C’était le 21 mars, dans le quartier d’affaires de La Défense. Une quinzaine d’activistes a pénétré dans le siège du groupe TotalEnergies, à visages découverts, pour scander leur colère, rapporte le média Reporterre. L’action a été menée à l’initiative des associations Les Amis de la Terre, Atlernatiba Paris et d’Action Non-Violente COP21.

Ils ont envahi la tour à 9 h du matin, repeint l’un des murs en noir avant de brandir des affiches au message clair et net :  « Vos pétroles et gaz, leur sang ». Pour Marie Cohuet, activiste de 27 ans, porte-parole d’Alternatiba : « Ce sont les énergies fossiles qui arment le régime de Vladimir Poutine et prennent chaque jour de nouvelles vies aux portes de l’Europe. », rapporte Les amis de la Terre, association dont elle est également membre.

Trois jours plus tard, en fin de journée, des soutiens de Yannick Jadot, candidat écologiste à l’élection présidentielle, se réunissaient devant la tour Total. Pour la cinquantaine de personnes présentes ce jour-là – dont des personnalités comme Cédric Villani, ancien Marcheur et candidat malheureux aux municipales à Paris – il s’agissait d’apporter du soutien au candidat après que le groupe a porté plainte contre lui pour diffamation.

En effet, le 17 mars dernier, Yannick Jadot déclarait en direct sur BFM TV que TotalEnergies était « complice des crimes de guerre en Ukraine ». Pour Pauline Rapilly Ferniot, une conseillère municipale écologiste de Boulogne-Billancourt, présente ce jour-là, devant le siège de Total, les propos de son candidat n’avaient rien d’un dérapage : «  C’est une position politique qu’on porte collectivement et dont on est plutôt fier. » Mais l’accusation est mal passée… La multinationale pétrolière a porté plainte contre le candidat écologique le mercredi  23 mars.

Ça n’est pas la première fois que des militants écolos s’en prennent au groupe de Patrick Poyanné. Pauline Rapilly Ferniot nous rappelle qu’avec le collectif Ibiza, ils intervenaient, il y a peu, lors d’une conférence organisée à la Sorbonne. Au moment où le PDG de TotalEnergies devait justement prendre la parole, les militants présents avaient diffusé l’hymne ukrainien avant de scander « Fais pas le con Patrick, sort de Russie ».

Depuis, face aux critiques d’une majorité de la population, TotalEnergies a affirmé renoncer au pétrole et diesel russes. Par contre, l’entreprise française s’accroche encore au gaz russe, et se justifie : « En quittant le pays, on risquerait de l’enrichir » se défendait son PDG, Patrick Poyanné, invité sur RTL le 23 mars. Pour le patron de la multinationale, il y a des priorités : « Si nous arrêtons le gaz russe, nous savons qu’en janvier 2023, il faudra rationner le gaz, pas pour les particuliers, mais sans doute pour les entreprises. »

Deux jours après cette intervention à la radio, une trentaine de membres du collectif Minuit 12 prenait possession du parvis devant la tour Total, rapporte le site de Natura-Sciences. En milieu de matinée, les militants sont venus effectuer une chorégraphie de danse contemporaine… L’art pour dénoncer… Pas la présence de TotalEnergies en Russie cette fois, mais un projet de pipeline géant. EACOP, le projet en question, devrait traverser la Tanzanie et l’Ouganda sur 1 445 km et passer sous le lac Victoria, une catastrophe écologique pour les activistes. Les uns étaient vêtus de noir pour rappeler le pétrole, les autres portaient la tenue rouge des pompistes du groupe français. Sur leur costumes, au niveau de la poitrine étaient brodés ces mots : « climate killer » (tueur de climat).

Parmi les militants / danseurs présents ce jour-là, Martin Kopp, écothéologien protestant, un des cadres de l’ONG interreligieuse pour le climat GreenFaith. « J’en appelle à Patrick Pouyanné et à Total. Dans l’esprit de Pâques, pour l’amour du ciel et de la terre, renoncez à ce projet… ». Une prière pour que meure dans l’œuf ce projet, déjà responsable selon les activistes du déplacement de plus de 100 000 personnes. Martin Kopp est un habitué des manifestations devant le Tour Total. Le 18 octobre 2021, à quelques jours de la COP26, il se mobilisait déjà aux côtés de jeunes croyants, pour obtenir l’arrêt de certains projets pétroliers portés par la multinationale en Afrique.

Également présentes au pied de la tour Total, et venues de loin, les activistes ougandaises Vanessa Nakate et Hilda Nakabuye. « Beaucoup de gens croient qu’il est possible d’extraire du pétrole de façon écologique. Nous savons que c’est impossible. », s’exclamait en anglais Vanessa Nakate, 25 ans, désignée parmi « les 100 personnalités à suivre » de l’année 2021 par le journal américain Times. « Ce projet bénéficiera aux interêts de Total, des investisseurs, de ceux qui travaillent pour eux », rappellait tristement l’activiste, avant de désigner le projet EACOP comme « la plus grande bombe climatique de notre génération ». En effet, ce pipeline devrait générer 34 millions de tonnes de CO2 par an.

Rien ne dit que le projet verra le jour puisque, face à la pression internationale, quinze investisseurs ont déjà retiré leur soutien. Quant à la pression sociale concernant le gaz russe, le groupe ne veut pas  « faire de l’émotionnel » affirme Patrick Poyanné sur RTL, « nous devons prendre en compte nos missions, dont la première est de fournir de l’énergie à nos clients ». Cette prise de position laisse à penser que d’autres rassemblements pourraient être organisés devant le siège de la multinationale, à La Défense.

D’ailleurs, sur Twitter, Marie Cohuet a jugé l’intervention radiophonique de Patrick Poyanné de «  discours de martyr ». Des annonces de demi-retraite de Russie pour TotalEnergies qui ont incité les activistes d’Atlernatiba et des Amies de la Terre à retourner mener une action devant le siège de Total, hier matin.

CREDIT PHOTO : TWITTER/CEDRIC VILLANI