La ligne 15 ouest est l’une des lignes ­parisiennes qui doit voir le jour grâce à la Société du Grand Paris dans le cadre du projet de Grand Paris Express. Un métro qui permettra de relier Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) à Pont-de-Sèvres (Hauts-de-Seine). Mais, si le projet fait l’unanimité entre les élus et les associations, sa mise en œuvre inquiète. L’ampleur des travaux, les emprises de chantier et la durée soulèvent de nombreuses questions chez les élus de Nanterre, Courbevoie ou encore Puteaux, tout comme chez les riverains qui devront supporter les travaux.

Un impact important sur les espaces publics et la circulation dans les ­communes qui bénéficieront à terme de cette nouvelle ligne sont ­effectivement à prévoir. Du côté des associations, si les craintes sont ­partagées, c’est surtout l’attractivité de la ligne à sa mise en service qui ­inquiète et sa capacité à attirer les usagers qui, pour l’instant, ­empruntent des lignes saturées.

« Elle n’est remise en cause par personne la nécessité de la ligne 15, et des gares telles qu’elles sont prévues sur nos territoires, réagit Marie-Pierre Limoge (UDI), première adjointe au maire de Courbevoie. Depuis le début, […] il y a une adhésion au principe du Grand Paris Express de la part des élus, mais dans des conditions qui soient satisfaisantes pour la vie quotidienne de leurs habitants ».

Un discours partagé par Arnaud Bertrand, président de l’association d’usagers Plus de trains qui indique de son côté : « Les projets pharaoniques, il faut les faire, c’est important, et pour le coup cette ligne-là, elle est pertinente. C’est quand même très utile d’avoir une ligne comme celle-là dans ce coin-ci où il y a tant de densité de bureaux et de logements ».

La ligne 15 ouest devrait effectivement permettre à sa mise en service en 2030 de relier les stations Pont de Sèvres et Saint-Denis Pleyel en passant par des gares importantes comme Asnières-sur-Seine, la ­Défense, Bécon-les-Buyères ou encore deux gares nanterriennes. Un projet imaginé et mis en œuvre par la Société du Grand Paris (SGP) dans le cadre du Grand Paris Express.

À la fin du mois, une enquête ­publique sera ouverte pour que les habitants et riverains puissent ­donner leur avis sur cette future ligne. En amont, le conseil municipal de Courbevoie a rendu à l’unanimité un avis défavorable sur le projet pour mettre en lumière les inquiétudes qui entourent sa construction. « On a des chantiers d’emprise d’envergure extrêmement importante sur des durées qui sont entre cinq et dix ans […] avec des destructions quand même assez importantes d’espaces publics », relate Marie-Pierre Limoge.

« Elle est préalable à l’enquête publique, [c’est] quand même un signal notamment aux habitants, poursuit l’élue. Elle donne le signal que effectivement le maire est vigilant et s’oppose à un certain nombre de dispositifs dans cette nouvelle déclaration d’utilité publique (DUP) ».

Plusieurs zones sont concernées par les inquiétudes des élus de Courbevoie et les collectifs de riverains qui commencent à se constituer. « Il y a trois emprises sur lesquelles le maire a soulevé le sujet pour Courbevoie », résume Marie-Pierre Limoge. Le parc des Bruyères, le square des Brunettes et l’avenue Gambetta sur laquelle est installé le chantier Eole (prolongement du RER E à l’ouest, Ndlr). Le maire Jacques Kossowski résumait ainsi dans son édito publié dans le magazine municipal Courbevoie Mag de mai 2021 : « Parmi les principaux problèmes soulevés, figure notamment la décision d’utiliser plusieurs espaces verts de la ville, dont le square des Brunettes, qui serait condamné tout le temps des travaux et le parc des Bruyères, dont un tiers de la superficie (soit 3 300 m²) serait occupé ».

Un autre sujet s’impose pour les élus de Courbevoie et de Nanterre, les conséquences sur la RN 13 liées à la construction de la nouvelle gare de la Défense. « Est-ce que pour faire la gare de la Défense, on coupe la RN 13 pendant cinq ans ? s’interroge le maire de Nanterre Patrick Jarry (DVG). Or fermer pendant 5 ans la RN 13, qui va de la Défense à la Boule, Rueil, Bougival ou le pont de Chaillot, aura des conséquences pour Nanterre ».

À Courbevoie et Puteaux, la fermeture partielle ou totale de cette route pourrait également générer une circulation plus intense en centre-ville « C’est au-delà de l’occupation d’un chantier c’est en terme de trafic, qu’est ce que cela peut générer ? s’inquiète Marie-Pierre Limoge. Et c’est ce qui en ce moment préoccupe Courbevoie et Puteaux […] C’est la fermeture partielle ou totale de la RN 13 qui générerait nécessairement du trafic, l’évaporation du trafic dans nos deux villes ».

Du côté des associations d’usagers, Arnaud Bertrand comprend les riverains qui craignent ces chantiers et qui subissent déjà les travaux d’Eole. « C’est plus le côté cumul des travaux pour les riverains, c’est-à-dire qu’il y a cinq ans de travaux Eole, il y a des années de travaux Rose de Cherbourg, et quand ça va se finir, paf, on remet le couvert avec un chantier de la même ampleur ».

Des questions se posent également selon lui sur l’attractivité future de la ligne qui pourrait notamment souffrir du déplacement de la gare dans le quartier de la Rose de Cherbourg alors qu’elle devait initialement se trouver sous le centre commercial Westfield Les 4 Temps. Un éloignement du quartier d’affaires qui pourrait allonger les correspondances et la rendre moins pratique pour les usagers.

« Il faut en payer le prix [la construction de la ligne 15], mais ça serait dommage de faire ça mal avec un tiers de gens en moins parce que ce n’est pas pratique, que les gens ne l’aiment pas et qu’il n’y a que ceux qui sont obligés de la prendre qui la prenne et les autres restent sur les lignes bondées », résume ainsi le président de l’association d’usagers Arnaud Bertrand.

Avec la délibération votée lors du conseil municipal, la municipalité de Courbevoie espère entamer à nouveau le dialogue avec la Société du Grand Paris pour réduire au maximum les désagréments pour les riverains et courbevoisiens. Une négociation qui avait déjà eu des effets positifs sur l’organisation du chantier du RER E et qui avait permis d’éviter avec la conduite de marinage un nombre de passages de camions journaliers dans la ville proche de 250.

L’élue de conclure concernant la construction de la future ligne 15 ouest : « Elle dérape dans le calendrier, elle dérape dans le financement et on ne peut pas demander aux habitants de nos villes de subir ces dérapages ». L’enquête publique devrait permettre aux habitants d’y voir plus clair et de récolter leur avis.

CRÉDIT PHOTO : ILLUSTRATION / HÉLÈNE BRASSEUR