En marchant sur l’échangeur de la Rose de Cherbourg, ce jeudi 20 septembre, en compagnie d’habitants et du chef de projet du chantier qui le touche, difficile d’imaginer un avenir vert et piéton. Conçu dans les années 1960, le boulevard circulaire a en effet érigé les automobiles en reines. Alors, depuis bientôt 20 ans, les gestionnaires de la Défense travaillent à humaniser cette route de 3,8 km, et à la rendre plus accessible aux piétons et vélos. Bref, d’en faire un boulevard urbain plutôt qu’une autoroute où passent chaque jour 30 000 véhicules.

Au Sud de la dalle, à la jonction entre le boulevard circulaire et l’ancienne RN 1 013, l’échangeur putéolien de la Rose de Cherbourg s’étend sur deux hectares, juste à côté du quartier des terrasses Boieldieu dont la rénovation est en cours d’achèvement (voir article p. 8). Jusque-là échangeur routier, en chantier depuis 2014, il est censé être transformé en promenade suspendue et végétalisée dédiée aux piétons et cyclistes.

La réussite urbanistique de ce projet massif, qui comprend également d’autres aménagements (voir encadré), guidera sans doute l’aménagement de bien plus grande ampleur du boulevard circulaire. « Il y a une logique d’ensemble de reconquête du boulevard circulaire, informe Raphaëlle Fenet, chef de projet pour Paris La Défense, le gestionnaire public du quartier d’affaires. Une volonté que ce boulevard ne soit plus une autoroute, mais un boulevard plus apaisé avec une place pour les piétons cyclistes. »

En ce qui concerne la partie du boulevard concernée par le projet Rose de Cherbourg, un gros travail reste à faire. Titanesque, le projet a pour objectif de transformer un vieil échangeur routier en une promenade suspendue végétalisée, comme existe déjà au Sud-Est de Paris la promenade Daumesnil. Cette dernière lie la place de la Bastille au parc de Vincennes sur l’ex-viaduc ferroviaire, elle a été ensuite copiée par d’autres grandes métropoles autour du monde.

Le boulevard circulaire devrait être requalifié en boulevard urbain jusqu’au carrefour des Valettes. Pour y répondre, une limitation de la vitesse à 50 km/h devrait voir le jour sur l’ensemble de la zone, ainsi qu’une réduction des voies de circulation. Il est prévu la création, sur toute sa longueur, d’un mail arboré pour la circulation des piétons et vélos. C’est en tout 40 % de l’espace de voirie qui sera réduit en défaveur des automobilistes.

« Il faut d’abord un chantier pour voir les résultats », répète Raphaëlle Fenet aux quelques habitants de Puteaux, impatients, venus se renseigner lors de la visite du chantier de la Rose de Cherbourg, organisée dans le cadre de l’Urban week. « C’est un casse-tête incroyable, s’exclame une putéolienne, suivie par une salve d’approbations. Pour venir de Puteaux à la Défense, c’est soit dangereux, soit très long ».

Selon l’aménageur et gestionnaire du quartier, le but est que « ce boulevard ne soit plus une autoroute mais un boulevard plus apaisé avec une place pour les piétons cyclistes ».

La chef de projet reconnaît que sur le site, « la voiture est extrêmement forte », et que ce n’est pas « évident » pour les piétons en terme de sécurité. « C’est une porte du quartier d’affaires qui est très fréquentée » souligne-t-elle. « C’est vrai qu’une reconfiguration de ce boulevard serait pas mal, commente un habitant de Puteaux. C’est vraiment une autoroute impraticable pour les piétons ».

La volonté de requalification du boulevard circulaire en boulevard urbain n’est pourtant pas née hier. En 1997, l’ancien aménageur étatique du quartier, l’Epad, devenu Epadesa, puis en début d’année l’établissement public local Paris La Défense par sa fusion avec le gestionnaire Defacto, lançait des études pour améliorer son utilisation, favoriser la mixité des usages, améliorer les liaisons, ou encore réduire les nuisances sonores. En 2009 était annoncé un investissement dans le projet à hauteur de 150 millions d’euros.

