Le 27 octobre dernier, le syndicat étudiant Unef-Tacle décidait de prendre d’assaut les locaux de la présidence de l’université, pour accroître la pression sur la direction autour d’une trentaine de « sans-facs », des étudiants toujours sans affectation. Quelle est la situation depuis la rentrée de lundi dernier ?

Ces étudiants occupent toujours les locaux, et plus précisément certains étages du bâtiment administratif principal de l’université ; ce qui empêche sérieusement le travail des personnels administratifs. Cette occupation est un vrai problème pour nous ! Ce n’est pas un mode de fonctionnement acceptable, surtout quand il se prolonge comme cela.

Alors je leur ai adressé un message : « Nous nous rencontrerons et discuterons dès que vous cesserez cette occupation ». Ce à quoi ils me répondent qu’ils cesseront l’occupation dès que des gages seront obtenus… Il y a déjà eu des occupations l’année dernière et dans l’histoire du campus de Nanterre, c’est loin d’être inédit. Après, il n’y a pas de dégradations, de violences ou de mises en danger d’autrui. Et tous les cours peuvent se dérouler dans leurs locaux respectifs. Néanmoins, nous avons droit à des distributions de tracts et des demandes d’intervention sur le sujet des étudiants sans affectations dans des amphithéâtres…

Les revendications du syndicat Unef-Tacle, relayées dans la presse et sur les réseaux sociaux, réduisent le problème des « sans-facs » au refus de la direction de les affecter. N’est-ce pas l’arbre qui cache la forêt ?

Ce qui nous a frappé surtout, c’est l’intervention de beaucoup d’acteurs politiques externes durant les actions de l’Unef-Tacle. Je pense que ce n’est pas idéologique, mais tout cela est la conséquence d’une méconnaissance de la réalité de l’université, de son mode de fonctionnement et du respect de ses choix. Cela touche à l’image de Nanterre, qui n’est vraiment pas l’université la plus sélective et est encore celle qui fait le plus d’efforts, à ce moment de l’année, pour trouver des solutions pour les étudiants.

On en a déjà trouvé pour 300 d’entre eux, depuis le mois d’août. Les dossiers de la trentaine restante ont été examinés et ré-examinés par les commissions pédagogiques. La raison majeure des refus d’inscription, c’est que nous sommes au-delà de nos capacités d’accueil dans chaque master et des premières années, sur une université qui compte déjà 34 000 étudiants. Cela créerait des surcharges pour tout le monde.

Après, on est en discussion constante, avec le rectorat de Versailles et celui de la Région Île-de-France, pour trouver une solution pour le plus de cas possibles. On s’adresse aussi à d’autres universités franciliennes, en leur demandant si elles peuvent accueillir tel ou tel étudiant. On commence à avoir des réponses de Paris VIII, Paris XII, l’EHESS et j’espère bientôt de Paris I.

L’augmentation de la sélectivité à l’entrée de l’université, en L1 et M1 n’est même pas de votre fait…

C’est la loi qui nous contraint ! Après, je pense qu’elle met les gens en grande difficulté.
Car cette sélection s’est accrue brusquement et beaucoup d’étudiants avaient débuté leur formation il y a deux ou trois ans. Maintenant, on leur dit qu’ils ne peuvent plus continuer. Je ne trouve pas cela normal ! Pour ce qui est des détenteurs du baccalauréat qui veulent entrer en L1, l’établissement n’est pas obligé de les accueillir, s’il n’en a pas les moyens, mais c’est un engagement de l’État.

Pour ce qui est des entrées en master, cela nous ramène à la discussion entre partisans et détracteurs du droit à la poursuite d’étude – et je pense que ce droit devrait être respecté – face aux places limitées dans les établissements. Nous, nous ne pouvons plus accueillir toujours plus à moyens constants, nous faisons le maximum, mais cela ne peut être au détriment des conditions d’études et des conditions de travail.

Comment régler durablement ce problème des non-affectés, alors qu’il pourrait se reproduire l’an prochain ?

Il faut que nous tirions les leçons de la crise actuelle, dont j’espère qu’elle va se résoudre bientôt. Il nous faudra voir si nous obtenons des moyens pour ajuster nos capacités d’accueil et nous devons travailler sur notre calendrier de traitement des dossiers. Typiquement là, on est très tard dans l’année et les cours ont débuté depuis longtemps…

Il faut aussi revoir la manière dont on échange avec les organisations étudiantes qui portent des dossiers. On le fait depuis le mois d’août et visiblement, on n’a pas convaincu suffisamment.

