Depuis jeudi dernier, une partie des 145 salariés du siège de Yara France, vêtus de la couleur orange de leur employeur comme de leur syndicat, la CFDT, manifestent au pied de la tour Opus 12, au milieu de la dalle piétonne. Ce mouvement social a été décidé dans le cadre de négociations autour du Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) visant à 35 suppressions de postes d’un service bientôt délocalisé en Lituanie. L’organisation syndicale demande des indemnités plus élevées pour des salariés qui sont censés former leurs successeurs qui travailleront à Vilnius.

Cette grève est « illimitée » au siège de l’entreprise chimique norvégienne spécialiste des engrais azotés, indique Samira Maaroufi vendredi dernier, aux côtés de quelques dizaines de salariés manifestant leur colère. « On utilise les moyens de pression qu’on a… », poursuit cette déléguée syndicale, élue de la CFDT, syndicat majoritaire et unique du siège de l’entreprise à la Défense. L’organisation avance une trentaine de salariés ayant cessé le travail, mais aussi une cinquantaine de débrayages jeudi dernier, jour du lancement de la grève.

« Le mouvement n’était pas prémédité, ça a été décidé hier, après la deuxième négociation, témoigne Jean-François Derolez, délégué syndical central CGT du groupe (où le syndicat est majoritaire, Ndlr), qui compte environ 700 salariés et plusieurs sites industriels en France. Ca débraye sur le siège, et ça suivra sur les sites industriels la semaine prochaine. » Une quinzaine de délégués syndicaux de son organisation sont d’ailleurs toujours présents en soutien de leurs collègues du siège social ce vendredi midi.

« Yara international a décidé de délocaliser tout le service supply chain, dans le cadre d’une décision européenne, à Vilnius en Lituanie », explique Martine Forestier, déléguée syndicale centrale CFDT du groupe, du PSE annoncé en avril par la direction (qui n’a pas répondu aux sollicitations de La Gazette, Ndlr). Si le déplacement touche 35 salariés sur les 145 du siège en France, 235 emplois sont concernés dans toute l’Europe.

« En principe, certains commenceront à partir dans un an, ça va s’étaler sur une durée pour l’instant assez floue, au moins jusqu’à 2020 pour que le transfert soit complet », continue-t-elle de ce plan social un peu inhabituel pour les employés visés, à qui des transferts à Vilnius sont proposés. « Les propositions (d’indemnités, Ndlr) ne sont pas à la hauteur de ce qu’espèrent les salariés, qui estiment que le préjudice subi n’est pas suffisamment compensé par ce PSE », détaille Martine Forestier.

En effet, les concernés ne souhaitant pas partir en Lituanie auront pour mission, d’ici à leur licenciement, de former leurs successeurs. « Il y a un préjudice plus important que celui des autres PSE, on les retient entre 12 et 24 mois, déplore son homologue de la CGT. Non seulement on va être viré, mais il faut transférer ses connaissances à des personnes sous-payées en Lituanie, car là-bas, le salaire moyen est de 500 euros… »

Début juillet, Yara France avait arrêté définitivement la production dans l’un de ses quatre sites indutriels en France, celui de Pardies (Pyrénées-Atlantique), dans le cadre d’un PSE ayant touché 86 salariés. Trente-deux avaient obtenu un départ en retraite anticipé, les autres étant reclassés ou licenciés. « On a obtenu un PSE largement plus consistant, témoigne Jean-François Derolez. Les salariés du siège veulent le même que Pardies, un PSE dans le groupe devrait faire jurisprudence. »

Selon le délégué syndical, la fermeture du service supply chain au siège de Yara « n’a pas de retour sur investissement par rapport au préjudice social que ça va engendrer », évoquant « un projet qui n’a pas été mûrement réfléchi ». Même son de cloche à la CFDT : « Ils sont aussi très en colère parce que les raisons économiques ne sont absolument pas justifiées », assure Martine Forestier.

Relativement suivi aux dires des syndicats, leur mouvement de grève serait aussi dû « aux autres services et à l’avenir des gens qui vont rester en place », rapporte la déléguée syndicale centrale. « Il y a une inquiétude sur les autres fonctions support qui pourraient suivre, comme les services financier, commercial ou communication », précise son homologue déléguée du siège.