« Quand on se rend compte qu’on nous appelle 35 fois pour la même question, c’est peut-être qu il y a un problème d’affichage de l’information. » Partant d’un constat sévère quant à la qualité de sa communication aux usagers qui le sollicitent, le conseil départemental a lancé en 2016 une petite révolution pour ses services : tenter de se rapprocher de la relation client pratiquée dans le secteur privé, afin d’améliorer la satisfaction des administrés de la collectivité locale altoséquanaise.

Deux ans après les débuts de ce projet de grande ampleur, il est toujours en cours de déploiement dans les différents services. Mais ses responsables se sont sentis « assez matures pour faire un retour d’expérience », indique Caroline Bourret, chef de projet du service Gestion de la relation citoyens (GRC) du Département. Alors, le 22 novembre dernier, à l’occasion de la Semaine de l’innovation publique, la collectivité a ouvert ses portes à un public d’une vingtaine d’inscrits afin de présenter son approche de la relation aux administrés.

Car il a fallu tout changer ou presque pour atteindre l’objectif d’apporter des réponses homogènes aux citoyens qui sollicitent le Département, le tout en moins de 72 h, mais aussi de proposer un guichet unique comprenant un centre d’appels et une architecture totalement numérisée. Les premiers résultats du déploiement en cours dans de premiers services semblent positifs : de son lancement en avril 2018 à novembre dernier, le guichet à ce jour presque unique reçu 9 300 appels, 530 formulaires sur internet, et 1 086 accueils dans les sites centraux du conseil départemental.

« On a ouvert une plateforme téléphonique qu’on a copiée sur les Yvelines (engagé dans un processus de fusion avec les Hauts-de-Seine, Ndlr), détaille Caroline Bourret, dont le service GRC existe depuis à peine un an. Progressivement, les centres d’accueil [téléphonique des] PMI (Protection maternelle et infantile, Ndlr) ont été supprimés, on prend en charge tous les appels et on renvoie vers eux si besoin. »

Le lancement effectif du projet a aussi inclus une « numérisation du courrier entrant », qui est désormais à envoyer à une unique adresse postale pour joindre le Département, et la mise en place d’un numéro de téléphone unique comprenant un « serveur vocal interactif ». Le tout sous la direction d’un logiciel, véritable chef d’orchestre numérique d’un géant américain du logiciel. Très largement utilisé dans le secteur privé, il reste encore peu usité au sein des collectivités locales.

Ce 22 novembre, lors de la visite, près de 95 % des appels ont pu être décrochés par les agents présents, qui réceptionnent entre 60 et 100 appels par agent et par jour.

« Avec le numérique, ils sont habitués, dans le privé, dans leur vie personnelle, à faire des démarches en ligne, et ils attendent une instantanéité de la réponse, analyse Julie Smith, directrice générale adjointe au Département, chargée du pôle évaluation, organisation et méthodes. C’est normal qu’ils soient exigeants vis-à-vis des administrations, et qu’elles se mettent à la page. »

Jusqu’à présent, s’il existait déjà un centre d’appels, celui-ci n’était pas forcément le premier contact. Ce dernier pouvait ainsi passer directement par chacun des services ou chacune des structures départementales… au risque d’obtenir des réponses différentes selon l’interlocuteur, voire que le téléphone sonne dans le vide.

Le service de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) à domicile a été l’un des premiers concernés par le déploiement des nouveaux outils du conseil départemental. Depuis deux ans, des absences rendaient en effet de plus en plus difficile d’y effectuer un accueil téléphonique. « Il y avait des postes téléphoniques où personne ne répondait, et ça sonnait dans le vide sans message d’attente quand les agents étaient en ligne », témoigne ainsi Caroline Auliac, du service APA à domicile.

