Faire de l’économie circulaire dans le domaine du bâtiment ? C’est le défi que s’est lancé le groupe Edeis, spécialiste des domaines de l’ingénierie et de la gestion d’infrastructures, par le biais de sa branche Save up. Depuis 2016, elle favorise le réemploi des matériaux prêts à être envoyés à la benne lors d’opérations de démolition ou de rénovation, par leur revente. Save up est actuellement le partenaire du chantier de la tour Initiale, anciennement RTE, surplombant le quartier Bellini.

La rénovation de la tour Initiale après le départ de RTE, comprend 16 000 m² de bureaux, et un chantier du 14e au 28e étage. «  Principalement des plateaux, typiques des années 1990 », souligne Caroline Guichard, chargée de projet chez Edeis, rencontrée par la Gazette le 23 janvier dernier sur le chantier de la tour. L’entreprise a deux mois pour vendre tous les matériaux qu’elle a sélectionné pour le réemploi. L’opération a commencé au mois de novembre dernier, alors que le chantier commençait en décembre. « On arrive bien plus en amont habituellement », précise-t-elle.

« On revend des matériaux en bon état, pour leur fonction première, entre 10 et 30 % de leur prix neuf », explique la salariée d’Edeis, puisqu’ils ne sont pas garantis ». L’objectif de Save up étant de produire le moindre impact carbone possible, l’entreprise privilégie le réemploi ou seul le transport laisse sa trace, plutôt que le recyclage. « Ce sont les maîtres d’œuvre qui font appel à nous, détaille-t-elle, puisque ce sont eux qui s’occupent d’organiser la rénovation ou la démolition, et généralement lorsqu’ils cherchent à obtenir des certifications environnementales ».

Pour le moment, très peu d’entreprises pratiquent le réemploi. « On met en relation un écosystème de partenaires pour que les matériaux soient réutilisés, indique Caroline Guichard. Avec, par exemple, des acteurs de plateformes de vente sur internet spécialisées, ou bien de la vente aux enchères. » Dans le cadre de la rénovation de la tour Initiale, plusieurs matériaux sont actuellement stockés sur le chantier, et sont à la vente : plusieurs sortes de luminaires, interrupteurs et prises électriques, lecteurs de badge, écran, tuyauteries, portes, poignées étagères… La liste est longue.

Un catalogue des matériaux à vendre est d’ailleurs conçu pour chaque chantier, pour que les acheteurs puissent faire leur choix. « Ce qui part le plus vite, ce sont les matériaux sanitaires et luminaires, confie Caroline Guichard, les poignées de porte, ou les groupes électrogènes ».

Pour faire appel à Save up, plusieurs étapes sont nécessaires. Dans un premier temps, l’entreprise réalise un audit des matériaux, et identifie ceux susceptibles d’être réintroduits dans une économie circulaire. Ensuite, elle confectionne un « business case » sur mesure, sorte de constitution de l’écosystème de l’économie circulaire et du business model propre du chantier concerné. Vient alors la pré-commercialisation, avec la mise en vente des gisements identifiés via différents supports et partenaires comme des plateformes sur internet ou par le biais d’événements.

Save up pilote ensuite les entreprises de dépose et de re-conditionnement des matériaux pré-commercialisés, et les installent dans un magasin temporaire, généralement en pied de bâtiment où se déroule le chantier. A l’heure actuelle, la branche d’Edeis est positionnée sur le projet de la tour Initiale, mais également sur un chantier à Bagneux, et un autre dans Paris intra-muros.

« L’objectif pour nous, c’est de convaincre les maîtres d’ouvrage que ça vaut le coup, déclare Caroline Guichard. Que ça vaut le dérangement, qu’il n’y a qu’un petit impact sur le planning (trois mois du planning sont dédiés à l’économie circulaire, Ndlr). » Et d’ajouter : « Il faut qu’on arrive à se faire connaître, et montrer qu’on est sûrs, si on ne fait rien, tous ces matériaux vont partir à la poubelle. »

« Il existe un flou juridique autour de cette pratique, puisque les matériaux ne sont pas garantis, admet Caroline Guichard. Certaines grandes entreprises, pour des raisons de sécurité, ne pourront pas les utiliser. » Selon la chargée de projet, l’argent investi par le propriétaire du bâtiment dans le partenariat avec Save up, lui revient toujours in fine dans les poches, grâce à la revente des matériaux. « C’est une question d’être pionnier, estime Caroline Guichard. Le tout est que les gens entendent parler de nous et qu’ils sachent qu’ils ont cette solution qui s’offre à eux. »