« C’est le sens de l’histoire, le combat du XXIe siècle ». Anne-Marie Ducroux, présidente de l’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturne (ANPCEN), a fait de la qualité de nuit son cheval de bataille. Et à l’heure où le pouvoir d’achat et la transition énergétique sont au centre du débat, le combat de son association est plus que jamais légitime.

Toutes les personnes habitant près du quartier d’affaires se sont déjà posé la question. Pourquoi cette tour reste-t-elle allumée si tard dans la nuit ? Des employés encore à leur poste ? Le personnel d’entretien qui s’affaire ? Une simple volonté d’être visible dans le paysage nocturne ?

« Il y a tous les cas de figures, assure Anne-Marie Ducroux. Tout le monde aime bien critiquer le quartier de la Défense pour ça, mais un passant ne peut pas dire s’il reste un employé ou pas. Ce n’est pas notre rôle, c’est aux collectivités et à l’État de faire le contrôle de la réglementation, puis d’alerter et de sanctionner si ce n’est pas le cas ».

Justement, que dit la loi ? L’arrêté du 27 décembre 2018, qui prévoit des échéances d’entrée en vigueur jusqu’en 2025, stipule que « les éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel doivent être éteints une heure après la fin d’occupation des dits locaux ».
Une avancée significative, bien que son application soit « très lente » selon la présidente de l’association.

Le temps presse car la pollution lumineuse a des conséquences directes sur le cycle du vivant. « De nombreuses pressions se combinent sur le vivant jusqu’à le fragiliser, alerte Anne-Marie Ducroux. La capacité à se reproduire des batraciens, tout comme les reptiles ou les insectes, est directement affectée, jusqu’à réduire leur population. Les oiseaux sont également perturbés dans leurs migrations et leurs déplacements. La flore n’est pas en reste, avec des arbres qui perdent leurs feuilles plus tôt sous un lampadaire, par exemple ».

Grâce au combat de sensibilisation de l’ANCPE, les riverains n’hésitent plus à donner de la voix pour lutter contre ce phénomène. Surtout lorsqu’ils sont invités à « faire un effort » sur leur consommation d’énergie.

« On reçoit beaucoup de courrier, avoue-t-elle. Il y a un nombre croissant d’individus qui témoignent de soucis chez eux. Il y a une sensibilité croissante autour de cette question. Il a fallu du temps pour comprendre que la lumière n’est pas un progrès par nature, elle peut devenir une pollution pour les humains et l’environnement. Et les gens commencent à le comprendre ».

Reste à convaincre les collectivités, qui y ont pourtant tout à gagner : les économies potentielles permettraient d’allouer plus de budget dans d’autres secteurs, comme l’a prouvé la Paris la Défense Arena, qui assure avoir réduit sa facture énergétique de 30 % entre 2019 et 2021. « Dans une région comme l’Île-de-France, avec une grosse densité de population, il faut montrer qu’on peut agir, martèle Anne-Marie Ducroux. Il faut faire de la pédagogie contre les idées reçues : on sait par la preuve que la réduction de l’éclairage nocturne n’a jamais corroboré avec l’augmentation des délits. Alors il faut entraîner les communes, qui voient alors des résultats qui se chiffrent en milliers d’euros. Puis les communes voisines s’interrogent, et veulent faire pareil. Avec l’augmentation des coûts de l’électricité, elles peuvent prendre le temps d’y réfléchir ».

Si les différentes municipalités ne se mouillent pas sur le sujet, Paris La Défense assure se pencher sur la problématique, avec l’organisation d’« états généraux des tours » en fin d’année, dans le cadre de la « Raison d’être » adoptée par l’organisme aménageur du quartier d’affaires, en 2021.

Son objectif étant de « faire muter le parc tertiaire existant en tenant compte des besoins et dépenses énergétiques ». La question de l’éclairage nocturne fera très certainement partie des points abordés.

CREDIT PHOTO : LA GAZETTE DE LA DEFENSE