Falafel, wok, burger, wrap nuggets vegan, crêpes ou poulet tandoori, le choix est riche et cornélien pour les salariés de la Défense. Les camions-restaurants appelés plus communément food trucks ont investi depuis trois saisons la dalle de la Défense. Un emplacement stratégique pour eux, financier mais également réputationnel. Les clients font parfois la queue plus d’une heure pour s’offrir un repas en dehors de leur traditionnelle cantine, montrant un réel engouement pour ce type de restauration.

L’appel à candidatures pour l’année prochaine a été lancé le 2 octobre dernier par Paris La Défense, l’aménageur et gestionnaire public du premier quartier d’affaires d’Europe continentale. Tous les gérants croisés le lendemain mardi 3 octobre par La Gazette pensent se représenter, espérant décrocher à nouveau le Graal que représente pour eux ces emplacements. Ils étaient 18 camions présents cette année, il seront bientôt 20. Jusqu’au 14 décembre, il est encore possible de profiter des petits plats de ceux qui sont sur la dalle depuis début mars.

« Pouvoir travailler à la Défense, ça m’a boosté, et ça m’a apporté une certaine notoriété, commente Elsa, la propriétaire du food truck breton Chez Zaz, qui venait seulement d’ouvrir son entreprise avant de postuler : « Ça assure d’avoir un service minimum de couverts tous les jours ». L’odeur du sarrasin s’évade de son camion installé au pied de l’Arche. On pourrait presque se croire dans les ruelles animées de Saint-Malo. « Ça me rappelle la Bretagne » glisse Alice, venue commander une galette complète.

Quelques encablures plus loin, à Valmy, surplombé par les tours de la Société générale, le food truck Cheesers, heureux de ses deux ans d’ancienneté, est du même avis. « Ça nous permet d’avoir un emplacement fixe, explique Clémentine, la chef des sandwichs américains. D’avoir plusieurs services fixes, de 50 couverts minimum. » Pour son voisin du jour, Wok in progress, qui n’est présent que depuis cette année, être à la Défense, c’est une question de prestige. « C’est le 1er plus gros quartier d’affaires d’Europe, en terme de business, c’est une sécurité », confie Victor, le gérant.

Cindy, la propriétaire du nouveau camion-phare grâce à ses produits végan, Paulette in the truck, est très enthousiaste : « C’est hyper prestigieux, on est très fier d’être ici ». Elle et son compagnon d’emplacement du jour, la Fourgonnette, pensent tous deux répondre au nouvel appel à candidature, lancé depuis le 2 octobre dernier, pour l’année prochaine. « C’est la première année d’existence de la Fourgonnette, on ne s’attendait pas a être pris, on est très content ! », s’exclame Mathieu, un des associés du camion-restaurant de burgers.

La proposition tarifaire de restauration correspond généralement, à peu de choses près, aux tickets-restaurants des employés, avec un tarif moyen par repas entre 10 et 11 euros.

« Après 3 saisons, Paris La Défense renouvelle l’expérience et lance un appel à candidatures pour trouver les 20 food trucks qui s’implanteront dans le premier quartier d’affaires européen en 2019 », indique le récent communiqué de presse de l’organisme de gestion et d’aménagement, aussi chargé de son animation. « Il y a généralement une centaine de candidatures, informe Clémentine du Cheesers. Ensuite, ils en sélectionnent 25 ou 30 pour la deuxième phase du process, pour la dégustation. »

« Devant un jury d’une vingtaine de personnes », précise Cindy de Paulette in the truck. Les heureux gagnants seront présents du « 4 mars au 13 décembre 2019 inclus (hors week-ends et jours fériés) sur quatre emplacements du quartier d’affaires », poursuit le communiqué, avec chaque jour six food trucks pour le déjeuner, de 11 h 30 à 14 h 30 : « Les candidats ont jusqu’au 26 octobre 2018 à midi pour soumettre leur dossier de candidature. » Chaque camion est présent au moins deux fois par semaine.

