Dans le cadre d’une campagne de valorisation de l’œuvre de l’architecte André Wogenscky, une partie de la préfecture des Hauts-de-Seine est inscrite comme Monument historique depuis le 21 janvier (voir encadré). Mais les producteurs de films et de séries n’ont pas attendu la reconnaissance des services de l’État pour solliciter ce lieu de pouvoir au style résolument corbuséen. Les revenus issus des locations de tournage sont d’ailleurs utilisés pour des travaux d’entretien du bâtiment nanterrien.

« Je ne me lasse pas de cette vue : que ce soit le matin quand j’arrive à 7 h 30, où le soir quand la lumière nimbe le bureau d’une couleur magnifique », s’enthousiasme jeudi 11 avril le préfet Pierre Soubelet, lors d’une visite architecturale du bâtiment inauguré en 1973. Depuis son bureau, le plus haut représentant de l’État dans les Hauts-de-Seine peut voir un tiers du département.

« L’argent que nous récupérons permet de faire des travaux pour les bureaux des agents de la préfecture, c’est un cercle vertueux », commente le préfet des recettes issues des tournages.

Il n’est pas le seul à en apprécier l’atmosphère : en 2013, déjà, les équipes du tournage de la série d’espionnage de la chaîne Arte, Au service de la France, investissaient les lieux. Plus récemment, ce haut lieu du pouvoir de l’État dans les Hauts-de-Seine a servi de décor à plusieurs productions. Dans La Loi de la jungle, comédie française avec Vimala Pons et Pascal Légitimus diffusée en 2016, la préfecture et le bureau de son plus haut représentant y symbolisent le ministère de la norme.

Cette ouverture aux cinéastes est une « recommandation de l’Etat », témoigne le préfet des Hauts-de-Seine. Si elle a pour objectif de « mettre en valeur le patrimoine national », elle permet également d’apporter des fonds à des chantiers menés au sein du bâtiment, fait remarquer ce serviteur de l’État : « L’argent que nous ­récupérons permet de faire des travaux pour les bureaux des agents de la préfecture, c’est un cercle vertueux. »

Les producteurs de la série politico-économique Jeux d’influence, bientôt diffusée sur Arte, ont eux aussi misé sur l’intérieur de béton, bois, métal et verre du bureau situé au 24e étage de l’immeuble de la préfecture. Dans le cadre du tournage de cette série, Pierre Soubelet a même dû laisser libre pendant quatre jours cette pièce où il exerce sa fonction. « Mais attention, s’il y a une crise, ils doivent partir immédiatement », précise-t-il sérieusement.

Son bureau n’est cependant pas le seul espace intérieur du bâtiment utilisé lors de tournages. Dans Victoria, film sorti en 2016 avec Virginie Efira, comme dans Les Fantômes d’Ismaël, du réalisateur Arnaud Desplechin avec Mathieu Amalric, Marion Cotillard et Charlotte Gainsbourg, d’autres endroits ont été utilisés, du guichet à la salle à manger d’honneur en passant par le bureau du directeur de cabinet de cette préfecture décidément appréciée des producteurs et réalisateurs.

Nanterre, première préfecture d’Île-de-France inscrite Monument historique

La préfecture des Hauts-de-Seine, dont certains espaces intérieurs sont désormais inscrits comme Monuments historiques, témoigne de l’architecture d’André Wogenscky, disciple et ex-chef d’atelier de Le Corbusier, longtemps resté dans l’ombre de son mentor fondateur de l’architecture moderne. Cette inscription est une première pour une préfecture en Île-de-France, demandée pour la première fois en 2009 par les prédécesseurs de Pierre Soubelet.

La majorité des préfectures franciliennes sont en effet « très modernes », rapporte Agnès Chauvin, responsable du bureau de la protection à la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) d’Île-de-France. Et si l’hôtel de préfecture des Yvelines a été érigé à Versailles au XIXe siècle, tandis que celui de la préfecture de police de Paris occupe un bâtiment construit lui aussi au XIXe siècle sur l’île de la Cité, ils ne sont ni inscrits, ni classés comme Monuments historiques (d’après la base de données Mérimée du ministère de la culture, Ndlr).

C’est une « très bonne nouvelle » pour ce bâtiment de 25 étages et 113 m de hauteur, un temps voué « à la démolition », se réjouit Dominque Amouroux, directeur de la Fondation Marta Pan et André Wogenscky (décédé en 2004, Ndlr). Au sein de la préfecture de Nanterre, emblématique de l’architecture publique des Trente glorieuses, deux escaliers destinés au public, l’ancien salon de réception, l’ancienne salle du conseil, ainsi que les bureaux du secrétariat général, du directeur de cabinet, et du préfet lui-même, sont désormais inscrits comme Monuments historiques.

Si le classement comme Monument historique témoigne d’un « intérêt public » du point de vue de l’histoire et de l’art, l’inscription concerne des bâtiments présentant un « intérêt suffisant » en la matière. Cette inscription oblige à une demande de permis de construire pour tous travaux, alors soumis à l’architecte des Monuments historiques, et donne droit à des aides du ministère de la culture.