« On a tout de suite vu qu’on était face à une insatisfaction de l’usager, qui passait en plus de poste en poste sans avoir forcément de réponses à sa demande, détaille-t-elle de la mise en place du guichet unique, qui trie selon l’urgence et sa capacité à répondre directement. Aujourd’hui, on reçoit une fiche d’accueil [dans le logiciel], il n’y a plus de transferts d’appels et il n’est plus possible de laisser de messages. Nous avions entre 15 et 20 appels par jour et par agent, et aujourd’hui entre un et cinq : beaucoup de réponses sont apportées en amont. »

Tout commence fin 2015, avec une mise en place en 2016. « Pour le Département, ce n’est pas facile de travailler sur ces sujets-là par rapport à une commune, les sujets sont assez variés », se souvient Caroline Bourret, la chef du service GRC. « On avait un élu très sensible à ces problématiques (l’ex-premier adjoint d’Issy-les-Moulineaux, Paul Subrini, Ndlr), poursuit-elle. C’est une réflexion assez ancienne, mais jusqu’à présent, notre collectivité n’était pas assez mature, car il faut être solide sur l’aspect des systèmes d’information. »

Impossible, en effet, de mettre en place une architecture informatisée unique dédiée à la relation aux administrés tant que chaque service où elle est déployée fonctionne encore avec un mélange d’octets et de papier. Aujourd’hui, le déploiement est donc progressif, et le centre d’appels jongle encore entre guichet unique et méthode traditionnelle selon les services concernés.

A l’occasion de la Semaine de l’innovation publique, la collectivité a ouvert ses portes à un public d’une vingtaine d’inscrits afin de présenter son approche de la relation aux administrés.

Dans cet espace en open space, difficile de faire la différence entre la collectivité locale et l’entreprise privée : même matériel, mêmes logiciels, mêmes écrans au mur pour mesurer l’activité sur la petite dizaine de postes informatiques. Ce 22 novembre, lors de la visite, près de 95 % des appels ont pu être décrochés par les agents présents, qui réceptionnent entre 60 et 100 appels par agent et par jour.

« On est passé d’une logique de standard à une plateforme téléphonique, à effectif constant, explique sa responsable aux visiteurs. Le standard faisait exclusivement du transfert d’appels, maintenant, ils doivent apporter une réponse construite et limiter au maximum le transfert vers les services, même s’il y a encore un transfert quand ces services ne sont pas encore utilisateurs de l’outil de GRC. »

A un des postes, un agent explique la nouvelle procédure entre deux appels. « Là, on voit qu’une dame a appelé pour la deuxième fois, montre-t-il sur un de ses deux écrans. Maintenant, on ne passe plus du tout le service : on nous appelle, on crée une fiche citoyen, puis une demande de rappel pour le service qui a 24 h à 48 h pour rappeler. Ici, je vois que Madame untel gère le dossier, elle a laissé un petit mot : si la dame me rappelle, je peux lui dire qu’un travailleur social va la rappeler. »

Aux questions non relatives à un dossier spécifique, ces agents du centre téléphonique peuvent désormais apporter directement des informations préparées en amont par les services du Département, présentes dans un thésaurus unique et partagé. « On est aujourd’hui en mesure de répondre aux questions basiques », se félicite l’agent de la collectivité.

La mise en place de ce guichet unique n’est pas sans conséquences pour les agents du centre d’appels, également chargés de traiter les demandes écrites. « L’équipe arrive le matin 30 min avant l’ouverture de la plateforme, pour traiter les formulaires, comme ils le font aussi lors des rares temps morts », indique un responsable du Département. La procédure est similaire à l’accueil physique des usagers, où les agents sont aussi chargés de réduire la file des formulaires en attente entre deux réponses aux visiteurs.

« On est tous, à notre niveau, responsable de la demande d’un citoyen, analyse Caroline Bourret du nouvel état d’esprit que la collectivité souhaite insuffler en interne. Un citoyen veut avoir la réponse, peu importe ce qu’il y a derrière. Ça nécessite l’implication de l’ensemble de la collectivité : on s’est aperçu que l’accueil, ce n’était pas que les agents d’accueil, mais la responsabilité de tous. »

« Dans le privé, la GRC est de plus en plus répandue, dans le secteur public, il y a encore du travail… Les Yvelines étaient un peu précurseur, le conseil départemental des Hauts-de-Seine suit avec une solution [logicielle] similaire, conclut un responsable de la Poste et habitant du département présent en ce jour de novembre. Ça permet d’avoir un suivi poussé et une traçabilité plus efficace, pour s’assurer que votre dossier n’est pas perdu dans les limbes du Département : ce sont de grosses institutions, qui avaient avant une déperdition d’information importante. »