Les Courbevoisiens ont déjà répondu présent pour devenir financeurs de la rénovation du réseau de chaleur de la commune. Le 20 novembre dernier, la mairie a lancé un financement participatif pour apporter des fonds à la rénovation et à l’extension de son réseau de chaleur et de froid, estimées à 15 millions d’euros au total, via la plateforme de prêts en ligne Lendosphere.

L’objectif initial était d’impliquer suffisamment les citoyens pour lever 100 000 euros, il a été rapidement relevé à 700 000 euros : il sera sans conteste atteint, puisqu’à un mois de la clôture de l’opération, plus de 650 000 euros ont été collectés. Cette opération en prêts rémunérés, initialement ouverte à tous, propose des conditions préférentielles aux Franciliens, et en particulier aux Courbevoisiens, désormais seuls à pouvoir y participer vu le succès de l’opération.

La rénovation et le verdissement du réseau de chaleur de la ville de Courbevoie ont été récemment confiés à Seinergie, filiale à 100 % de Dalkia (elle-même filiale du groupe EDF, Ndlr), dans le cadre d’une délégation de service public d’une durée de 20 ans. « Le but est de permettre d’alimenter le réseau à 50 % en énergie renouvelable dès 2020, et de diminuer les émissions de CO2 », indique Gérald Chirouze, directeur général des services techniques de la mairie de Courbevoie, à l’occasion de la présentation du dispositif au public, le 6 décembre dernier.

Le montant total de ces travaux d’extension et de rénovation du réseau de chaleur et de froid de Courbevoie devrait coûter à l’entreprise 15 millions d’euros. « Nous avons suggéré de faire appel au financement participatif, en accordant des conditions préférentielles aux Courbevoisiens, informe la mairie. L’entreprise (Seinergie, Ndlr) n’étant pas habilitée à lever directement des fonds, la plateforme spécialisée Lendosphere, agréée par l’autorité des marchés financiers, se chargera de la collecte, mais aussi de l’information du public. »

« Il faut sortir de l’aspect purement économiste, soulève Gérald Chirouze. Le but est d’impliquer le citoyen dans la transition écologique. » C’est dans cette optique que la ville de Courbevoie a fait appel à Lendosphere, une plateforme de financement participatif dédiée à des projets de développement durable. « On a déjà atteint le plafond de 500 000 euros, informe Charlotte Beauté, chargée de communication chez Lendosphère. J’annonce qu’on a exceptionnellement déplafonné la cagnotte à 700 000 euros, et les 200 000 euros restants sont réservés aux Courbevoisiens ».

« La plateforme propose du crowdlending, c’est-à-dire que l’on place notre argent et on récupère à la fin le capital plus les intérêts, explique Charlotte Beauté. Les remboursements se font tous les trimestres et on récupère le capital initial à la fin de l’opération, au bout de 4 ans ». La campagne était initialement ouverte au niveau national, puis a été restreinte au niveau du Grand Paris. Depuis le 6 décembre, elle est réservée aux habitants de Courbevoie, qui bénéficient d’un taux préférentiel de 5 % (contre 4 % aux Franciliens, Ndlr), jusqu’au 20 janvier, si le plafond n’est pas atteint avant.

Le montant total des travaux d’extension et de rénovation du réseau de chaleur et de froid de Courbevoie devrait coûter à l’entreprise 15 millions d’euros.

« A ce jour, nous recensons plus de 220 prêteurs au total, déclare Charlotte Beauté. Sur les 500 000 euros récoltés, 120 personnes inscrites sont de Courbevoie, et potentiellement 40 ou 50 de ces personnes ont déjà investi. » Les Courbevoisiens auraient à une très large majorité choisi de prêter « le montant maximum », soit 10 000 euros (ils recevront 11 600 euros au terme du remboursement de leur prêt, Ndlr).

