Depuis jeudi 5 décembre, une grève interprofessionnelle paralyse une bonne partie des transports en France, et la région parisienne ne fait pas exception. Dans les entreprises, des mesures ont été prises pour palier le manque de transports et un bon nombre d’employés sont ainsi restés chez eux lors des premiers jours de grève.

Pourtant, et si le mouvement de contestation s’éternise, les observateurs des transports en commun franciliens craignent une immense pagaille, notamment dans le plus grand quartier d’affaires du pays. Déjà, lundi 9 décembre, les routes de la région étaient saturées dès le petit matin, bien avant l’heure de pointe habituelle.

« La semaine dernière, tous les collaborateurs ont reçu un mail les informant qu’ils pouvaient faire du télétravail », explique-t-on au service presse de Technip FMC, vendredi 6 décembre. Et l’entreprise installée dans la tour Adria n’est pas la seule à avoir vivement incité ses salariés à rester chez eux. Jeudi 5 et vendredi 6 décembre, l’esplanade était en effet particulièrement vide en pleine journée.

Idem dans les transports, que ce soit dans les stations gérées par la RATP ou la SNCF. « Je ne m’attendais pas à ça, confie un agent installé au guichet de la station Esplanade de la Défense. Les gens ont pris leurs dispositions, soit un congé, soit du télétravail ». En effet, l’arrêt est désert en ce début d’après-midi du 5 décembre.

« C’est relativement calme », attestent deux gilets verts volontaires de la RATP, le même jour à la station Grande arche. « Je ne pensais même pas que les commerces seraient ouverts », confie une volontaire chargée d’assister les voyageurs, peu nombreux, perdus. Effectivement, dans la station, seul le Colombus Café est resté rideaux baissés ce jour-là.

Chez Allianz, situé dans la tour du même nom, le problème a été pris très au sérieux par les services des ressources humaines. Un « process » spécifique a même été mis en place, et durera le temps des perturbations. En plus de l’incitation au télétravail, les horaires d’ouverture des bureaux ont été décalés, pour que les salariés qui le désirent ne subissent pas l’heure de pointe. « On s’est rendu compte qu’entre hier et aujourd’hui, plus d’une centaine de personnes avaient utilisé le créneau du matin (dès 6 h, Ndlr) pour travailler », assurait Marie-Françoise Hulin, du service communication de l’assureur.

Dans le même temps, l’utilisation des vélos a été largement encouragée par l’entreprise qui a mis à disposition des salles de réunion pour les entreposer, et éviter les vols. Ce « process » mis en place permet aussi aux employés de travailler depuis « un autre lieu d’Allianz », même si l’établissement n’est pas celui d’origine du salarié.

« Ce qu’on ne sait pas, c’est si la semaine prochaine les gens se seront organisés comme aujourd’hui », expliquait Arnaud Bertrand, président de l’association d’usagers Plus de trains, vendredi 6 décembre. En effet, les syndicats semblent prêts à se mobiliser sur la durée et certains salariés ne pourront pas rester travailler chez eux indéfiniment.

« C’est quand même pratique d’être en face to face (en face-à-face en français, Ndlr) avec ses collègues et de pouvoir leur parler », reconnaît par exemple Delphine Nayral, du service communication de Technip FMC, qui a opté pour le télétravail vendredi 6 décembre. De plus, certains métiers nécessitent forcement d’être présents dans la tour Adria, explique-t-elle.

« Pour les métiers de la communication, franchement il y a beaucoup de choses qu’on peut faire à distance avec un ordinateur et un téléphone, assure-t-elle. Mais pour les métiers d’ingénierie chez nous, peut-être qu’ils vont devoir avoir accès à des ordinateurs ou à certains logiciels qu’ils n’ont pas chez eux. »

Et si lundi 9 décembre, la Défense était toujours peu animée, la circulation routière était très dense en Ile-de-France, signe que le télétravail ne pourra pas durer trop longtemps pour certains salariés qui ont pris leurs dispositions pour la fin de semaine. Dans la matinée, un pic exceptionnel de 630 kilomètres de bouchons cumulés a été atteint en Ile-de-France. « Soyez prévoyants jusqu’aux vacances de Noël au moins, assure de son côté le président de Plus de trains. Ça va durer »

« Il y a vraiment très peu de conducteurs (de train, Ndlr) qui ne font pas grève, indique Arnaud Bertrand vendredi 6 décembre. C’est beaucoup des remplaçants, c’est beaucoup des cadres, des chefs d’équipe de conducteurs, des gens comme ça, qui conduisent en ce moment. » Une plus forte paralysie des transports dans les jours à venir reste donc possible.

« Je crois, si je ne dis pas de bêtises, ou alors il y a peut-être eu des exceptions pour des réformes des retraites, mais je ne me souviens pas, c’est très rare que la RATP et la SNCF fassent grève ensemble aussi fortement, estime-t-il encore. Et là, c’est quand même très costaud, et ça tape fort ». Mais si les transports ne fonctionnent que partiellement, ils n’étaient d’ailleurs pas saturés lundi 9 décembre au matin, la seule solution est bien souvent la voiture pour un bon nombre d’usagers vivant loin de la capitale.

Des solutions de covoiturage sont d’ailleurs proposées gratuitement pour les abonnés Navigo par Ile-de-France Mobilités, sur le site vianavigo.com. La ville de Paris autorise les conducteurs covoitureurs à utiliser les voies de bus, seulement si la voiture transporte trois personnes ou plus cependant. Les entreprises elles aussi jouent le jeu du covoiturage, comme Allianz. L’assureur a ainsi mis au point une plateforme interne à ses employés : « Ça marche plutôt bien », assure-t-on au service communication.

Une nouvelle journée de mobilisation dans la rue était prévue mardi 10 décembre, à l’appel des principaux syndicats perturbant un peu plus le réseau de transports en commun. Mercredi 11 décembre, (jour de parution de notre édition, Ndlr), le Premier ministre Edouard Philippe devrait annoncer les grandes lignes de la réforme des retraites, ce qui pourrait accentuer la mobilisation si le texte déplaît aux manifestants.