« Vivre sa recherche d’emploi autrement : chercher ensemble, dans un même lieu, partager ses expériences, ses bons plans et son réseau, avancer…  », promet l’association Cojob, lancée il y a bientôt cinq ans. Présente depuis fin août dans les locaux de l’espace de travail partagé de l’immeuble Bellini, le Morning coworking, l’association a pendu sa crémaillère fin septembre avec ses « colocs » qui partagent avec eux le lieu de coworking.

Le profil type du « jobeur » comme les appelle Alicia Couderc, directrice générale de Cojob, est d’une trentaine d’années, vient généralement de terminer sa première expérience professionnelle, et possède un bagage d’études de Bac +3 à Bac +5. Ateliers, afterworks, « promos », cosearching, espaces de travail aérés au mobilier épuré et moderne, l’univers de Cojob ne cache pas ses affinités avec ceux des jeunes pousses du numérique.

Une bande de trentenaires est présente au coin café pour le deuxième jour de la seconde « promo » qui a débuté le 1er octobre. Sourire aux lèvres, les « jobeurs » discutent entre eux avant de commencer leur journée de recherche. Ils semblent presque sur le point de commencer une banale journée de travail. Ce qui est le but : pendant trois semaines, la durée d’une « promo », les chercheurs d’emplois s’engagent auprès de l’association à venir tous les jours de 9 h 30 à 17 h 30, pour « remettre une dynamique dans leur vie », explique la directrice.

L’histoire de Cojob est celle de deux jeunes femmes au chômage qui, à 16 h un lundi, buvaient une bière attablées à un bar. Sorties respectivement d’université de psycho et de ressources humaines, elles se demandent alors comment chercher du travail, tout en y trouvant du plaisir. Elles identifient trois facteurs.

Le sentiment d’isolement d’abord, car « on n’est plus calé sur la vie de ses potes », note Alicia Couderc. La perte de repères et le manque de cadres dans la journée ensuite : « Lors d’une transition professionnelle on ne sait pas comment ça marche, le sentiment d’être livré à soi-même. » Et enfin, plus profondément, le sentiment global d’inutilité en société.

Elles créent donc leur association en 2014, celle-ci possède désormais deux « promos » de 10 à 15 personnes dans des locaux situés à Paris et à Nantes, plus dix groupes dans d’autres villes de France, permis par une plateforme en ligne et ouverte. « Ça permet de se retrouver avec des gens qui sont dans le même questionnement que toi, alors que tes potes sont en décalage, souligne la directrice. C’est un cadre dans lequel tu peux partager tes doutes et tes angoisses, dans un contexte bienveillant ».

« J’ai découvert Cojob par l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) », explique Christophe Audicq, ancien salarié dans la finance. Cet ex-participant de la première session proposée en juillet poursuit son projet professionnel dans le secteur de la finance éthique, mais n’a pas encore retrouvé d’emploi. Il continue d’utiliser l’espace de travail partagé, le Morning coworking restant accessible pour un tarif réduit aux « jobeurs » après la session initiale.

Ateliers, afterworks, « promos », cosearching, espaces de travail aérés au mobilier épuré et moderne, l’univers de Cojob ne cache pas ses affinités avec ceux des jeunes pousses du numérique.

Une des principales sources d’adhésion à l’association provient de prescriptions de l’Apec et de Pôle emploi, qui redirigent leurs chômeurs inscrits vers Cojob. « Il faut se fixer un objectif, un programme, ce n’est pas un confort on vient ici pour repartir, confie-t-il. C’est un sas pour prendre recul, et repartir dans la recherche plus sereinement. »

Les « jobeurs » semblent essentiellement être cadres, des trentenaires ayant fait des études supérieures, mais viennent d’univers complètement différents. « Dans la promo précédente, il y avait une nana qui a travaillé pendant 15 ans en ambassade, une fille qui venait du web design, une autre de la branche communication de la Philharmonie de Paris, un autre était ingénieur agronome » énumère Alicia Couderc.

Pour lutter contre le sentiment d’isolement, les matinées sont consacrées au « cosearching », c’est-à-dire à la recherche d’emploi à plusieurs. Pour le manque de repères, un cadre horaire leur est proposé. Concernant le sentiment d’inutilité, l’après-midi est réservée aux prestations de service solidaires : chaque « jobeur » effectue une mission d’intérêt général qui est commandée par une entreprise ou une association partenaire.

L’ancien « jobeur » Christophe Audicq a effectué sa mission auprès de la Conciergerie solidaire, une société qui « favorise le commerce de proximité, démarches administratives, paniers de fruits et légumes », rapporte-t-il. « Nous étions deux dans l’équipe et notre travail consistait à accompagner et proposer à la conciergerie une meilleure politique de communication par le contenu et les outils, notamment leur site web… », détaille-il ensuite. « D’autres ont aidé une dame à structurer son projet de développer l’accès à la natation pour les personnes aux faibles revenus », ajoute Alicia Couderc.

Cojob La Défense comprend deux salariés qui s’occupent des évènements, et une personne en service civique. L’association est financée à 15 % par les adhésions des chercheurs d’emploi, de 35 à 45 euros, et par les fournisseurs de missions solidaires, de 100 à 150 euros. Un tiers provient des subventions de la mairie de Paris et de la région Île-de-France, et un autre tiers de mécénats d’entreprises ou de fondations.

« Il y a environ 80 % des personnes qui retrouvent un emploi ou fondent leur entreprises dans les trois mois à l’issue de la « promo », informe Alicia. « On mesure plutôt le bien-être, on veut que les gens repartent en étant armé, détendu, en ayant plus confiance en eux », commente cependant la jeune directrice.

« On a des retours où les « jobeurs » nous disent que leurs amis sont jaloux parce qu’ils évoluent la journée dans un espace cool et avec des gens sympas, poursuit-elle. C’est plutôt ça le but ». La jeune association n’entend pas s’arrêter là. En plus de son ambition de se développer et d’ouvrir d’autres « promos » ailleurs en France, elle réfléchit à proposer le dispositif également aux personnes déjà en poste à la Défense, mais qui souhaitent changer de travail.