Tout commence lorsque Jennifer Kerner, professeure de préhistoire à la Maison archéologie et ethnologie (MAE) de Nanterre depuis cinq ans, tombe malade. Pour éviter à ses étudiants de prendre du retard, celle qui fut comédienne pendant son adolescence et ses études supérieures a alors l’idée d’enregistrer ses cours en se filmant. Le format cartonne, et les jeunes la poussent alors à ouvrir sa propre chaîne Youtube. Aujourd’hui, plus de 2 600 abonnés la suivent sur Boneless, où elle raconte sa passion : les faits préhistoriques et mortuaires étonnants.

L’université Paris-Nanterre, et plus particulièrement la MAE, est « ravie » de l’avoir dans ses rangs. A travers ses vidéos, Jennifer Kerner contribue selon ses confrères à promouvoir la recherche et le savoir auprès du grand public. Isabelle Rivoal, vice-présidente chargée de la politique documentaire, de la diffusion et de la valorisation scientifique de l’université de Paris-Nanterre, propose même de l’ériger comme un « modèle pour tous les doctorants ».

« Je m’appelle Jennifer Kerner et je fais le métier que vous rêviez de faire quand vous étiez enfant, je suis archéologue ». Voilà comment se présente la jeune professeure de préhistoire à la Maison archéologie et ethnologie de Nanterre, dans la vidéo de présentation de sa chaîne Youtube, Boneless. Avec ses 2 600 abonnés, elle est aujourd’hui bien identifiée au sien de la niche des youtubeurs francophone traitant d’archéologie, ceux-ci restant peu nombreux.

Si sa chaîne est encore naissante, elle n’est pas vraiment une débutante en la matière, l’enseignante ayant déjà un long parcours au théâtre comme au cinéma. Séries télé, cinéma, théâtre ou one man show, Jennifer Kerner a en effet déjà une carrière de comédienne accomplie, menée dès l’enfance, de 2003 à 2012, jouant ainsi dans le film La rafle en 2010. Mais la jeune actrice a toujours privilégié ses études d’archéologie, jusqu’à devenir enseignante à l’université nanterrienne.

Passionnée d’ethnoarchéologie, une discipline visant à éclairer les vestiges archéologiques via l’analyse des populations vivantes actuelles, et de rites funéraires insolites, elle parcourt le monde pour découvrir les curiosités macabres. En 2017, elle envoie sa première vidéo à ses étudiants pour qu’ils puissent suivre ses cours malgré son absence, et en octobre de la même année, sa chaîne est lancée. Pour la plus grande joie de la direction de l’université, dont elle est la première enseignante à se lancer sur Youtube.

L’université Paris Nanterre, et plus particulièrement la MAE, sont « ravis » de l’avoir dans ses rangs, la direction de l’établissement l’érigeant même en « modèle pour tous les doctorants ».

« Dès que la fac a vu ma chaîne, ils ont tout de suite accroché, et l’ont diffuse » se rappelle Jennifer Kerner, dans son bureau de la MAE à la mi-mars. « La MAE pour l’université de Nanterre est notre pôle de recherche d’excellence, donc on accompagne toute action qui peut promouvoir et valoriser la recherche qui se fait sur le campus de Nanterre », fait remarquer la vice-présidente politique documentaire, diffusion et valorisation scientifique de l’université de Paris Nanterre, Isabelle Rivoal.

« Jennifer est irréprochable, c’est très bien fait, elle a une composante valorisation exceptionnelle, loue-t-elle de l’enseignante. Ce qu’elle fait vaudrait presque un Mooc (cours proposés gratuitement en ligne, Ndlr), parce que c’est beaucoup de temps investi. » Avoir une professeure comme Jennifer Kerner est « formidable » pour les étudiants selon celle qui est aussi l’ancienne directrice adjointe du MAE, sa production audiovisuelle sur Youtube offrant un « rayonnement inestimable pour faire donner envie de venir aux étudiants » à ­l’université.

« On est très demandeur de ce type d’initiatives, et le public est friand de tout ce qui concerne la préhistoire et l’archéologie, puisque ça parle de l’origine de l’homme », poursuit Isabelle Rivoal. Venue à l’université Paris-Nanterre pour faire sa thèse sur les doubles funérailles (funérailles en plusieurs temps, Ndlr), Jennifer Kernert y a ensuite décroché un poste à plein temps pour enseigner la préhistoire dans le département anthropologie de la MAE.

« Au début, je filmais 1 h 30 de cours magistraux, se souvient-elle. C’est rigolo parce que je pouvais montrer des objets que j’avais chez moi et pas en cours pour expliquer certaines choses. » Ses étudiants seraient alors devenus voraces : « Il m’ont demandé si je pouvais faire des petites pastilles en plus des cours, sur des objets que j’avais chez moi, ils aimaient bien. »

Aujourd’hui, ces pastilles constituent une catégorie de sa chaîne Youtube, Objets mortels (aux côtés des deux autres catégories, Vlog archéo et Week-end mortel, Ndlr). D’autres vidéos ont été demandées pour expliquer le métier d’archéologue, souvent fantasmé. « Au début, je n’avais que des étudiants, mais maintenant, j’ai des passionnés d’archéologie qui me suivent », se réjouit-elle.

Lorsqu’elle ne prodigue pas ses cours, Jennifer Kerner est sur le terrain, avec sa caméra bien sûr. La jeune chercheuse souhaite par ailleurs que sa chaîne Youtube reste pour elle un plaisir pédagogique. «Je n’ai pas envie d’en faire mon métier, il faudrait que je choisisse des thèmes ultra-vendeurs et que je fasse de longues vidéos, indique-t-elle. Moi, j’ai envie de parler de ce qui me plaît : l’archéologie de la mort. »

Toujours dans cette optique pédagogique et de découverte de sa discipline envers le grand public, la jeune femme publie ce mois-ci un livre au sein d’un collectif d’archéologues, Team paléo. Dans Retour vers le paléo, l’enseignante revient, entre autres, sur l’origine des tubes musicaux, les premiers punks à chiens, ou encore sur les ancêtres des sex-toys.