Tout part d’un simple contrôle routier. Le 22 juin dernier, des ­policiers stoppent un ­automobiliste à Sèvres et comprennent vite à qui ils ont affaire. Sur la ­banquette arrière, sont retrouvés un sachet de cocaïne, 70 grammes de cannabis et à l’avant, deux bonbonnes de protoxyde d’azote – gaz tant ­utilisé pour faire monter la chantilly que pour rendre hilares quelques fêtards. Le conducteur sort alors du véhicule pour un contrôle ­approfondi et en profite pour se faire la malle.

Il sera interpellé par un autre équipage de police un peu plus tard. Ne supportant pas d’avoir été pincé, l’homme va se montrer dès plus récalcitrant. « Fils de pute, porc de flic, tu es la honte des noirs… ». Les insultes vont fuser de la part du délinquant, qui se débat et ira jusqu’à s’agripper à un lampadaire pour ne pas être emmené au ­commissariat, où son refus de se soumettre aux autorités va continuer.

Ainsi, les enquêteurs ne parviendront pas à obtenir de lui le code PIN de son téléphone portable – toujours bien utile dans des ­affaires de stupéfiants pour récolter le répertoire contenant noms et adresses des clients et fournisseurs.

Qu’importe, le jeune homme sera tout de même déféré devant le ­Tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre, le 24 juin dernier, pour des faits de détention et transport de produits stupéfiants et outrages à dépositaires de l’autorité publique.

« Vous avez même refusé de vous expliquer, mais vous allez finir par vous débloquer sur la fin », relate le président du tribunal, un procès verbal d’audition à la main. Dans le box des accusés, le prévenu se lève et raconte alors une version censée le dédouaner de la responsabilité des ses actes : « Il est difficile de sortir de ce business », ­expliquera-t-il, arguant être sous la coupe d’une bande de trafiquants de son quartier.

« Comment êtes-vous tombé sous la dépendance de ces gens ? », s’interrogera le président du tribunal, qui tentera de creuser cette piste. « Un jour, lors d’une réunion avec des amis, ils m’ont demandé de rendre un service, se souvient le prévenu, qui ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire malicieux à chaque prise de parole. Ils m’ont dit que j’étais rapide, efficace et m’ont demandé de rendre des services de plus en plus dangereux, qui rapportent plus au trafic de stup’ ».

Le jeune homme aurait refusé et aurait subi des coups en retour. Il leur aurait alors cédé pour tomber dans « ce business », pour lequel il sera condamné à deux reprises depuis février dernier. « Quand je leur ai dis que j’étais sous bracelet électronique, ils m’ont laissé tranquille, explique l’accusé, qui n’a jamais reçu le bracelet qui lui avait été assigné. Mais un jour au stade, ils ont remarqué que je ne portais rien aux chevilles ». Le stratagème du jeune homme pour éloigner ses donneurs d’ordres serait alors tombé à l’eau.

« Ce que vous nous dites est possible, mais on n’en a aucune preuve, soulignera le président du tribunal, s’inquiétant du parcours criminel en pleine explosion du prévenu. Soit ce que vous nous dites est vrai, soit vous êtes inconscient ». Concernant les injures relevées par les policiers dans leurs procès verbaux, le prévenu reconnaît « un vocabulaire pas correct », mais leur renvoie la balle.

« Je reconnais que j’ai été agressif, mais eux, c’était pareil, argue le jeune homme, jurant avoir été violenté. Je n’ai jamais dit : « tu fais honte aux noirs ». C’est juste qu’il y a eu une insulte raciste et j’ai dit au policier noir : « Tu laisses dire ça ? » ».

« Le tribunal n’est pas saisi de cela et aucune plainte n’a été déposée », lui rétorquera le président du tribunal, avant que la procureure ne lui emboite le pas. « J’entends les déclarations de monsieur sur les violences qu’ils auraient subies. Mais, je rappelle que les policiers sont des gens qui ont prêté serment et qui connaissent l’importance de la rédaction d’un P.V. ».

Seuls les mauvais traitements d’une policière, qui aurait fait pression sur les menottes du suspect, lui occasionnant au passage une abrasion au niveau d’un poignet, seront constatés. Le ministère public ne fera preuve d’aucune mansuétude malgré les pressions que le prévenu aurait subies.

Son avocate insistera dans sa plaidoirie sur le bon parcours scolaire du jeune homme, « qui s’exprime très bien ». « Il s’est déjà pris une révocation de son sursis de 8 mois. Quelle peine va-t-on prononcer pour ces faits ? », s’interrogera-t-elle, désemparée. Le tribunal ­s’orientera vers une peine de 8 mois sous bracelet électronique, jointe à la confiscation de la drogue et de la voiture ayant servi au transport.

CRÉDIT PHOTO : LA GAZETTE DE LA DÉFENSE