Après une consultation qui a duré un mois, une réunion publique, des centaines d’observations déposées ainsi que deux mois de travail pour les commissaires enquêteurs, les conclusions du rapport concernant la déclaration publique modificative de la ligne 15 ouest ont été dévoilées. La commission d’enquête a rendu un avis favorable en émettant des réserves sur deux ouvrages de Courbevoie ainsi que des recommandations nombreuses sur les ouvrages du secteur de la Défense et concernant le déroulement à venir du projet.

Des conclusions qui semblent satisfaire en partie les associations qui s’étaient mobilisées, non pas contre le projet de ligne 15 ouest, mais contre l’évolution des emprises de chantier. Des emprises dont la superficie était fréquemment agrandie et avaient un impact non négligeable sur l’environnement ou sur la sécurité des riverains. Quelques questions restent en suspend et continuent à inquiéter à la fois la commission et les associations. Tous demandent ainsi des précisions.

« Je dirais que c’est un succès que la contestation a remporté même si le succès ne se concrétise pas par l’annulation de la sortie des tunneliers », réagit Claude Dalmasso, président de l’association Sauvons le Parc des Bruyères, quelques jours après avoir pu découvrir les conclusions de la commission d’enquête sur la déclaration d’utilité publique modificative (DUPm) concernant la ligne 15 Ouest.

Depuis plusieurs mois, l’association, qui était à l’origine un collectif de riverains habitant autour du Parc des Bruyères, s’est mobilisée au travers de différentes actions et d’une pétition pour protéger le parc menacé par un ouvrage de la Société du Grand Paris. La déclaration d’utilité publique modificative soumise à l’enquête publique proposait une emprise de 3 300 m² sur le parc pour faire sortir deux tunneliers dans le cadre de la construction de la ligne 15 Ouest qui permettra de rejoindre Pont de Sèvres depuis Saint-Denis.

Après avoir étudié les observations des riverains, la commission d’enquête a rendu un avis favorable à la déclaration d’utilité publique, mais en émettant des réserves notamment sur l’ouvrage du Parc des Bruyères. « Ce qui nous a vraiment satisfait, c’est la position de la commission qui a donné un avis favorable avec réserves, réserves qui nous permettent […] de faire appliquer [les recommandations], précise Claude Dalmasso. Quand il y a des réserves, ils sont tenus de les respecter sous peine de faire annuler le projet pour le parc donc tout le monde, la mairie, et surtout SGP, a intérêt à les respecter ».

Les commissaires enquêteurs indiquent ainsi dans leurs conclusions : « Compte tenu de la forte mobilisation du public contre l’élargissement de l’emprise chantier dans le Parc des Bruyères, et de l’atteinte inacceptable à l’environnement qui résulterait de la destruction d’espaces verts arborés en bas d’immeubles résidentiels collectifs, la commission d’enquête demande la mise en œuvre des dispositions suivantes, acceptés récemment par la Société du Grand Paris en accord avec la Ville de Courbevoie ».

Ces dispositions citées sont au nombre de six. La première concerne le « décalage partiel maximum de l’emprise sur le boulevard de la Paix » qui permet de préserver une partie du parc. Avec ces réserves, « on ramènerait l’emprise sur le parc lui même à 1980 m² ce qui fait une belle différence, réagit Claude Dalmasso, rassuré que la surface de l’emprise sur le parc soit réduite. On n’est plus aux deux tiers de la destruction du parc et on ramène une partie de l’emprise sur le domaine public ».

Le décalage sur la voirie a fait l’objet d’un accord entre la Mairie de Courbevoie et la Société du Grand Paris. « Ils ont donc donné le trottoir, la voie cyclable et mis à disposition aussi la partie stationnement », raconte Claude Dalmasso espérant à terme avoir plus de précisions sur cet accord et l’organisation de la circulation. L’emprise sera sans doute plus importante sur le boulevard de la Paix pour permettre aux camions de circuler et assurer la sécurité des riverains autour du chantier puisque les réserves de la commission d’enquête précisent également qu’une seule voie de circulation sera maintenue sur le boulevard.

La commission d’enquête demande également à la Société du Grand Paris de déplacer l’aire de jeux et les toilettes. Une bonne nouvelle pour le président de l’association qui espère que l’aire de jeux sera installée « vers un endroit protégé » et sera accessible pour que le parc conserve cette fonction. Deux des réserves concernent l’abattage d’arbres. Alors que l’association s’inquiétait de l’abattage d’une vingtaine d’arbres du parc, la commission d’enquête indique que l’abattage d’un « seul arbre de haute tige » sera autorisé ainsi que l’abattage de platanes sur le boulevard de la Paix.

Une information qui reste floue pour Claude Dalmasso. « Est-ce qu’on se fixe que sur la définition haute tige et le reste on peut le balayer ? », interroge-t-il. « Après nous avons des questions, des précisions à demander », conclut Claude Dalmasso abordant également le flou qui persiste autour de la surface et l’emplacement précis de l’emprise de chantier ou encore les activités qui pourraient être installées autour de la sortie des tunneliers. « Nous souhaitons une vision claire et compréhensible par tous de l’emprise », insiste le président de l’association.

« C’est un succès mitigé, résume Claude Dalmasso. Mais, si on n’avait pas fait cela, le parc était détruit pendant cinq ou six ans aux deux tiers […]. Les nuisances ont les aurait eu de la même façon, même plus ». Après les travaux, il restera sur l’emprise de chantier une grille de ventilation mais la commission d’enquête réclame à ce que ces ouvrages soient « implantés en dehors des espaces verts ». Nouvelle encourageante pour l’association en attendant plus de précisions sur sa taille et sa position qui devraient dépendre de l’emplacement des sorties des tunneliers.

