine Grimond et Vincent Jouglard, qui ont lancé le projet en mai 2016, ont trois options en tête pour financer leur projet. « On pense à la publicité et aux annonceurs, indiquent-ils. Hier, McDonald’s proposait des pronostics pour la coupe du monde de foot, demain, ils pourraient faire appel à nous pour faire des pronostics sur League of legend, par exemple. »

Troisième option : « Vendre de la data, du comportement de pronostic, qui sont des données que nous sommes les seuls à avoir », explique-t-il de l’activité de leur site, très liée à celle du jeu League of legend. Lors du championnat du monde qui s’est déroulé du 1er octobre au 3 novembre, 10 000 parieurs ont ainsi généré 200 000 pronostics en ligne. Celui qui avait les résultats les plus proches de la réalité a gagné une place pour la finale de l’année prochaine.

Les start-uppers de l’e-sport apprécient diversement la Défense

Les « incubés » de Level 256 présents dans ses locaux temporaires de la Grande arche manifestent des avis plutôt tranchés quant à la pertinence de leur présence dans le quartier d’affaires, habituellement plus réputé pour ses banques et ses assurances. « J’adore ! », s’exclame Antoine Grimond, de Gamblr, qui connaît bien la Défense puisqu’il a fait ses études au sein du pôle universitaire Léonard de Vinci, dans l’école d’ingénieurs Esilv.

« Je continue d’y aller, puisque je donne des cours pour une formation en ce moment », rapporte-t-il. Autre aspect pratique selon le jeune entrepreneur, la proximité avec de grandes entreprises. « Nous avons deux mentors, l’un à Ernst & Young, l’autre à la Société générale, détaille-t-il de l’aide qui lui est apportée. Le fait d’être proches nous permet d’aller les voir rapidement sans devoir chambouler leur emploi du temps. »

Le son de cloche est fort différent du côté de Christian Lemaire patron de la jeune pousse Gamersroom : « Je ne trouve pas que ce soit un endroit qui nous convienne ». Raisons du désamour ? « L’image de la Défense est celle d’un endroit sérieux, où l’on fait de l’argent, estime-t-il. Nous, nous sommes dans un business de gaming, de divertissement, de l’amusement, donc ça ne colle pas. »