C’est une audience très particulière qui s’est déroulée mardi 4 février au tribunal de Nanterre en fin d’après-midi. Un Putéolien âgé d’une trentaine d’années était dans le box des accusés pour des faits de violences envers des policiers mais aussi pour des soupçons de trafic de cannabis. Jusque-là, rien d’inédit puisque les affaires similaires sont courantes au tribunal. Mais l’attitude du prévenu a désarçonné les magistrats autant que le public.

À la barre, l’homme, chez qui les policiers ont découvert des plants de cannabis avant d’être agressés, a en effet essentiellement tenu des propos incohérents. Il a nié les violences qui lui étaient reprochées et assuré au contraire qu’il avait été tabassé, sans en sortir avec des séquelles physiques cependant. Il a finalement été déclaré coupable et condamné à 18 mois de prison dont six avec sursis.

« Ne sommes-nous t’on pas dans un monde surréaliste où tout nos présidents ont été mis en examens (sic) », scande le prévenu, depuis son box, peu avant de se faire sèchement couper par le président de séance. Sa simili-plaidoirie met ainsi fin à une audience qui frôle l’irréel tant ses sorties sont pour le moins inattendues. L’homme dans le box, accusé de violences sur des policiers, dont une avec dix jours d’interruption temporaire de travail, est ainsi décrit comme « manipulateur, narcissique et extrêmement orgueilleux » par la psychologue mandatée pour l’examiner.

« On constate les effets néfastes du cannabis », lâche le procureur. L’homme face à lui a été interpellé à son domicile à Puteaux le 29 janvier dernier. Des voisins, incommodés par une très forte odeur de cannabis, avaient prévenu la police. En effet, les forces de l’ordre découvrent 146 gr de drogue et six plans de culture. Mais la situation dégénère.

Hors de lui, le prévenu aurait très fortement mordu le doigt ganté d’un policier. « Son ongle a sauté », précise une de ses collègues présente à l’audience. Elle a reçu « un crachat mêlé de sang » au visage, assure le procureur. « Il m’a dit qu’il avait le VIH (le Sida, Ndlr) », souffle la jeune femme désormais obligée de se soumettre à de nombreux examens médicaux.

Le prévenu nie les violences, tout en expliquant : « mon instinct animal s’est réveillé ». Par contre, « je me suis fait rouer de coups », assure-t-il. Le président de séance, excédé, lui demande alors pourquoi il ne présente aucune séquelle physique seulement quelques jours après son arrestation. « Je guéris à une vitesse assez incroyable, explique le prévenu, sûr de lui. Je fais plusieurs heures de sport par jour. » Une affirmation cependant très difficile à croire puisqu’il indique sans difficulté fumer « une trentaine de joints par jour depuis 15 ans ».

Concernant la consommation et la vente de la drogue qu’il cultive, l’homme est en effet très libéré. « Pour lui, le stupéfiant n’est pas illégal », constate le procureur. « J’estime que c’est une plante qui était là bien avant nous », rebondit le prévenu. À cette remarque, le président de séance se prend la tête dans les mains.

Mais en plus des violences sur des policiers, de la consommation et de la vente de drogue « juste pour vivre », selon le prévenu, le trentenaire a expliqué un fait très dérangeant aux policiers lors de sa première audition. « Vous avez expliqué aux policiers que vous forciez votre femme enceinte de huit mois à fumer du cannabis », s’inquiète en effet le procureur. « Il y a eu des études récentes qui prouvent que ça améliore les capacités cérébrales du bébé que les autres personnes n’ont pas, assure-t-il très sûr de lui. Pour moi, c’est la conscience du bien et du mal ».

Dans le public, nombreux ce jour là, c’est la stupéfaction. Certains sourient avant de s’apercevoir que les faits sont tragiques. Mais si les faits sont graves, ils ne sont pas sujets à poursuites, ils ne seront donc pas plus discutés lors de l’audience. Lorsque l’avocate des parties civiles prend ensuite la parole, la plaidoirie est brève : l’attitude et les dires du prévenu jouent clairement en la faveur des policiers. Elle demande simplement à ce que ses trois clients, sur quatre policiers le jour de l’arrestation, soient indemnisés à hauteur de 500 à 600 euros.

Le procureur, lui, rappelle les faits avant de suggérer que les services sociaux suivent la femme enceinte du prévenu. Les réquisitions arrivent ensuite et « compte-tenu de son absence totale de compréhension », le ministère public requiert un an de prison dont six mois avec sursis, en plus d’une obligation de soin, « je ne sais pas si ça fera des miracles », et l’indemnisation des victimes. Comme le veut la procédure, le prévenu, qui n’est pas assisté d’un avocat, a la parole en dernier.

« Je sais que mon affaire est surréaliste, mais ne sommes nous t’on pas dans un monde surréaliste où tout nos présidents ont été mis en examens ? Où la maire de ma ville est arrêtée à la frontière avec des lingots d’or, dénoncée par son propre père (sic)», commence le prévenu qui semble avoir bien préparé son texte. Mais, et malheureusement pour le public hilare, il ne finit pas son monologue, coupé par un président de séance excédé qui suspend l’audience et quitte la salle avec ses assesseurs.

Quelques dizaines de minutes plus tard, le verdict tombe. L’homme, clairement addict au cannabis, écope de 18 mois de prison dont six avec sursis. Il est en plus condamné à indemniser les trois policiers s’étant portés partie civile à hauteur de 1600 euros au total. Sans prononcer un mot, et alors qu’il était si bavard, il est menotté et emmené en prison.

RAPPEL
Les condamnations en première instance ne sont pas définitives puisque susceptibles d’appel. Jusqu’à leur condamnation définitive, les prévenus sont donc toujours présumés innocents.

PHOTO : ILLUSTRATION / LA GAZETTE DE LA DEFENSE