« Je trouve que c’est une très bonne idée, ce financement participatif, remarque Marc, la cinquantaine, venu écouter les explications des initiateurs du projet. Je me suis déjà inscrit, et il me reste à décider combien je souhaite investir. » Son voisin, plus jeune d’une vingtaine d’années, cadre à la Défense, a été tout de suite attiré par le taux préférentiel accordé aux habitants de Courbevoie : « 5 %, c’est franchement alléchant, même si ce n’est que sur quatre ans, ça permet quand même de faire fructifier son argent, et puis, il y a très peu de risques. »

« Placer notre argent tout en participant à la transition écologique de notre ville, ce n’est pas donné à tout le monde, constate André, 65 ans, retraité. Ça nous donne bonne conscience. Je ne sais pas si tous les contributeurs ont une conscience écologique, ou alors sont juste attirés par le taux attractif, mais moi ça me plaît de pouvoir, avec mon argent gagné toute au long de ma vie, faire partie d’un changement de mentalité. » Un homme devant lui glisse un sourire à l’évocation de sa dernière phrase : « 5 %, ce serait quand même idiot de passer à côté. »

Pour ce projet, le montant minimum d’argent à investir est fixé à 50 euros, et le plafond est donc de 10 000 euros. Depuis le lancement de Lendosphere en décembre 2014, plus de 31 millions d’euros ont déjà été investis par des particuliers sur plus de 110 projets d’énergie renouvelable. « Il y a très peu de risques sur cet investissement, souligne le directeur des services techniques municipaux. Il faudrait qu’EDF fasse faillite pour que les gens perdent leur argent. »

Pour « verdir » le réseau de chaleur communal, deux chantiers sont prévus. « Lors des consultations qui ont accompagné le renouvellement de la délégation de service public, la Ville a demandé aux candidats de proposer des solutions « smart », indique Didier Roustan, directeur marketing pour la région Île-de-France chez Dalkia. Nous avons proposé de mettre en place un système communicant, intelligent et connecté de récupération de l’énergie rejetée par la centrale de climatisation de la Défense, par le biais de pompes à chaleur. »

L’énergie des eaux usées collectées sur ce territoire devrait être valorisée dans le réseau afin d’alimenter le futur écoquartier Delage. Le dispositif devrait limiter les émissions de carbone et ouvrir le droit à la baisse de TVA appliquée aux énergies renouvelables. Le réseau de chaleur et de froid de la ville de Courbevoie alimente aujourd’hui plus de 9 000 logements, soit 15 % des ménages de la commune, et près de 400 000 m2 de surfaces tertiaires.

La deuxième partie des travaux portera sur l’amélioration de la performance technique et du rendement du réseau, ainsi que sur sa modernisation. Cela devrait passer par la rénovation des sous-stations les moins performantes (environ 90, Ndlr) pour fiabiliser le taux de couverture en énergie renouvelable. « Les travaux et optimisations de la chaufferie Charras permettront d’assurer sa performance sur la durée », indique la mairie.

« Nous avons identifié environ 37 prospects et imaginé un plan de développement sur la ville, informe Seinergie, également présente à la soirée de présentation. Avec ce plan, on devrait passer […] à 12 000 logements reliés au réseau, qui passera de 11 km à 14 km. » D’après la filiale de Dalkia, les pompes à chaleur des eaux de la Défense devraient être livrées fin 2019. La mise en place d’un bonus tarifaire est également dans les discussions, et les plus vertueux des bénéficiaires du réseau de chaleur pourraient prétendre à un tarif préférentiel.

Pour pouvoir potentiellement être rattaché au réseau de la ville, il faut posséder un chauffage centralisé. « Les copropriétés sont de possibles nouveaux clients et peuvent adresser leur demande à la ville, indique l’entreprise. Il y a cependant des conditions à respecter pour s’accorder au réseau, on analyse au préalable la situation en fonction de la consommation du bâtiment, pour voir si ça vaut le coût. » Cela dépend également de la distance des logements par rapport au réseau déjà existant.

« On ferait mieux de décider rapidement, souffle une femme à son mari au soir de la réunion publique de présentation. A mon avis, ça va pas faire long feu, vu la vitesse à laquelle sont partis les premiers 500 000 euros. » A terme, cette refonte du réseau de chaleur de la ville pourrait engendrer une baisse de 18 % sur la note d’une chaudière à gaz collective, à l’horizon 2022.