C’est leur flair qui les aura mis sur la voie. Leur flair, au sens propre du terme. Lors d’un contrôle routier, qu’ils effectuaient sur la commune de Courbevoie le 10 septembre dernier, des policiers arrêtent une voiture dont émane, à peine les fenêtres baissées, une forte odeur de cannabis.

À l’intérieur du véhicule, 48 grammes d’herbes et de nombreux cachets d’ecstasy y sont dénichés. En outre, cent euros en coupures de 10 et 20 euros – très utilisées pour acheter des sachets de drogues – sont retrouvés sur le conducteur. Celui-ci, qui pour couronner le tout n’est pas détenteur du permis de conduire, avouera aux policiers la provenance de cette somme d’argent. Il reconnaîtra dealer de la drogue, avant de se rétracter au cours de ses audition. Au terme de son audience, qui s’est tenue au tribunal de grande instance de Nanterre le 14 septembre dernier, le chef d’inculpation d’offre ou cession de stupéfiants ne sera de ce fait pas retenu, faute d’aveux.

« Vous finirez pas dire que les cristaux de MDMA [autre nom de l’ecstasy, Ndlr] et le cannabis, c’était pour votre consommation personnelle… et celle de vos copains », précisera la présidente du tribunal à la lecture du dossier, avant d’ironiser : « C’est sûr que cela faisait beaucoup pour vous tout seul… ! ». Le prévenu va alors avancer une explication : « C’était pour fumer le week-end, pour un mariage. On a économisé avec mes copains pour cela. Moi, j’ai mis 30 euros ».

« Humm… On a du mal à imaginer que vous ne vous êtes pas fait un petit bénéfice au passage, parce que vous n’avez pas de revenus, n’est-ce pas ?! », interrogera la présidente de séance. Arrivé de Mauritanie en France à l’âge de 7 ans avec toute sa famille, ce sans-papiers, sous le joug d’un arrêt d’expulsion après plusieurs condamnations pour non respect de son interdiction de territoire, n’avait pas en effet le droit de travailler. Alors naturellement, l’origine de l’argent ayant servi à acheter la drogue intriguera le tribunal.

« J’avais 100 euros (dans les poches) parce que j’avais reçu des aides, expliquera le jeune homme, père d’une fillette de 3 mois qu’il n’a pas officiellement reconnue. On a reçu 2 000 euros d’aides [lui et la mère, Ndlr] au moment de la naissance ». Une déclaration qui fera bondir la présidente. « Donc l’argent que vous recevez pour votre fille, vous le mettez dans la drogue ?! ». « Non, non, non, rétorquera embêté le prévenu, conscient des effets désastreux de ses propos. Cela m’arrive aussi de travailler comme livreur Chronopost avec la carte [d’identité] d’un ami ».

Sous le coup d’une peine de 15 mois aménagée, le prévenu attendait encore qu’on lui attribue son bracelet électronique. Chose impossible, puisque celui-ci n’a pas de domicile et vit dans sa voiture. Sa belle-mère, chrétienne, l’a interdit de cité chez sa fille du fait de sa confession musulmane. Quant à sa mère, il ne peut paraître chez elle du fait d’une interdiction du 93, écopée dans le cadre d’une affaire d’homicide, dont il fut blanchi en cour d’assises.

Dans sa plaidoirie, d’une petite voix timorée, la procureure insistera sur la forte valeur marchande de l’ecstasy pour demander une peine aménageable de 12 mois, dont six avec sursis. Son avocate jouera sur le parcours de vie de ce SDF étranger, qui a récemment perdu la protection de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides), pour émouvoir le tribunal. Ce dernier optera pour une peine aménageable, de dix mois dont cinq avec sursis, assortis d’une obligation de travail et de soin.

CRÉDIT PHOTO : ILLUSTRATION / LA GAZETTE DE LA DÉFENSE