Les 100 000 automobilistes passant quotidiennement dans les tunnels de l’A14 passant sous Nanterre et la Défense arrêteront-ils enfin de se perdre dans ces méandres autoroutiers souterrains ? Depuis cet été, les utilisateurs de l’application GPS Waze qui actionnent le Bluetooth sur leur téléphone peuvent en effet continuer d’être géolocalisés, et donc correctement dirigés, dans les 16 km de tunnels de l’autoroute A14 et de ses 16 bretelles d’accès.

Cette installation, menée fin 2018 mais activée cet été, fait suite à une première expérimentation de ces balises de géolocalisation Bluetooth le long des tunnels de l’autoroute A14, des Yvelines jusqu’à l’entrée du tunnel de la Défense située à Nanterre. Menée à partir de 2016, ce qui en faisait le premier essai du genre en Europe, elle s’est avérée concluante aux yeux de la Sanef, le concessionnaire de l’A14 (et filiale du groupe espagnol Albertis, Ndlr)

Car au-delà de la réussite technologique que constituent ces balises peu coûteuses créées par un ingénieur de Waze (filiale de Google, Ndlr), elles permettraient surtout d’éviter des situations dangereuses, en particulier dans des tunnels de plus de quelques centaines de mètres. Ce qui explique qu’après la Sanef, la Direction des routes Île-de-France (Dirif) ait passé un partenariat avec la reine des applications GPS en France pour la section de l’A14 dont elle a la gestion.

L’application GPS Waze, qui revendique plus de 13 millions d’utilisateurs actifs en France, suggère aux conducteurs d’allumer la fonction Bluetooth de leur téléphone afin d’être localisés dans les tunnels.

« Le noeud formé par l’A14 et l’A86 est le théâtre de nombreux accidents et d’embouteillages », exposait en juillet un communiqué de presse de la Dirif annonçant que 400 balises Bluetooth avaient été installées dans les tunnels autoroutiers de la Défense. Ces « Waze beacons (balises en anglais, Ndlr) », détaille la Dirif, « prennent ainsi le relais du signal GPS perdu pour les applications qui s’y connectent ».

« Quand ils arrivent de Paris et vont vers l’A86, les gens ont leur GPS qui ne fonctionne plus, ils vont tout droit [vers l’A14], se retrouvent au péage de l’A14, expose plus concrètement du principal embranchement du tunnel Franck Rivey, responsable des systèmes de transports intelligents et de gestion du trafic à la Sanef. Certains font demi-tour au péage, c’est très dangereux. On fait maintenant complètement confiance au GPS : quand on se retrouve dans le tunnel, on fait des tours pour rien et c’est un danger pour la sécurité. »

Ces balises qui signalent leur position aux automobilistes ne sont pas une nouveauté pour les salariés habitant les Yvelines et prenant l’A14 afin de se rendre dans le quartier d’affaires. Depuis leur pose les 28 et 29 septembre 2016, les tunnels de l’A14 jusqu’à celui de la Défense disposent en effet de quelques centaines de ces balises. « On a été le troisième tunnel dans le monde à être équipé », rappelle le responsable de la Sanef.

Depuis ce moment, et depuis cet été concernant la Défense, l’application GPS Waze, qui revendique plus de 13 millions d’utilisateurs actifs en France, suggère aux conducteurs qui y passent d’allumer la fonction Bluetooth de leur téléphone afin d’être localisés dans les tunnels. Pour l’instant, seules Waze et Google maps utilisent ces balises, même si leur signal est accessible aux autres concepteurs de logiciels de navigation, car son protocole répond aux règles de l’open source, assure la filiale de Google.

Dans des tunnels d’une quinzaine de villes dans le monde, « trois millions d’utilisateurs de Waze profitent de ces balises durant leurs trajets au quotidien, ainsi qu’un très grand nombre d’utilisateurs de Google maps », précise Jérôme Marty, directeur général de Waze France, de l’usage de ces petits appareils. Au siège de Waze, situé en Israël, tout est né du travail solitaire d’un ingénieur.

Le signal émis par ces balises est accessible aux autres concepteurs de logiciels de navigation, car son protocole répond aux règles de l’open source, assure la filiale de Google.

