Le 29 août 2020, sur les coups de deux heures du matin, deux individus profitent du départ
en tournée de deux laborantins, partis faire des prélèvements de nuit, pour s’infiltrer à l’intérieur d’un des plus gros centres d’analyses médicales du département. Un laboratoire ouvert 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Ils fouilleront méticuleusement les pièces pour s’emparer de cartouches d’imprimantes, de téléphones portables, de bouteilles de champagne laissées dans un coin pour un pot et surtout de sept ordinateurs.

« Ceux-ci contenant les données médicales de 200 000 personnes, dont des personnalités », précisera d’ailleurs la présidente du tribunal à l’audience des deux malfrats, le 4 novembre dernier, à Nanterre. En pleine épidémie de Covid-19, l’affaire sera jugée sensible et l’enquête confiée à la SDPJ (Sous-direction de la police judiciaire, Ndlr) qui établira un dossier dès plus fouillé, afin d’écarter les mobiles autres que crapuleux.

Les deux prévenus, qui reconnaîtront les faits à leur procès, chercheront toutefois à se défaire de toute responsabilité. « On n’avait pas où dormir, moi je prenais des médicaments, de l’alcool, je me rendais pas compte de ce que je faisais », osera affirmer l’un des deux. « Vous n’allez pas me faire croire que vous étiez raides ivres, en train de vomir dans un parking, que vous avez perdu le nord et que vous êtes rentrés là-bas par hasard !, rétorquera la magistrate, agacée par l’invraisemblance des propos de l’accusé. Vous y êtes restés 45 minutes, vous aviez tout le temps de vous rendre compte de ce que vous faisiez ! ».

L’énoncé du passif délinquantiel des prévenus donna matière à un informel « concours », l’un d’eux l’emportant d’une courte avance sur l’autre avec une mention de plus sur le casier judiciaire, à 27 contre 26. Des casiers garnis de multiples faits de vols, dégradations, outrages ou violences, pour le premier comme le deuxième accusés ; le plus calibré réalisant tout de même l’exploit de se distinguer avec une peine pour exhibition sexuelle. « Quand on a un casier judiciaire de cette taille, pour des faits lucratifs, on doit être capable de “se contrôler” », soulignera la procureure, en ciblant le prévenu s’étant cherché des excuses.

« D’autant que la justice des mineurs (dont il a écumé les salles d’audiences) fait souvent preuve de pédagogie. On est censé avoir compris ce que la société attend de soi ». L’avocat
d’un des prévenus s’attardera sur « le parcours chaotique » de son client, ayant du mal à trouver un emploi à cause « de son addiction au crack, de son apparence peu flatteuse et de ses trous dans le C.V. » expliqués par ses nombreuses incarcérations.

Son confrère, mandaté pour plaider la cause de son acolyte dans le box, reviendra lui sur le sort d’un garçon « revenant de loin », longtemps SDF avec des problèmes familiaux et des troubles psychiatriques. « Il ne s’agissait pas de quelque chose de préparé, assurera-t-il, plaidant le vol d’opportunité. Occasion fait le larron ! Sur la vidéo-surveillance, on voit bien en plus qu’ils tiennent une bouteille de vodka orange, qu’ils n’ont pas de gants, pas de masques et que l’un d’entre eux regarde même en direction d’une caméra pour lui faire un doigt d’honneur ».

Une attitude ne démontrant certes pas une grande discrétion, mais qui étonnamment ne sera pas responsable de leur arrestation. C’est une empreinte déposée sur un ordinateur laissé sur place qui conduira à l’identification d’un des cambrioleurs ; le deuxième se fera attraper à cause du bornage de son téléphone portable. Le tribunal ne croira pas en la volonté de réinsertion des deux prévenus, ainsi qu’avaient pu le plaider leurs avocats.

Il calquera à l’inverse son jugement sur les réquisitions du ministère public et les condamnera tous deux à une peine de 8 mois de prison ferme et avec mandat de dépôt.

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