L’édition 2019 s’annonce donc avec plus de choix sur la dalle, ce qui devrait contenter les salariés venus nombreux pour « le changement » que proposent ces restaurants ambulants. « Je m’y rends pour changer un peu, déclare Raphaël, qui travaille à la tour CB21. Je regarde ce qui me tente, il y a toujours deux choix, donc il y aura forcément un truc qui va me plaire. »

« Les camions tournent beaucoup, ce qui permet d’avoir toujours un choix différent, c’est vraiment cool », commente Élise, qui fait la queue pour la Fourgonnette. « C’est un repas plaisir pour les salariés, estime Cindy, la seule à proposer une offre dédiée aux consommateurs ne souhaitant déguster ni viande ni poisson. C’était important qu’il y ait une offre végan. »

La proposition tarifaire de restauration correspond généralement, à peu de choses près, aux tickets-restaurants des employés, avec un tarif moyen par repas entre 10 et 11 euros. « C’est généralement plus cher que nos cantines, mais avec un ticket-restaurant, et parfois quelques euros en plus, on se fait plaisir et on mange bien », souligne Amélie, qui ne se rend qu’aux camions situés au bassin Takis, au bout de l’esplanade : « Sinon, c’est trop loin ! », ajoute-t-elle en rigolant.

Si ces petits restaurants sur roues peuvent exercer leur commerce sur la dalle, il y a tout de même une contrepartie. Chaque jour, les gérants reversent 8 % de leur chiffre d’affaires de la journée à Paris La Défense, avec un minimum de 60 euros HT par jour en cas de faible affluence. L’organisme public est en charge du recrutement des camions, de leur planning et de leur répartition sur la dalle. « Les emplacements changent toutes les semaines, et on a un nouveau planning tous les 3 mois » renseigne Elsa de Chez Zaz.

L’édition 2019 s’annonce avec plus de choix sur la dalle, ce qui devrait contenter les salariés venus nombreux pour « le changement » que proposent ces restaurants ambulants.

« Ils sont assez exigeants chez Paris La Défense, au niveau de l’hygiène, du tri des déchets, du concept, du packaging, ils sont très regardants, observe celle qui a quitté son travail de commerciale chez Mercedes pour se lancer dans une nouvelle aventure. Il faut avoir un concept fort, moi, je travaille avec les producteurs locaux, je propose des pailles et des couverts biodégradables en bois, je crois que ça leur a plu. »

Une chose est sûre, la compétition ne plane pas entre eux. C’est même tout le contraire. « Il y a beaucoup de solidarité dans l’univers du food truck, confie Mathieu de la Fourgonnette. Le monde attire le monde, donc quand on est deux sur un emplacement, c’est toujours plus bénéfique, je trouve. » Chez Paulette in the truck, même son de cloche : « Il y a de l’entraide, s’il nous manque quelque chose, on va demander au voisin, puis on mange toujours gratos dans le camion de l’autre. »

Les voisins s’interpellent et se charrient, l’ambiance est bon enfant. « Il n’y a pas de compétition entre nous, ou comme il peut y avoir entre deux restaurants qui ouvrent les uns à côté des autres, explique Clémentine de Cheesers. On ne se retrouve jamais à côté d’un food truck qui cuisine la même chose que nous. » Quelques camarades de stationnement sont cependant plutôt à éviter, les camions-stars connus dans tout Paris. « Il y a des mastodontes, révèle Mathieu de la Fourgonnette. Comme le célèbre Camion qui fume ou la Brigade. Ceux-là captent pas mal de clients. »

Côté emplacements, chacun a ses préférences. « Celui sous l’Arche est assez calme, note Elsa de Chez Zaz, qui l’occupait lors de cette tournée des camions de La Gazette. Bizarrement, c’est celui du [bassin] Takis qui fonctionne le mieux, parce qui y a pas grand-chose autour. » Pour Wok in progress et la Fourgonnette, Valmy et Takis l’emportent : « Ça draine plus de monde, les emplacements au pied des bureaux, sur le parvis, les gens sont de passage », explique Victor, de l’enseigne asiatique.

Qui dit bon emplacement, dit plus de couverts. « Je réalise entre 40 et 60 couverts par midi, en fonction des lieux où je suis », affirme Elsa. Pour la camionnette Cheesers, être positionné à Takis représente 50 à 60 couverts par jour et en face du centre commercial des 4 Temps, de 80 à 90 couverts. Paulette in the truck fait une soixantaine de couverts environ par midi, mais ne rechigne à aucun spot : « La nourriture végan est une niche, donc les gens n’hésitent pas à marcher plus pour venir jusqu’à nous. »

Chaque food truck a ses fidèles qui reviennent volontiers chez eux lorsqu’ils sont dans le coin, quitte à se déplacer un peu. « Tant qu’il ne pleut pas, où qu’il ne fait pas trop froid, on en profite, déclare Loïc, salarié à la Société générale, croisé devant Cheesers. C’est bon, ça réchauffe le cœur, ça fait une coupure gourmande dans la journée de travail qui n’est pas de trop ! »