« Quand j’ai commencé ce projet, tout le monde me disait « Gil, calme-toi, ce ne sont que des tunnels » », s’est souvenu celui-ci, Gil Disatnik, dans une récente interview du site internet spécialisé 01net.com. « Waze lui accorde alors un jour de temps libre par semaine pour qu’il élabore son plan d’attaque. Plus tard, ce qui n’était qu’un « hobby » deviendra son travail à plein temps », détaille le site internet. Il révèle par ailleurs qu’une « troisième application majeure » allait bientôt les utiliser.

De la taille d’un paquet de cigarettes, ces balises sont commercialisées pour une trentaine de dollars pièce par Waze. Elles utilisent la norme Bluetooth low energy (BLE) et sont fabriquées par un de ses spécialistes mondiaux, la société Bluvision (filiale du groupe JID global, Ndlr). Fonctionnant avec une batterie d’une autonomie de plusieurs années, elles ne nécessitent donc aucun branchement.

Intallées en hauteur, à quelques mètres du sol et tous les 40 m environ, elles diffusent chacune un numéro dont la position est connue par l’application de navigation des conducteurs. Elle peut donc les géolocaliser et maintenir l’illusion d’un fonctionnement du GPS (dont le signal provient de satellites et n’est donc pas disponible en sous-sol, Ndlr).

« Les premiers résultats sont très encourageants pour Waze, qui constate une réduction des accidents dans les tunnels ainsi qu’une meilleure capacité à alerter les secours lors d’un accident dans les endroits équipés », rapporte aussi 01net.com. « Nous n’avons pas de statistiques significatives à communiquer sur les bénéfices de l’opération, mais nous savons qu’elle facilite grandement la circulation dans les tunnels de l’A14 », complète le directeur général de Waze France.

Tout commence en France en 2016 par une rencontre proposée dans les locaux parisiens de Google, autour d’un programme désormais nommé Waze for cities. La filiale de Google présente ses balises Bluetooth à l’assistance, composée de professionnels de la gestion des réseaux routiers et autoroutiers. « Je leur ai dit que ça nous intéressait énormément de les mettre dans le tunnel de l’A14 » où passent chaque jour en moyenne 30 000 automobilistes, se souvient Franck Rivey.

Déjà partenaires, Waze et la Sanef décident d’une première expérimentation près de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), dans « un tronçon particulièrement complexe et dans lequel la conduite peut être parfois stressante voire dangereuse », rappelle Jérôme Marty de ce « dispositif pilote ». Plus de 230 « Waze beacons » sont alors implantés le long des 4,8 km du tunnel, le plus long dont la Sanef à la charge sur son réseau autoroutier français.

De la taille d’un paquet de cigarettes, ces balises sont commercialisées pour une trentaine de dollars pièce par Waze. Elles sont intallées en hauteur, à quelques mètres du sol et tous les 40 m environ.

« Pour nous, ça a de gros avantages en termes de sécurité, l’application continue à fonctionner, témoigne le responsable de la Sanef. Quand vous avez un tunnel avec des divergents à l’intérieur, le GPS ne le sait pas mais Waze, si : c’est très important car sinon, les gens tournent au dernier moment. L’autre aspect […] que je trouve très intéressant est qu’on peut maintenant déclarer des événements et des accidents dans le tunnel […], signalés aux « wazers » qui sont derrière. »

Selon nos informations, la réussite des tests menés depuis 2016 sur le réseau de la Sanef a été une cause directe de l’extension du réseau de balises sur la portion en tunnel de l’A14 que gère l’État, par l’intermédiaire de la Dirif (qui n’a pu commenter à temps pour la publication de cet article, malgré de nombreuses sollicitations, Ndlr). Un budget de 30 000 euros est débloqué, partagé à moitié par l’État et le conseil régional d’Île-de-France, dans le cadre d’un partenariat signé en 2017 « pour changer la route par l’innovation et l’expérimentation ».

L’implantation des balises est réalisée « en quatre nuits de travaux fin 2018 », indique le communiqué de la Dirif des 16 km de routes et 16 bretelles d’accès couvertes. « Les 100 000 véhicules par jour qui empruntent ce tunnel sont […] confrontés à de nombreux points de choix, avec pour seule information les panneaux de signalisation dans le tunnel, pointe la Dirif. Cette configuration complexe associée à la densité et à la vitesse de circulation peut être source de comportements accidentogènes, qui peuvent générer de surcroît des encombrements aux heures de pointe en cas d’accident. »

CREDIT PHOTO : SANEF