« Ciao ! C’est pas ça la gauche. » C’est sur ces mots que Philippe Quesne, directeur du théâtre des Amandiers a décidé, dans un entretien accordé à Libération le 14 juillet dernier, de claquer la porte. En conflit avec la municipalité, le metteur en scène a annoncé ne pas se présenter pour un troisième mandat. En poste depuis 2014 sur nomination du ministère de la culture, l’artiste quittera ses fonctions le 31 décembre 2020. La municipalité, quant à elle, s’est défendue en publiant un communiqué le lendemain.

Dans les colonnes du quotidien de gauche, le directeur du Centre dramatique national (CDN) est lassé par « un mépris artistique absolu » du maire et d’un ministère de la culture « qui n’arbitre plus rien ». Artistiquement, Philippe Quesne est ravi d’avoir « valorisé une transversalité naturelle », tandis que le maire lui aurait reproché de ne pas avoir « amené Thomas Ostermeier », figure du néo-classicisme.

L’artiste-gestionnaire revendique un renouvellement des spectateurs avec 40 % d’entre eux ayant moins de 30 ans, mais également des comptes à l’équilibre. Sa plus grande fierté est la part de créations originales des équipes du théâtre : « on produit 80 % de ce qu’on montre ». Philippe Quesne estime que « le maire ne peut pas [l]’attaquer sur le bilan artistique ».

Le point de non-retour entre Philippe Quesne et la mairie porte sur la question des travaux de rénovation du théâtre. Le projet initial prévoyait de raser pour reconstruire. Une rénovation a finalement été privilégiée et votée en conseil municipal le 16 octobre 2018. Le projet prévoit une rénovation extérieure moderne portée par le cabinet d’architecture norvégien Snohetta, pour une facture de 37 millions d’euros dont 11 millions d’euros pris en charge par la mairie.

Le théâtre sera ainsi inutilisable pendant la durée des travaux dont le début est prévu pour 2020, et ce jusqu’en 2022. Une situation qui ne convainc pas le directeur du théâtre, lequel estime que « [le maire] ne nous facilite rien » avec des « [les] transports […] coupent le théâtre et ses moyens d’accès ». Il déplore aussi que le CDN « négocie par exemple des affichages municipaux quasiment plus chers qu’une pub de téléphone portable ».

Philippe Quesne jette d’autant plus l’éponge en raison du flou autour des conditions de maintien de l’activité du théâtre pendant la durée des travaux. Philippe Quesne confiait au Parisien en octobre dernier que le théâtre « utilisera les ateliers décors, réaménagés en salle de 500 places ». Mais ce temps est révolu et le directeur reproche à la Ville de ne pas avoir trouvé de solution viable.

Le maire, Patrick Jarry (DVG), a rapidement réagi à ce réquisitoire via un communiqué publié le 15 juillet. La municipalité « prend acte de cette décision » et défend son soutien financier, soit « une subvention annuelle de 820 000 euros », et 11 millions d’euros dans le cadre du fameux projet de rénovation de la discorde. La mairie s’engage à maintenir la continuité de l’activité du théâtre à l’aide de locaux provisoires, comme initialement prévu.

Par ailleurs, la mairie argue n’être « jamais intervenue dans [les] choix artistiques, [la] programmation ou la gestion [des] équipes » durant le mandat de Philippe Quesne. Le communiqué réfute également les accusations de ce dernier, estimant avoir été « d’un soutien de premier plan et d’une attention particulière pour le théâtre dans son territoire ».

Selon la Ville, la gestion et la programmation mises en place au théâtre des Amandiers par Philippe Quesne auraient exclu les Nanterriens de celui-ci. « Le lien entre le théâtre des Amandiers et Nanterre, sa population, ses acteurs culturels s’est beaucoup affaibli », critique ainsi la municipalité. Cette dernière assure que « la proportion de spectateurs nanterriens est tombée à 10% ». Nommé en 2014 en duo avec Nathalie Vimeux, Philippe Quesne suit ainsi le chemin de son ancienne collègue, laquelle a claqué la porte au bout de six mois.