Lors de sa construction, en 1960, le boulevard circulaire se veut moderne. Formant un anneau routier à sens unique ceinturant le quartier d’affaires, il a vocation d’autoroute urbaine réservée aux voitures que les piétons peuvent franchir par passerelles ou passages souterrains. Il est mis en service en 1971, alors que le quartier d’affaires est en plein développement. De nouveaux bâtiments sont construits, et débordent de l’enceinte initiale délimitée par le boulevard, qui devient également traversant. Avec l’ouverture sous la dalle de l’A  14 en 1996, il est soulagé de 30 % de son trafic.

Depuis 2003, il fait l’objet de réaménagements et de multiples concertations pour le rendre plus humain et urbain. Jusqu’en 2008, l’Epad effectue les premiers travaux sur la partie Nord du boulevard circulaire, côté Courbevoie. Ils réduisent la place de la voiture en supprimant une voie. Les échangeurs sont démolis et des trottoirs et pistes cyclables créés pour traiter les voies perpendiculaires. Un carrefour urbain est mis en place avec des feux, et notamment un espace public arboré, le cours Gambetta.

Le Département des Hauts-de-Seine assure aujourd’hui l’entretien et la gestion du boulevard, puisque depuis août 2017, « le boulevard circulaire et la RN 314 sont passés sous le giron départemental, devenant ainsi respectivement la RD 993 et la RD 914 » explique son site internet. Jusqu’à fin 2018, le conseil départemental entreprend des travaux de mise à niveau pour un montant estimé à trois millions d’euros. La première étape passe par la remise en route de l’éclairage de la partie Nord du circulaire, en service depuis le 20 décembre 2017, avant la partie Sud débutée en juin 2018.

Le Département devrait lancer un appel à projets d’ici fin 2018 ou début 2019 « pour concevoir le boulevard urbain du XXIe siècle », annonce son site internet. « Il s’agira d’expérimenter des solutions innovantes permettant de faire de la RD 993 – boulevard circulaire de la Défense, une vitrine de l’innovation en France », y est-il indiqué des espoirs entourant cet anneau de bitume.

Les abords de l’échangeur, partie intégrante du chantier

Le projet de la Rose de Cherbourg a pour ambition de transformer un vieil échangeur routier en une promenade suspendue végétalisée, un boulevard circulaire, en boulevard urbain, la création d’un espace public avec une grande place centrale, et, en point d’orgue, la tour Hekla, de l’architecte phare, Jean Nouvel.

L’objectif est clair : « Construire une continuité entre trois morceaux urbains, qui jusqu’à présent ne fonctionnaient pas ensemble » indiquait Raphaël Catonnet, ancien directeur général adjoint de l’Epadesa, dans une vidéo diffusée en 2014 par le site internet spécialisé Business immo.

Pour y remédier, une connexion piétonne de ce nouvel ensemble sera établie en direction de la dalle de la gare de transports en commun (où passent RER A, ligne 1 et T2, Ndlr), du centre-ville et du quartier Boieldieu à Puteaux, de la cité Aillaud à Nanterre. L’objectif serait qu’à terme, un « corridor vert » soit créé entre la Rose de Cherbourg et les quartiers Sud de la Défense, stipule le site internet du gestionnaire et aménageur public du quartier, Paris La Défense. Un parc sera également créé à partir d’espaces verts existants mais peu fréquentés par les promeneurs.

Le chantier de la Rose de Cherbourg est également un projet immobilier. En tout, cinq îlots à usage de bureaux, d’habitations et de commerces devraient voir le jour, avec comme projet phare la tour Hekla, du célèbre architecte Jean Nouvel, qui pourrait abriter à terme environ 5 500 salariés. En face, la résidence étudiante Campuséa, toujours de l’agence Ateliers Jean Nouvel, vient tout juste d’être terminée.

Le grand carrefour situé sur l’avenue du Général de Gaulle sera simplifié et réaménagé, avec la création d’une place centrale permettant des circulations piétonnes plus confortables. L’ensemble du projet devrait être inauguré courant 2022, en même temps que la livraison de la tour Hekla. Les données financières du chantier ne sont pas communiquées pour l’instant.

CREDIT PHOTO : PARIS LA DEFENSE / AGENCE QUATREVINGTDOUZ