La direction regrettait récemment, dans un communiqué de presse, son manque de places pour accueillir dans de bonnes conditions les étudiants et le corps professoral. Quel plan est imaginé pour résoudre cet obstacle ?

Les problèmes de locaux ne se régleront pas rapidement ! Notre projet principal, celui qui pourrait se réaliser dans le plus court laps de temps, c’est la construction d’un nouveau bâtiment éphémère et modulaire. Si on en trouve les moyens, nous pourrions le construire rapidement, espérons pour l’an prochain, afin de nous redonner un peu d’espaces et de respiration. Les discussions sont en cours pour savoir quel terrain sera le plus propice à l’accueillir sur notre foncier.

À l’heure actuelle, l’offre de formation a beaucoup de mal à tenir dans nos locaux. D’autant qu’en 2023, nous allons devoir rapatrier les quelques formations actuellement dispensées à la Défense, au Pôle Léonard de Vinci. Donc, il nous faut pouvoir loger potentiellement plusieurs centaines d’étudiants supplémentaires. À plus long terme, nous comptons sur le Contrat de plan État-Région. Mais cela n’aboutira pas avant plusieurs années.

J’en attends beaucoup parce qu’il devrait comprendre la construction d’un bâtiment pour un IUT et un certain nombre de rénovations de bâtiments dont la majorité date des années 1960 : c’est un enjeu majeur d’adaptation à l’enseignement tel qu’il se pratique aujourd’hui mais aussi un enjeu de développement durable..

L’université souffre-t-elle aussi d’un manque de personnel et si oui, quelles en sont les raisons ?

Depuis plusieurs années, on n’est plus en mesure de renouveler un poste sur trois parmi les enseignants-chercheurs, malgré un nombre considérable de candidatures. Nous n’avons pas de problème d’attractivité mais de budget ! Il nous faudra donc avoir une discussion avec l’État en tant que service public mis en grande difficulté, ce qui ne nous empêche pas de chercher à augmenter nos ressources propres. En revanche, là où nous avons des vrais problèmes de recrutement, c’est pour ce qui concerne les postes administratifs, car nous sommes en Île-de-France : la vie est chère, les salaires bas… Et il y a des compétences spécifiques pour lesquelles le secteur privé rémunère mieux, comme dans l’informatique ou les services juridiques.

Avez-vous d’autres défis à relever depuis votre prise de fonction, en juillet 2020 ?

Nous sommes de plus en plus dans un fonctionnement orienté vers le montage de projets, avec un gros volet recherche. Il faut qu’on soit en capacité de répondre de plus en plus à des appels à projets, tout en maintenant le financement de la recherche et les postes qui vont avec. Autre défi : restaurer notre relation avec les partenaires locaux, comme le Département des Hauts-de-Seine, la Ville de Nanterre, Paris Ouest la Défense et dans une autre mesure, la Région.

Il nous faut reconstruire tous les liens avec les acteurs locaux, via notamment des signatures de conventions, de sorte que l’université soit clairement vue comme une des richesses de ce territoire. À l’inverse, il faut aussi que ce territoire soit source de débouchés pour nos étudiants.

La crise sanitaire affecte-t-elle encore la fonctionnement de l’université ?

On a pu heureusement faire la rentrée en présentiel ! À l’heure actuelle, on fonctionne entièrement sur ce régime, avec port du masque et gel hydroalcoolique, et il en sera de même pour les partielles à venir. On vise une année normale de ce point de vue. On a repris la distribution des auto-tests et notre personnel médical est mobilisé. Nous ne devrions pas organiser de nouvelles campagnes de vaccination sur le campus, du fait du taux de vaccination très élevé chez les étudiants.

Face à la précarité étudiante, qui s’est accrue pendant le Covid, on continue l’aide mais de façon moins systématique. On a créé une cellule sur internet pour répondre aux demandes des élèves, avec un questionnaire en ligne auquel ils peuvent répondre et soulever ainsi leurs problèmes financiers, de logement, d’accès aux soins ou de matériels pour suivre les enseignements. La précarité étudiante est un sujet de fond sur le long terme.

L’université était dans l’attente de l’obtention d’un label, qui lui permettrait de participer à sa manière aux Jeux olympiques de Paris 2024. Qu’en est-il ?

Oui ! Nous obtenons, en partenariat avec la Ville de Nanterre, le label Terre de Jeux ! Nos infrastructures seront donc utilisées pour des entraînements dans certaines disciplines sportives. On a aussi obtenu dans le cadre du plan de relance, la rénovation énergétique de l’ensemble de notre centre sportif, y compris la piscine olympique. Les travaux vont commencer au printemps prochain de manière à être achevés à temps.

CREDIT PHOTO : UNIVERSITE DE NANTERRE