Salarié d’Enedis depuis juin 2016, il est actuellement en procédure disciplinaire « pour absences injustifiées » et « attitude menaçante et dangereuse, comportement violent et irrespectueux à l’encontre » du médecin de contrôle. Ce Nanterrien estime qu’il a terminé en situation de burn-out à cause de « remarques racistes » et d’une « mise au placard ».

Alors qu’il encourt un possible licenciement de l’entreprise, la CGT a manifesté en guise de protestation. La procédure, elle, suit son court et doit tirer ses conclusions d’ici à la fin de l’année, pour ce salarié dont le « burn out professionnel » a été diagnostiqué en mars 2018. La société ne souhaite pas commenter la procédure.

Mardi 15 octobre, devant l’entrée du siège d’Enedis à la Défense, ils sont un peu plus de 80 à manifester leur soutien à Steve à l’appel de la CGT. Pour Salim Khamallah, secrétaire général de la CGT Enedis Ouest Île-de-France, « il y a un racisme latent » dans sa situation, et « l’état de santé de Steve n’a pas été traité comme il fallait ».

À 24 ans, Steve intègre l’entreprise chargée de la gestion du réseau électrique, au sein d’une antenne à Nanterre, en juin 2016. Apprenti, il doit se former au métier de technicien supérieur pendant un an avant sa titularisation. « Tout se passe bien pendant les six premiers mois », raconte le Camerounais habitant depuis plusieurs années en France. Mais il aurait ensuite fait l’objet de remarques racistes répétées. Sur conseil d’un de ses collègues, il décide de se taire un temps. « Cela me rongeait, je n’en dormais plus la nuit », décrit-il.

Steve alerte finalement sa direction à Nanterre par courriel en décembre 2017. Il est transféré au magasin de l’antenne : « C’est un placard », déplore-t-il. Là-bas, il aurait encore subi des blagues racistes. Sans formation ni habilitation, il se blesse sans qu’aucune « déclaration d’accident de travail ne soit faite », regrette-t-il : « J’ai dû aller seul en boitant à l’hôpital. » Steve s’enlise alors dans une dépression : « J’ai voulu mettre fin à mes jours. »

Selon des documents que La Gazette s’est procurés, en mars 2018, son médecin généraliste diagnostique un « burn-out professionnel ». En octobre 2018, il fait part de « souffrance au travail » caractérisée par les symptômes suivants : « Insomnie, boule dans le ventre, anxiété et idée suicidaire ». Sous antidépresseurs, il multiplie les absences et les arrêts de travail. Lors d’une visite chez le médecin de contrôle début novembre, le médecin estime qu’il est apte à reprendre. Le lendemain, il fait un malaise en allant au travail, suit une hospitalisation de 11 jours.

« Lors de mon retour au pays pour mes congés, je pète un câble, je ne voulais pas retourner au boulot, j’ai même perdu mes papiers », décrit-il de cette reprise prévue fin décembre 2018. Cela lui vaut une procédure disciplinaire pour absences injustifiées : il est rétrogradé et changé de site, quittant Nanterre pour Montigny-lès-Cormeilles (Val d’Oise).

Dernier acte lors d’une visite chez le médecin de contrôle, pas d’accord avec le diagnostic du médecin traitant du jeune homme. Elle lui aurait lancé des remarques désobligeantes concernant « la chance de pouvoir travailler chez Enedis en tant qu’étranger ». Steve se serait levé et aurait quitté les lieux énervé, sans son papier « attestant qu’il s’est bien présenté à la médecine de contrôle ».

Il aurait alors décidé de sonner à l’interphone pour récupérer ce document. En vain. « Sans être violent, il a tambouriné à la porte et menacé de rester là toute la journée », indique la direction d’Enedis. « C’est pour ne pas avoir fourni les justificatifs nécessaires pour ses arrêts maladie et pour ce comportement inapproprié qu’il passe en commission de discipline », détaille-t-elle.

« Tant qu’il n’y aura pas de preuve ou de témoignages attestant les faits [dénoncés par Steve], il ne pourra pas y avoir d’enquête », expose encore la direction des ressources humaines. Elle ne souhaite pas commenter la procédure en cours, qui doit se conclure d’ici à la fin de l’année. Steve encourt du simple blâme au licenciement : « 67% des procédures disciplinaires ne vont pas à leur terme », rappelle cependant la direction d’Enedis.