Mardi 8 juin, devant la Maison de l’amitié située sur la place Carpeaux, entre le Cnit et la Grande Arche, des hommes et des femmes récupèrent un café des mains des bénévoles.
Le soleil tape, le temps est chaud, loin de l’hiver qui intimide. La ­Maison de l’amitié est une association loi 1901, présente depuis plus de vingt ans à la Défense. Neuf salariés et 90 bénévoles viennent en aide aux plus démunis. Leur rôle durant la crise sanitaire a été crucial. Avec les travaux de réaménagement de la place Carpeaux (voir notre édition du mercredi 26 mai 2021, Ndlr), son avenir reste incertain.

Tout de suite, certains habitués viennent discuter. D’autres restent en retrait, méfiants d’un soudain intérêt pour leur personne. « Moi c’est Alain, mais mon nom d’artiste c’est le petit prince. Quel âge as-tu ? […] Ah ! Tu pourrais être mon fils ! ». « Tu veux savoir pourquoi je viens ici ? J’ai 56 ans, et après un parcours professionnel chez Air France, deux enfants, Julien et Alexandre, un mariage, ça s’est mal goupillé. Mon petit frère est décédé, mes parents en fin de vie, un divorce, j’ai été viré pour absentéisme. J’ai fait un gros burn-out, et je suis tombé dans la dépendance à l’alcool ».

Aujourd’hui, Alain remonte la pente. Il a trouvé un petit logement sur une péniche, pas cher, et recherche activement du travail. Il veut revoir ses enfants dont il n’a plus aucune nouvelle. La Maison de l’amitié l’a aidé. L’association va à la rencontre des personnes majeures en situation de grande précarité, isolées à la Défense. Lien social, accompagnement ­social, distribution de nourriture, son champ d’action est conséquent. Surtout au sortir d’une longue période de crise sanitaire où son rôle pédagogique a été crucial.

« Nous sommes restés ouvert pendant les confinements, précise le directeur de la Maison de l’amitié Antoine de Tilly. Notre accueil a été en extérieur, on a mis un peu entre parenthèses le suivi social, mais on a continué les entretiens individuels. Surtout, c’est la partie nourriture et alimentation que nous avons développée ». Pour répondre à la situation inédite, l’association a effectivement mis en place des partenariats avec des associations de la Défense pour pouvoir faire de la distribution de repas.

Les mercredis et les vendredis, cette démarche se poursuit. Depuis l’allégement des restrictions sanitaires, les services de première dignité ont rouvert. Les douches, la bagagerie, la laverie, le vestiaire, « tout ça a repris progressivement son cours », précise le président de l’association.

La fréquentation a augmenté depuis un an à cause notamment du contexte sanitaire. « Il n’y avait plus d’accès à l’eau à la Défense, les toilettes publiques, il n’y avait plus personne sur le Parvis, donc ça devenait très compliqué, explique le directeur. On était le seul lieu de ressources. Beaucoup de monde est venu nous voir, on a vu des personnes qu’on ne voyait pas d’habitude. Certains sont revenus ».

L’avenir de la Maison de l’amitié est cependant incertain, du fait des travaux de la place ­Carpeaux qui ont commencé, et qui menacent le futur de l’association.
« La place Carpeaux va être réaménagée donc on va être obligé de déménager, poursuit Antoine de Tilly. On est très inquiet, parce qu’on ne sait pas ce qu’il va se passer dans le futur proche, qu’on ­accueille de plus en plus de monde, que l’hiver va arriver très vite. N’avoir aucune visibilité, c’est très ­inquiétant ».

La Maison de l’amitié est aidée financièrement par la Drihl (Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement), et par Paris la Défense, l’organisme public gestionnaire du quartier d’affaires, propriétaire du local de l’association. « Nous travaillons en confiance avec Paris la Défense, se rassure le directeur.
Ils nous ont assuré qu’ils allaient nous relocaliser, donc on attend tout en étant un peu craintif car nos locaux nécessitent des douches, de l’eau, des fours, et avec une utilisation intensive. Cela nécessite de s’y préparer un peu à l’avance ».

L’organisme public gestionnaire du quartier d’affaires a indiqué à la Gazette de la Défense travailler ­activement pour trouver rapidement le lieu le plus approprié aux besoins de l’association. En plus d’une possible délocalisation, ­Antoine de Tilly redoute le bruit des travaux de réaménagement, qui ne favorise pas le lieu calme et serein propice à l’association.

« La force de la Maison de ­l’amitié, c’est qu’elle est là depuis plus de 20 ans. Ça reste un ancrage et un repère pour certaines personnes qui savent que quand ça va très mal, ils peuvent venir nous voir car la porte sera toujours ouverte ». L’association accueille et aide environ 150 personnes par jour. 1 500 différentes dans l’année.

CRÉDIT PHOTO : LA GAZETTE DE LA DÉFENSE