De la suite des événements de manière globale, Claude Dalmasso aborde la signature du décret par le préfet au début de l’année 2022. « À partir de là il y a tout un tas d’opérations qui se déroule, il y aura le choix des entreprises, il y aura le travail de conception etc », indique ainsi le président de l’association. D’après ses dernières informations, les travaux pourraient commencer dans le Parc des Bruyères dans le courant de l’année 2025.
« Ces travaux dureraient cinq ans minimum, là c’est la réponse SGP aux demandes de la commission », poursuit-il.

Sur la durée des travaux la commission d’enquête s’inquiète elle aussi. « La durée annoncée de cinq ans part du démarrage du déplacement des réseaux à la fin des marches à blanc, alors que la durée des travaux gênants pour les riverains du parc devrait être inférieure à trois ans. Annoncer une durée de cinq ans sans autre précision inquiète malencontreusement le public ».

L’ouvrage sur le Parc des Bruyères n’est pas le seul qui a inquiété les riverains durant la tenue de l’enquête publique. Soumis à des réserves également, le projet autour de la gare de Bécon-les-Bruyères et l’ouvrage prévu sur le secteur du Village Delage qui, à la demande la Mairie cette fois, aurait pu être déplacé dans le secteur Franklin-Louvain. L’association Sauvons Bécon du béton s’est ainsi fortement mobilisée elle aussi ces derniers mois pour empêcher cette modification et semble avoir été en partie entendue par la commission d’enquête.

« Compte-tenu de la mobilisation du public contre le déplacement de l’emprise chantier de la gare de Bécon-les-Bruyères dans le secteur résidentiel Franklin-Louvain, et des perturbations et des risques que créerait un trafic supplémentaire de véhicules dans une voie étroite et en impasse, la commission d’enquête demande que les deux pavillons préemptés dans la rue Louvain ne servent pas à l’installation d’une base de vie temporaire conformément à la demande de la Ville », déclarent ainsi les commissaires enquêteurs.

Lors de la réunion publique de juillet dernier, des riverains s’étaient également exprimés concernant l’ouvrage sur le square des Brunettes à Courbevoie et de l’impact sur l’Hôtel de Guines. La commission d’enquête indique que « la localisation de cet ouvrage est admissible » précisant tout de même que la SGP devra faire attention à l’Hôtel et que « la reconstitution du square, l’implantation d’une nouvelle aire de jeux pour les enfants et le remplacement des arbres abattus devront être effectués en accord avec la Ville de Courbevoie ».

Sur le secteur de la Défense même, l’emplacement de la gare de la ligne 15 a été abordé. Alors qu’elle devait longtemps être construite sous les 4 Temps, c’est dans le quartier de la Rose de Cherbourg à Puteaux qu’elle devrait voir le jour. Pour la commission d’enquête, ce nouvel emplacement est considéré comme « le moins mauvais emplacement parmi ceux qui ont été envisagés » soulignant « l’encombrement du sous-sol du site de la Défense ».

Quelques défauts sont tout de même abordés comme, l’allongement du tracé, les ouvrages annexes supplémentaires, et l’augmentation du temps de correspondance avec les gares de la Défense. Alors que la Ville de Puteaux et de nombreux riverains craignaient la fermeture de la RN 1013, la commission d’enquête précise qu’elle « n’a pas à se prononcer sur ce sujet » sachant « qu’elle n’était pas abordée dans l’enquête publique » et qu’elle devrait si un tel projet doit être évoqué, « être autorisée par les pouvoirs publics ».

Concernant les derniers ouvrages sur le secteur, sur l’ouvrage Gambetta, « un accord avec la Ville de Courbevoie » aurait été trouvé sur la superficie et la forme de l’emprise pour que la base de vie soit déplacée sur la voirie. À Nanterre deux ouvrages en particulier sont abordés dans les conclusions de l’enquête publique. Sur Nanterre la Folie, la Commission explique simplement qu’elle « enregistre que le calendrier de chantier a été établi en concertation avec Paris la Défense et que la question du rabattement ponctuel éventuel de la nappe phréatique n’est pas encore tranchée ». Sur l’ouvrage de Nanterre la Boule, la commission réclame « une information précise » sur « le périmètre des expropriations » sur la zone d’intervention foncière.

Parmi les autres recommandations, la commission d’enquête demande à la Société du Grand Paris de tenir des réunions d’information régulières avec les riverains, définir de façon plus précise le « réaménagement des emprises de chantier à la fin des travaux en concertation étroite avec les villes » ainsi que de replanter des arbres « déjà arrivés à maturité ».

La commission d’enquête dans ses conclusions émet quelques réflexions concernant le budget de construction de cette ligne, estimant que « les coûts figurant dans le dossier d’enquête de 2015 étaient largement sous-estimés » mais que malgré l’augmentation des coûts annoncés dans la nouvelle version de la déclaration d’utilité publique, « les évaluations socio-économiques figurant au dossier confirment la rentabilité du Grand Paris Express dans son ensemble et de la ligne 15 Ouest ». La commission d’affirmer qu’il faut que la ligne soit bel et bien mise en service en 2030, soit à la date prévue.

CREDITS PHOTOS : LA GAZETTE DE LA DEFENSE