« On ne fait pas du coworking », martèle le directeur de la communication de l’entreprise Kwerk, nouveau spécialiste d’espaces de travail partagé très haut de gamme, et pour l’instant seul sur ce marché en France comme à La Défense. Installée depuis juin 2017 dans près de 5 000 m² aux 10e et 11e étages de la tour First, la société compte sur des locaux aux designs voulus ambitieux, assortis de services et d’activités destinés tant au bien-être des salariés qu’à la performance économique des entreprises accueillies.

« On fait du wellworking », résume le responsable de la communication mardi 16 octobre dernier, lors d’un cocktail de présentation et de promotion auprès de dirigeants d’entreprise. Depuis la création de Kwerk, en 2015, son offre a séduit des noms prestigieux. A Paris, certains brillent, tel ce géant du luxe qui a délocalisé son équipe de communication dans ses locaux du 8e arrondissement, ainsi que la société de streaming musical Spotify.

Les tarifs de ses locaux, sans commune mesure avec les autres spécialistes du travail partagé, ne sont pas pour toutes les bourses. A la Défense il faut ainsi débourser près de 2 000 euros par mois pour occuper à deux un bureau privatif, et ce en incluant la promotion liée au lancement. Les entreprises installées dans la tour First ne manquent pas de refléter ce positionnement de luxe.

L’éditeur juridique spécialisé dans le droit des affaires, Francis Lefebvre, ou encore l’entreprise de location de jet privé Goodwill y résident à plein temps. Toutefois, à l’inverse des trois espaces créés à Paris par Kwerk, quasiment pleins, celui de la Défense connaît encore un taux d’occupation de seulement 65 %. L’image de la place financière, jugée froide et parfois peu accueillante, en serait l’une des causes pour le fondateur de Kwerk (voir encadré).

Avec le designer Albert Angel, Lawrence Knights s’est lancé avec l’envie de « faire les plus beaux bureaux du monde ».

La jeune pousse, déjà bien implantée en Île-de-France avec 1 200 clients dans ses quatre espaces de travail partagé, propose 390 places dans le quartier d’affaires. « Avec la multiplication des espaces de lieux de travail partagé, on a voulu se différencier », commente du positionnement haut de gamme Jérôme Badie, le directeur de la communication. Autre spécificité par rapport aux autres sociétés de coworking, le nomadisme y est très limité : « Par rapport à nos concurrents, 90 % de nos clients sont fixes, en fait, c’est quasiment impossible de venir à la journée. »

Transcription phonétique de l’anglais « quirk » qui signifie déjanté, décalé, Kwerk mise sur plusieurs éléments pour séduire les sociétés aux exigences élevées. Le design ambitieux d’abord : à la Défense, l’entrée du 11e étage s’ouvre sur une bibliothèque en trompe-l’œil impressionnante de hauteur, propose des salles d’isolement ou encore de « brainstorming », où règnent collations raffinées et cafés aux saveurs exotiques. La décoration soignée et le nombreux personnel à disposition participent au positionnement haut de gamme de la marque.

Enfin, un espace « Kwerkness », consacré à la pratique d’activités physiques qui promettent de renforcer certaines des compétences des salariés de chacun des secteurs d’activité, et ce en accès illimité. Situé au 10e étage, il représente environ 10 % de la surface totale des locaux. « Dans nos espaces, on dédie un espace au bien-être physique et mental, présente Lawrence Knights, cofondateur de Kwerk aux côtés du designer Albert Angel. Cette pratique doit être intégrée au lieu de travail et à ses contraintes. »

Ainsi, en compagnie d’une professeure sur place, Kwerk propose des exercices de « teambuilding », ou de la cardio « parce que ça promet l’endurance et le dépassement, ça parle aux managers et à plein de profils de commerciaux », détaille Lawrence Knights. Sont aussi possibles la méditation, qu’il veut « pratique, car pas besoin de changer de vêtements » et surtout destinée à « améliorer la capacité à se concentrer sur une seule tâche ». Ou encore du yoga, pour améliorer « la fluidité du travail ».

Plusieurs écrans se sont glissés dans cette bibliothèque en trompe l’œil, ils représentent des livres qui bougent de place à intervalles réguliers.

