« Président intergalactique », « ambassadeur du Maroc », « préfet des Hauts-de-Seine »… Difficile pour un esprit sain d’imaginer qu’un vigneron sans histoire ait cru pouvoir se parer de ces titres honorifiques, contre la signature de quelques chèques. C’est pourtant ce qui est arrivé à un cultivateur naïf, qui cherchait au milieu des années 2000 à faire connaître son champagne à l’étranger. En 2007, l’homme pense ainsi faire une rencontre opportune, à Antony, en commerçant avec un policier des Renseignements généraux, également président d’une association humanitaire, et qui lui achète des bouteilles pour une soirée caritative.

L’escroc lui fait miroiter un intéressant carnet d’adresses et lui présente rapidement deux autres individus : son cousin, prétendu émissaire de la famille royale du Maroc et un acteur raté, qui lui dira « s’occuper de la promotion de la campagne de Barack Obama en France », ainsi que le formulera la victime au tribunal de Nanterre ; des propos rapportés par le journal Le Parisien, qui a suivi le procès des trois hommes les 19 et 20 novembre derniers.

Après avoir tissé leur toile et placé le vigneron d’une crédulité maladive sous leur emprise, les trois hommes vont profiter de son argent pour voyager à ses frais, tant au Maroc qu’à Dubaï. Billets d’avion, chambres d’hôtel, frais de bouche… Tout sera ainsi financé par monsieur B., pour plusieurs dizaines de milliers d’euros. Dupée, la victime pensait à chaque fois s’y rendre afin de remplir des obligations diplomatiques, recevoir une mission du roi du Maroc, jouer les agents secrets ou rencontrer l’émir de Dubaï. Quand ce n’était pas au nom d’une fonction dépassant les attributions d’un simple mortel.

« Ambassadeur du Maroc, président intergalactique, on n’est plus dans la promotion du champagne, là », notera le président du tribunal à l’audience. « Mais j’y ai cru, moi, que j’allais être ambassadeur. Et président intergalactique, j’étais devenu un homme important, au-dessus de tout le monde », lui rétorquera la victime, qui croira aussi pouvoir devenir préfet des Hauts-de-Seine ou pouvoir être distinguée d’un soi-disant titre honorifique marocain, que serait celui de « very important maboul ». Un faux titre inventé par les trois malfrats pour se moquer de l’incroyable candeur du pauvre homme. Lui, qui n’exprimera des doutes quant à sa situation que durant de rares moments de lucidité.

Le reste du temps, il se fera allègrement mener en bateau, comme cette fois où le trio infernal lui fera acheter un avion, enregistré au nom du policier depuis radié, en lui laissant croire qu’il s’agissait d’un cadeau de Barack Obama dont il suffisait de régler les 20 000 euros de frais d’importation pour le rapatrier. Les psychiatres mandatés en vue du procès décriront un homme souffrant d’une « pathologie entrant dans le cadre d’une psychose paranoïaque », d’une « déficience psychique sous forme de délires imaginatifs » avec une « vulnérabilité apparente ». Manipulable, un autre médecin ne le considérera en revanche pas « vulnérable ».

Seul l’ex-policier sera condamné par le tribunal, qui jugera insuffisantes les preuves établies contre les deux autres accusés. L’ancien RG écopera de 18 mois de prison avec sursis probatoire et devra rembourser les 120 000 euros indûment perçus mais aussi s’acquitter de 30 000 euros au titre du préjudice moral.

CREDIT PHOTO: LA GAZETTE DE LA DEFENSE