Arrivée libre à son audience, une jeune femme accusée de vol en réunion dans un pavillon de Suresnes, se présente sans avocat. Doit-on reporter le procès ? Accepte-t-elle de comparaître sans conseil ? De longues minutes durant, le tribunal s’interroge et tente de comprendre les raisons d’une telle impréparation de la prévenue. Mais, la jeune femme semble préoccupée par autre chose que sa défense.

En quête d’une preuve d’affection, elle cherche régulièrement du regard le second prévenu, déféré depuis la prison de la Santé et reclus dans le box des accusés. Les deux protagonistes ont officiellement entretenu une relation, parfois pour le pire. En tout cas, il en fut ainsi le 26 janvier 2021, quand les deux comparses se rendent à Suresnes pour visiter un pavillon chic.

Selon la victime du cambriolage, une dizaine de montres de luxe, des stylos, une pochette Hermès, des bijoux et de l’électronique manquent à l’appel, après état des lieux. Un préjudice évalué à 50 000 euros. « C’était pour payer une dette », arguera le prévenu au tribunal, qui entrera en voie de condamnation pour lui et sa petite-amie d’alors. Elle, ne l’aurait accompagné que par pure jalousie, de peur qu’il sorte commettre un adultère.

C’est en tout cas la position qui demeurera celle de la prévenue et de son avocate tout au long de l’audience ; car la jeune femme après maintes tergiversations aura accepté d’être défendue par le conseil de son complice. Un individu plutôt sanguin, qui va s’emporter dès le début de l’audience. Car dans la salle, sa mère cherche à capter son attention.
« Madame, vous arrêtez vos simagrées avec le box ! », cinglera l’un des assesseurs, agacé.
« Je ne vous permet pas de parler comme ça à ma mère »
, ragera l’homme derrière la vitre du box. S’ensuivirent quelques remous dans la salle, stoppés net par la présidente du tribunal.

« Vous allez vous calmer où vous serez expulsé, prévient-t-elle à l’accusé. Et ce sera contre votre intérêt ! ». Le prévenu s’assagit, d’autant qu’il risque gros. Filmé par la vidéo-surveillance du pavillon où il s’est introduit, il avoue être entré par effraction dans ­l’habitation.

Mais, il n’assume que le vol de sept montres de luxe. Un butin revendu 9 000 euros, selon ses dires, pour « payer une dette ». Son casier judiciaire était alors déjà bien fourni, avec 23 mentions, dont une pour tentative de viol et viol avec arme, prononcée alors qu’il était mineur. « C’est pas une peine de prison qui va me calmer, certifie ce multirécidiviste, dont la première peine remonte à ses 14 ans. Et je vous mens pas, si on me donne un SSJ (suivi socio-judiciaire), je ne le respecterai pas ».

De quoi laisser le tribunal perplexe quant à la bonne sanction à adopter. D’autant que le prévenu a entre temps été condamné à 10 mois de réclusion pour vol avec arme, enlèvement et ­séquestration, pour des faits datant d’une dizaine de jours après le cambriolage. « La seule chose que je sais faire, c’est voler », jure le prévenu, qui tente de se faire la victime d’une ­certaine fatalité.

« Oui enfin, vous êtes détenteur d’un CAP logistique. Vous savez faire autre chose », lui oppose l’assesseur, qui se voit répondre : « Les employeurs me demandent toujours où j’ai passé mon CAP [en prison] et là, c’est mort ». Dans sa plaidoirie, la procureure ne s’attardera pas sur son cas : « Il y a de nombreux éléments dans le dossier qui incriminent monsieur et en plus, il a reconnu les faits. Mais concernant la prévenue, il va falloir entrer un peu plus dans les détails ».

Le degré de conscience de la jeune femme des intentions délictueuses de son petit-ami auront bien occupé les débats. Selon ses dires, elle ne se doutait pas de ce qui se tramait. « C’était mon petit-ami, quand il me dit de l’accompagner, je l’accompagne », se défend-t-elle à la barre. « Je ne voulais pas la mêler à cela, mais elle ne voulait pas que je sorte seul », précisera le prévenu, révélant ainsi la jalousie maladive de la jeune femme.

« Je ne connais pas ce couple toxique, mais depuis le début de l’audience, elle ne fait que me demander qui est la jeune femme assise à côté de la mère de mon client », dévoilera son avocate, pour qui elle ignorait tout du cambriolage. « Elle est tout de même allée sonner chez la voisine avant, insistera la procureure. Ce pourrait être qualifié d’acte de repérages et donc de complicité par aide et assistance ».

Un motif de culpabilité reconnu par le tribunal, qui la condamnera à six mois de prison avec sursis et une interdiction de paraître à Suresnes. Même interdiction pour son ex-compagnon, mais assortie d’une peine deux fois inférieure aux réquisitions du parquet : 12 mois d’emprisonnement ferme.

CRÉDIT PHOTO : ILLUSTRATION / LA GAZETTE DE LA DÉFENSE