Les personnes en situation de handicap ont encore beaucoup de difficultés à trouver un emploi, selon les visiteurs en recherche du salon Top recrutement, donné le 9 octobre dernier à l’espace Grande arche. Selon les recruteurs présents, si les mentalités des recruteurs auraient évolué grâce à la plus récente des lois sur le handicap, votée en 2005, certaines sociétés continueraient d’éviter d’embaucher des personnes handicapées (voir encadré).

« Je ne sais pas si je vais le dire », Sabrine, 24 ans et dyslexique, hésite. Elle attend son tour pour passer un entretien avec Aurélie, la chargée de recrutement pour la mission handicap de BNP Paribas. Le sien est déclaré « invisible », comme 80 % des handicaps. « En général, je ne le dis pas pendant les entretiens, je n’ai pas envie que ça porte préjudice à ma candidature », explique-t-elle. Elle aurait pourtant tout intérêt à le faire, selon Aurélie, recruteuse pour la BNP, qui « a reçu beaucoup de candidatures » ce jour-là.

Laura, 32 ans, cherche un emploi dans la vente, car avec son travail à temps partiel actuel à la Défense, « elle ne s’en sort plus ». Elle ne souhaite pas s’étendre sur son handicap : « J’ai une RQTH (Reconnaissance de qualité de travailleur handicapé, Ndlr), mais je n’aime pas trop en parler. Je suis assez timide, alors, je profite du salon pour parler à des recruteurs qui cherchent des travailleurs en situation de handicap, la démarche est plus facile. »

Marine, consultante en recrutement pour LB développement, cabinet-conseil spécialiste du recrutement des personnes en situation de handicap, évoque un « gros changement » de la part des entreprises suite à l’entrée en vigueur en 2005 de la loi pour l’égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

« C’est devenu un moteur avec des sanctions financières », analyse-t-elle. Pour autant, les mentalités mettraient du temps à changer. « Contrairement à certains a priori, on a exactement les mêmes attentes de la part des travailleurs handicapés au niveau des compétences, détaille la consultante. Ce qu’il faut renforcer, c’est la sensibilisation sur ce qu’est le handicap et ce que ça implique. »

« Par exemple, 75 % des handicaps sont acquis et non innés, généralement à cause d’un accident ou d’une maladie, il y a donc beaucoup de gens qui doivent changer de carrière et débuter dans un secteur à 45 ans, poursuit-elle. Ces travailleurs n’ont pas l’expérience du métier vu qu’ils commencent, mais en revanche, ils ont une maturité bien supérieure à leurs collègues de niveau équivalent. »

Côté entreprise, la recruteuse de la BNP complète et précise les adaptations nécessaires, pas forcément complexes : « Parfois, l’aménagement de poste est assez simple à mettre en place, ça peut être un siège ergonomique, un écran 30 pouces pour les problèmes de vue, ou encore un logiciel de reconnaissance vocale pour les problèmes de surdité. »

Lucas a subi une triple greffe, foie, intestin et colon. A 21 ans, il cherche une alternance en informatique pour valider sa licence. « Je viens pour avoir un contact direct et montrer mon visage, indique-t-il. Sur le papier, ça peut paraître impressionnant, mais en vrai ma situation nécessite juste des rendez-vous médicaux réguliers, et d’éviter les longs trajets en transport, parce que j’attrape facilement des maladies. »

A 28 ans, un CAP vente en poche, Marc confie ses difficultés pour accéder à un emploi. « J’ai un problème visuel et je ne peux plus du tout me servir de mes jambes, explique-t-il de son handicap. Je cherche un job dans le secteur du commerce : la vente, le conseil, l’accueil. Les recruteurs ne pensent pas forcément tout de suite à moi pour ce type de postes. »

Handicap : les entreprises pas toujours bonnes élèves ?

Présente au salon Top recrutement de la Grande arche, Laurence, représentante d’Hanploi CED, association à but non lucratif qui met en relation candidats en situation de handicap et recruteurs, estime qu’il « reste beaucoup à faire » dans le domaine de l’embauche. Malgré la législation mise en place, « les entreprises contournent encore beaucoup la loi de 2005 », assure cette spécialiste.

Bien des sociétés abuseraient du système des « unités bénéficiaires » utilisé pour décompter le respect des obligations légales. Il permet de « ne pas embaucher des travailleurs handicapés en faisant […] des salons, de la sensibilisation ou de la formation du personnel, ou encore en externalisant l’emploi en faisant appel à des centres de travailleurs handicapés Esat qui font des petites tâches », regrette la représentante associative.

« Nous ce qu’on souhaiterait, c’est que le gouvernement aille plus loin en encourageant beaucoup plus les emplois directs, détaille-t-elle. Pour prouver que la diversité fait la force, il faut introduire plus de diversité dans les entreprises. » Selon elle, le gouvernement envisagerait de renforcer les obligations issues de la loi de 2005 : « Mais on attend de voir. »