Le 28 mai dernier, aux premières heures de la matinée, des policiers sont appelés pour un accident de la circulation à Suresnes. Sur les coups de 6 h 50, un agent régulant le trafic aperçoit une Opel blanche déboîter de la file de voitures en attente et arriver à vive allure sur lui. « Je me suis vu mourir, confiera-t-il au procès du conducteur présumé. Selon moi, la volonté de me percuter était là. À aucun moment il n’a freiné, et quand je me décalais sur la gauche ou sur la droite, il me suivait ».

Une version corroborée par la vidéo surveillance de la Ville, visionnée à l’audience. Le policier parviendra miraculeusement à éviter le véhicule, qui le cognera tout de même au genou. Les policiers présents sur place déclareront avoir vu trois individus de type nord-africain dans l’auto.

« L’un d’eux rigolait quand il a vu le policier se faire percuter », précisera la présidente du tribunal à la lecture du dossier. Les individus, après avoir fait un demi-tour à pleine vitesse et manqué de heurter un taxi, s’enfuiront sans être rattrapés. Grâce à la plaque minéralogique, relevée par un des policiers, les enquêteurs remonteront jusqu’au détenteur de ce véhicule de location. Celui-ci indiquera avoir prêté pour la semaine la citadine au prévenu, moyennant 600 euros.

« Conduisiez-vous cette voiture ce jour-là ? », questionnera la présidente du tribunal, cherchant à s’assurer que l’individu entendait bien confirmer ses aveux récoltés en auditions. « Non madame, je suis juste allé dans le sens des policiers. C’était une conspiration contre moi ! », affirmera l’accusé.

Une volte face qui étonnera le tribunal, tant sa déposition pouvait être garnie de détails que seul le conducteur était susceptible de connaître. « C’était pendant le ramadan. J’ai dû veiller cette nuit-là, passer une nuit tranquille ! », arguera le prévenu. « Ah… Parce que votre lit se déplace, ironisera la présidente, en s’appuyant sur ses relevés de bornage téléphonique. Cette nuit-là, vous vous baladiez, monsieur ! Vous pouvez vous raccrocher aux branches, mais, c’est maladroit ».

Afin d’étayer un brin son changement de version, le prévenu jugera bon de lancer un nom en pâture au tribunal ; celui d’une connaissance qui aurait été au volant ce matin-là. Une identité et une implication impossible à vérifier en pleine audience. « C’est suspicieux ce que vous racontez là, reconnaîtra même son avocate, qui assurera ne pas être derrière ce retournement de situation. Pourquoi être allé vous incriminer au commissariat, alors ? ».

« Dans ma tête, cela n’allait pas bien… Je regrette d’avoir prêté la voiture », se contentera de répondre l’accusé. Son casier ne plaidera pas en faveur de la sincérité de ses propos. Incriminé de multiples fois pour vols aggravés, vols avec ruse ou effraction, il a déjà été condamné pour refus d’obtempérer à un contrôle de police.

Une mention, parmi les seize à son actif, qui permettra de retenir la récidive, puisque pour ces faits s’apparentant à une tentative d’homicide, le prévenu sera poursuivi pour refus d’obtempérer ayant entraîné un risque de mort ou de blessures graves sur un dépositaire de l’autorité publique.

« Je comprends pourquoi monsieur a changé de version après avoir vu la vidéo-surveillance versée au dossier, raillera le procureur durant sa prise de parole. Car, vous auriez eu l’intention de percuter le policier, que vous ne vous en seriez pas pris autrement ! ».

Parce qu’il était sous la menace de plusieurs révocations de sursis au moment des faits, le ministère public réclamera la levée de 9 mois de ce contingent et la délivrance d’un mandat de dépôt.

« Il n’y pas de preuves irréfutables sur la vidéo-surveillance indiquant que c’était mon client qui se trouvait au volant de la voiture, soulignera l’avocate du prévenu. Mon client n’était pas le seul à l’utiliser, d’ailleurs elle sera ramenée au locataire du véhicule par un petit du quartier ». Un angle d’attaque rendu exploitable par l’absence de reconnaissance sur planche du prévenu par les policiers témoins de la scène ce soir-là.

Pour ces « faits extrêmement graves et ses dénégations absolument pas crédibles », le prévenu sera condamné à une peine de six mois ferme, assortie de la révocation de deux sursis probatoires pour un total de 15 mois de réclusion. Un mandat de dépôt sera décerné.

CRÉDIT PHOTO : LA GAZETTE DE LA DÉFENSE