Après une première rallonge demandée de 640 millions d’euros en 2019, SNCF Réseau réclame désormais un total de 1,7 milliard d’euros supplémentaire pour finir les travaux et mettre en service le prolongement du RER E, aussi appelé projet Eole. Prolongé à l’ouest, le RER E permettra de relier Paris à Nanterre en 2023, puis à Mantes-la-Jolie probablement en 2024, en passant par Porte-Maillot et la Défense.

Une nouvelle augmentation du coût total du projet qui le fait passer de 3,7 milliards d’euros à 5,4 milliards. Depuis l’annonce du mois d’octobre 2021, les financeurs du projet expriment leur incompréhension et leur colère tout comme les associations d’usagers. Pour essayer de trouver un terrain d’entente et ne pas ralentir voire stopper le projet, le préfet de la Région a organisé plusieurs réunions au cours des dernières semaines entre les financeurs.

Le conseil régional d’Île-de-France a organisé de son côté un entretien avec les responsables d’SNCF Réseau et du projet pour tenter d’avoir des réponses aux nombreuses questions qui se posent autour de ce surcoût. Lors de la mission d’information et d’évaluation (MIE) du jeudi 3 février, les responsables ont tenté, en vain, de convaincre.

Combien coûtera finalement le prolongement du RER vers l’ouest ? Qu’est-ce-qui justifie ce surcoût ? Qui le financera ? Telles sont les questions qui se posent depuis le mois de septembre 2021, après la demande par le maître d’ouvrage du projet Eole, SNCF Réseau, d’une rallonge d’1,7 milliard d’euros, pour finir les travaux.

Le président des Hauts-de-Seine Georges Siffredi (LR) et le président des Yvelines Pierre Bédier (LR) ont rencontré le préfet d’Île-de-France Marc Guillaume pour trouver un accord concernant la prise en charge de ce surcoût. Mais, la situation semble toujours aussi instable. « On a convenu que les propositions de l’État étaient inacceptables », réagissait Pierre Bédier auprès de nos confrères de la Gazette en Yvelines il y a quelques semaines.
« L’État en tant que tel, à travers le plan État-Région, la société du Grand Paris qui a apporté un milliard et SNCF Réseau, payait un peu moins de 60 % et les collectivités environ 40 %, rappelle-t-il. En gros, la proposition du préfet de Région c’est de faire l’inverse. Lui dit que le bloc État devrait être à 45 % et les collectivités à 55 %. »

Concernant la gare de la Défense, sous le Cnit, le directeur adjoint explique : « À la Défense on a eu des difficultés avec les bétons. ».

Mais pour les présidents des deux départements voisins, l’urgence réside dans la nécessité de comprendre les raisons du surcoût de projet. « On dit d’abord il faut régler cette histoire de dépassements, […] et on veut savoir quelles en sont les responsabilités, précisait le président du département des Yvelines. Si c’est la responsabilité de SNCF Réseau, c’est la responsabilité SNCF Réseau et ce n’est pas aux collectivités de payer pour les responsabilités de SNCF Réseau qui est donc une filiale de l’État. »

Pour le président de la Fédération nationale des transports d’Île-de-France (Fnaut), seule la bonne volonté des financeurs permettra de trouver une solution, mais dans un premier temps seulement pour les premiers 640 millions d’euros. « Le reste sera reporté après les échéances électorales, analyse Marc Pélissier, président de la Fédération nationale des transports en Île-de-France. Ce qui pour nous reste inquiétant puisqu’il n’y a pas de garantie. »

Le jeudi 3 février, une mission d’information et d’évaluation était organisée par la Région Île-de-France pour faire la lumière sur ce dépassement qui représente « une hausse de 50 % des coûts prévus dans l’avant-projet initial », indique Vincent Poiret (LR), conseiller régional de la majorité. Réaffirmant le soutien de la Région au projet, il explique à l’assemblée : « Dans un tel contexte de dérapage financier et calendaire, notre objectif lors de l’ensemble des auditions sera de faire la lumière sur l’origine des surcoûts et de chercher à en analyser les dysfonctionnements ».

