Les exposants de « Top recrutement : le salon des cadres et hauts potentiels » étaient venus en nombre mardi 9 octobre à la Grande arche. Une opération séduction pour candidats et recruteurs, qui cherchent un contact direct pour les uns, un profil idéal pour les autres. L’espace dédié au Grand Paris, considéré comme « le chantier du XXIe siècle », a retenu toute l’attention des visiteurs. Pour les entreprises et collectivités présentes, le défi est surtout de parvenir à attirer les meilleurs candidats, les plus ambitieux, souvent les plus diplômés, les plus difficiles aussi.

Le salaire reste déterminant pour recruter ces « hauts potentiels », qui semblent privilégier largement les grandes entreprises aux petites structures, et le secteur privé à l’emploi public. « S’ils font ne serait-ce qu’un très bon recrutement dans la journée, les recruteurs sont heureux », confie Nadia Zimmer, en charge du salon depuis 3 ans.

« Le mouton à cinq pattes pour les recruteurs, c’est quelqu’un avec des compétences adaptables et évolutives », détaille-t-elle de ces « hauts potentiels ». Le terme met d’ailleurs mal à l’aise tant le salon, qui en a effacé la mention sur sa bannière, que certains des salariés ambitieux croisés ce jour-là, manifestement conscients du côté présomptueux de l’appellation… même s’ils visent des postes bien rémunérés dans de grandes entreprises.

« On parle aussi beaucoup « d’agilité » des compétences : être très à l’aise avec le digital ou encore les réseaux sociaux est un vrai plus », poursuit la directrice du salon, qui fait remarquer d’emblée que « 80 % des candidats du salon ne sont pas prêts à sortir de l’Île-de-France. » En témoignent Tom et Thomas, qui se sont connus sur les bancs de Sciences po, en spécialité administration publique, logiquement à la recherche d’une institution du secteur public.

« Bon, pour être honnête, on a raté le concours de l’ENA, maintenant, on cherche à entrer dans la fonction publique en tant que contractuels », indiquent les deux amis. Complices, les vingtenaires sont tous les deux intéressés par le même stand, celui de la « société du Grand Paris », situé dans l’espace dédié à l’emploi public. La file d’attente est impressionnante, et restera ininterrompue toute la journée.

« On préférerait clairement viser Paris et la proche banlieue », annoncent-ils. « Ce serait sûrement plus facile de trouver un poste en province, annoncent-ils sans fard. Le problème, c’est que si tu es pris à Quimper, il y a de grandes chances pour que tu restes à Quimper… alors qu’une ville comme Bobigny par exemple, ça brasse, tu restes un peu, et puis tu pars, et tu évolues vers d’autres postes. »

S’ils ont pour beaucoup reçu la consigne de ne pas transmettre leurs coordonnées personnelles, les nombreux recruteurs présents ce jour-là s’accordent à dire que le salaire, important, ne suffit pas à attirer les meilleurs. « Montrer qu’il y a fortes perspectives d’évolution, quels sont les avantages offerts par la société, insister sur son rayonnement international, juge ce recruteur pendant sa pause cigarette. C’est assez classique, mais c’est important, d’une certaine façon, si le profil correspond parfaitement à ce qu’on recherche, on inverse la situation en essayant de séduire le candidat. »

« J’estime que j’ai bien fait mon boulot quand je me suis vraiment renseigné sur la personne : connaître l’historique du candidat, son parcours, avoir des retours de ses anciens employeurs… », détaille-t-il. « Bon, ça, ce n’est pas possible immédiatement en salon, mais avec l’expérience et le flair, on se fait déjà une bonne idée lors du contact en tête-à-tête », commente-t-il.

Les nombreux recruteurs présents ce jour-là s’accordent à dire que le salaire, important, ne suffit pas à attirer les meilleurs.

Plusieurs candidats croisés par la Gazette à ce salon se considèrent eux-même sans ambages comme ces « hauts-potentiels », venus chercher un contact direct avec les recruteurs. « Oui, je dirais que je suis un haut potentiel dans la mesure où je vise un poste de direction, répond Nicolas, 40 ans, qui recherche un poste de directeur financier. Après 16 ans chez Danone en tant que gestionnaire de projet industriel, ce diplômé de Centrale Lyon s’affirme : J’ajouterais qu’à mon âge, une partie de mon potentiel est déjà réalisé, et je peux le mettre en avant. »

Faisant la queue pour rencontrer les exposants de l’entreprise de réseau professionnel Dogfinance, il poursuit : « Je suis venu parce que plusieurs entreprises que j’ai ciblées sont présentes, ça me permet de faire d’une pierre deux coups, et surtout, ça me permet d’avoir un contact direct et de cultiver mon réseau. »

Pour Fabrice, ingénieur de 38 ans, c’est aussi la promesse d’un « contact direct » avec les recruteurs qui l’a motivé à venir au salon. « Concrètement, les mails, c’est bien gentil, mais la plupart du temps, les recruteurs ne répondent même pas, analyse-t-il. Dans les entreprises que je vise, si vous n’êtes pas recommandés par quelqu’un, ou que vous ne connaissez pas votre interlocuteur, les candidatures spontanées, c’est très compliqué. »

« J’ai fini l’Essec, et je pensais que l’entreprise où je travaillais me prendrait après mon alternance, et ça n’a pas été le cas », confirme quelques mètres plus loin Tugdual, 26 ans. « Je cherche depuis mi-août et j’ai dû envoyer au moins 400 candidatures par mail, je visais une VAE (Validation des acquis de l’expérience, Ndlr) à l’étranger, je n’ai reçu que très peu de réponses, toutes négatives, regrette-t-il. Je me reconcentre sur un job en France, et le meilleur moyen de mettre le pied à l’étrier, c’est d’enchaîner les salons, faire du contact et travailler son réseau. »

« La manie française des diplômes est toujours présente, mais s’adoucit… du moins dans le discours », note par ailleurs Nadia Zimmer après trois années de salons dirigés à son actif. Dans la bouche de tous les recruteurs croisés, une expression revient souvent : les « soft skills », décrits comme ce qui se dégage de la personnalité, soit les qualités humaines, relationnelles, ou le savoir-être.

« Les compétences comportementales sont de plus en plus mises en avant, assure ainsi Dimitri Loin, recruteur pour le cabinet Page outsourcing. J’ai même des clients qui me demandent de ne pas mettre de critères de diplômes, parce qu’ils veulent surtout quelqu’un qui a les compétences et qu’ils sentent bien. »

Une tendance surtout vraie « pour l’univers des start-ups et du digital », concède-t-il. « En revanche, pour les grandes entreprises, les pré-requis persistent », pointe-t-il. Alors, si « les choses changeront peut-être », pour l’instant, le diplôme est toujours une condition sine qua non pour entrer dans les grandes entreprises.

De son côté, une responsable des ressources humaines venue pour le compte d’une des grandes collectivités locales franciliennes grimace. « Honnêtement, sur plusieurs années de salons, j’ai dû recruter deux candidats, dévoile-t-elle avec franchise mais en demandant un strict anonymat. Officiellement, on est là pour recruter des gens, officieusement, on fait juste de la com’ institutionnelle, nos chefs nous demandent surtout de sourire sur les photos ».

Elle se montre clairement lassée de voir des profils intéressants lui filer entre les doigts. « Les candidats à haut potentiel, on n’arrive pas à les capter, analyse-t-elle. Surtout à cause du salaire : avec les restrictions budgétaires, la marge de manœuvre devient trop mince par rapport au secteur privé. »