Des activités bien éloignées de celles qu’a connues ce cofondateur dont la première présence professionnelle à la Défense remonte à 2003. Il confie avoir alors « détesté » l’expérience. « C’était dans le conseil, je bossais dans une grande tour au dernier étage, se rappelle-t-il. Ce qui m’avait poussé à partir, c’était la difficile accessibilité de la tour, le management très hiérarchique et puis cet aspect froid, monolithique. »

Lawrence Knights part ensuite aux États-Unis. A New York, il change d’avis sur les tours de bureaux : « J’ai découvert des bas de tour mieux pensés, des tours avec des vrais lieux de vie, depuis, je n’ai rien contre la verticalité. » Il y rencontre son partenaire designer, Albert Angel, ils créent Kwerk en 2011. « Notre pari est que la France, connue mondialement pour son savoir-vivre, peut aussi le devenir pour son savoir-travailler », promeut-il de l’ambition de sa société sur son compte Linkedin.

« Ensuite, il y a une évolution des techniques de management, on tend à des organisations moins verticales, fait-il également remarquer des entreprises. A notre niveau, on met l’individu au cœur de notre démarche, on pense qu’en ces temps où l’on demande toujours plus aux salariés, il faut être capable de leur donner plus. »

« Ce n’est pas anodin que mon associé, Albert Angel, soit designer. On est partis avec l’envie de faire les plus beaux bureaux du monde », glisse le co-fondateur. « Si l’endroit est mal pensé, mal cloisonné, on a l’impression d’être juste un numéro et ça ne peut pas marcher, continue-t-il. Nous, on pense que le design est essentiel, que c’est la première étape pour valoriser les travailleurs, d’ailleurs, on fait souvent la métonymie entre son travail et son lieu de travail, comme quoi, l’environnement de travail envoie un message fort. »

La société branchée veut casser les stéréotypes du quartier

Des quatre espaces de travail partagé haut de gamme de Kwerk, les trois parisiens sont quasiment pleins, tandis que celui de la Défense, ouvert en juin 2017, troisième lancement de la société, affiche un taux d’occupation de seulement 65 %. Ses fondateurs imputent partiellement la plus lente progression de la clientèle de la Défense à la localisation dans les étages de la tour First, mais aussi aux stéréotypes sur la dalle, souvent considérée comme froide et inhospitalière.

Pour faire changer les mentalités, Kwerk mène une campagne de publicité par l’intermédiaire du site internet jebossealadefense.fr, qui se joue en quelques vidéos de l’appréhension des salariés à venir travailler dans le quartier d’affaires. « Au niveau de la communication, il y a beaucoup à faire », estime ainsi le cofondateur de Kwerk, Lawrence Knights.

« Historiquement, la Défense, c’est la version la plus archétypale d’un lieu qui n’est pas pensé pour les individus, explique le chef d’entreprise. Un exemple parmi d’autres, combien de milliers de femmes galèrent en talons à cause de la disposition des dalles ? Ce genre de détail de conception, ça envoie un message : cet endroit n’est pas pensé pour vous. »

Selon lui, beaucoup reste donc à faire côté urbanisme. « L’accessibilité en voiture, pareil, vous n’imaginez pas le nombre de gens qui peuvent arriver énervés parce que l’accessibilité, la façon de naviguer n’est pas claire du tout !, juge-t-il sévèrement. Il y a aussi une réflexion à mener sur les pas de tour, quand on arrive dans une tour à la défense, c’est juste la sécurité qui prime. En caricaturant, on a juste envie de se dépêcher de passer dans l’ascenseur et de monter dans ses bureaux. »

Les dirigeants de l’établissement public Paris La Défense, aménageur et gestionnaire du quartier n’ignoreraient pas ce déficit d’image auprès de certains secteurs d’activité. « Il y a quelque chose de statutaire à changer à la Défense et nous en avons conscience », indique ainsi à l’assistance réunie chez Kwerk, mardi 16 octobre, le directeur marketing de Paris La Défense, Thomas Ledoux. A quelques mois de l’entrée en vigueur du Brexit, « il y a une bataille de l’image à mener », note-t-il de la principale préoccupation actuelle de l’établissement public.

« Si on y croit, à la Défense, c’est parce que le quartier est en train de changer d’image, je pense à Paris la Défense Arena, à l’espace Oxygen (le projet d’aménagement et de re-végétalisation de l’esplanade Sud, Ndlr), de façon plus générale à la création de lieux de vie, de restaurants, conclut sur une note positive Lauwrence Knights. On ne désespère pas de faire venir des gens de l’univers du luxe et de la mode, ce qui était impensable il y a encore peu… »