De nombreuses questions seront alors posées par Jean-Marc Germain, rapporteur de la mission d’information et d’évaluation et conseiller régional d’opposition, à SNCF Réseau et au directeur du projet Xavier Gruz sur « l’historique du projet », « les difficultés rencontrées jusqu’ici, les retards de livraison », l’origine plus précise des surcoûts, ou encore « l’écart entre l’estimation initiale de 3,7 milliards d’euros et les 5,4 milliards d’euros annoncés ».

« Nous avons prévu effectivement de répondre à l’ensemble de ces questions », affirme Kian Gavtache, directeur adjoint aux grands projets chez SNCF Réseau. Il rappelle à cet effet que le budget de 3,7 milliards était celui de l’avant-projet initial datant de 2014 « dans lequel on a une provision pour risques de moins de 7 % (soit 234 millions d’euros, Ndlr) et qui est reconnue par l’ensemble des parties prenantes du protocole comme étant faible ».

Prolongé à l’ouest, le RER E permettra de relier Paris à Nanterre en 2023, puis à Mantes-la-Jolie probablement en 2024, en passant par Porte-Maillot et la Défense.

Selon lui, le protocole financier permettait également « d’exprimer des besoins de financement supplémentaires et repose à l’origine dans le protocole sur des besoins qui sont totalement certains ». Un dispositif utilisé par SNCF Réseau une première fois, pour justifier une première demande de rallonge de 640 millions d’euros en 2019.
En septembre 2021, lors du comité des financeurs, le maître d’ouvrage a finalement annoncé « un coût prévisionnel de 4,7 milliards d’euros », d’après ses estimations de fin 2020. Finalement, le coût a été réévalué, approchant les 5,4 milliards d’euros, après une nouvelle estimation des provisions pour risques.

Des raisons du surcoût, Kian Gavatche abordera des éléments que le maître d’ouvrage « n’avait pas forcément anticipé », comme les crues sur des zones de chantier, les aléas géotechniques ou encore la composition du sol sous la Porte Maillot. Concernant la gare de la Défense, sous le Cnit, le directeur adjoint explique : « À la Défense on a eu des difficultés avec les bétons. J’ai dit qu’on était venus soulever un bâtiment, et les bétons de ce bâtiment étaient très hétérogènes, on n’avait pas reçu les autorisations du propriétaire pour effectuer les reconnaissances qu’on aurait souhaité faire ».

Arnaud Bertrand, président de l’association d’usagers Plus de trains, insiste : « Je vous avoue que je suis toujours épaté par le coût de ce projet, je ne sais pas ce qui coûte aussi cher […] Tout est existant ».

« Le gros du chantier c’est quand même jusqu’à Nanterre. Un chantier qui ouvre dans un an c’est que quand même tout le gros œuvre est fini, et donc […] il faut vraiment qu’on comprenne ce qui explique le surcoût qui ne sort que maintenant et voilà, c’est vraiment louche ». Le président de l’association demande à nouveau que soit menée une enquête indépendante pour comprendre ces problèmes de financements. « Ce n’est pas possible de jouer comme ça avec l’argent public », assène Arnaud Bertrand.

D’après lui : « On voit bien qu’on a SNCF Réseau qui fait de la politique, qui joue sur les budgets, qui joue sur les élus locaux, pour obtenir ce qu’il souhaite et que ce n’est pas très mature d’un point de vue démocratique ». Pour Arnaud Bertrand, les surcoûts remettent en question la priorité qui a été donnée à cette ligne face à d’autres. « Nous ça nous choque, c’est très bien ce projet mais en fait ça fausse la décision quand elle est prise. Si le projet n’avait pas été à 3, mais à 5 milliards, peut-être qu’il n’aurait pas été fait avec la même priorité ».

Si les financeurs finissent par trouver un accord, le RER E sera mis en service dans le courant de l’année 2023 jusqu’à Nanterre, avec près d’un an de retard sur la date initialement prévue. La mise en service jusqu’à Mantes-la-Jolie est « à l’origine » prévue pour fin 2024, mais la date n’a pas finalement été reconfirmée lors de la MIE.

CREDITS PHOTO : LA GAZETTE DE LA DEFENSE