Peu avant 15 heures, le 11 septembre dernier, plusieurs personnes se retrouvent les témoins incrédules d’une agression au bas des marches de l’escalier Kowalski, non loin du centre commercial Westfield les 4 Temps. « Un groupe de marginaux déjeunait et rigolait sur les marches, décrira un témoin. Puis, un homme a donné un coup de poing à un autre, un coup très puissant qui a fait boom ». Ce boom, c’est le fracas du crâne de la première victime, surnommée « l’ancien », en heurtant le macadam.

Face à cette attaque gratuite, deux jeunes filles membres de la bande se soulèvent et s’en prennent à l’agresseur. L’une d’entre elles témoignera au procès de l’accusé, un Gabonais en situation irrégulière sur le territoire et faisant l’objet d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français, Ndlr). « D’un coup, un SDF que l’on voit de temps en temps a donné un coup à “l’ancien”. Il a tapé comme s’il frappait dans un ballon pour un penalty, racontera-t-elle à la barre. Je l’ai mis en PLS, j’ai cru qu’il était dans le coma, qu’il allait mourir ».

Pendant ce temps, l’agresseur goguenard « regardait d’un air satisfait » la scène. De quoi ulcérer la jeune fille, qui va copieusement insulter le clandestin, « un gros bébé » d’une centaine de kilos. L’homme qui s’était éloigné quelques instants, histoire de prendre du recul sur son « œuvre », va alors revenir à la charge et infliger un puissant coup de poing à la jeune femme. « Pourquoi vous vous en prenez à une fille grosse comme une sauterelle ? », questionnera la présidente du tribunal à l’audience, atterrée.

« J’étais indigné, déclarera-t-il d’une voix posée, expliquant avoir été insulté par une des victimes. Mais c’était une erreur ». Le débat au procès ne permettra pas de savoir s’il y eut ou non un échange d’amabilités entre le prévenu et la première victime des coups. Celle-ci, qui évoque des relations de « bonhommes » entre lui et l’accusé, avait déjà par le passé eu maille à partir avec lui. « J’avais eu une fracture du péroné à ce moment-là, se souviendra-t-il. Mais je n’avais pas porté plainte. Avec moi, tant que les discussions sont au carré, il suffit d’encaisser ».

Et une discussion d’hommes, c’est ce qui aurait déclenché la dispute à l’origine de l’hospitalisation en urgence absolue du SDF, qui aurait jugé bon de remettre à sa place le prévenu, ayant une tendance à imposer ses vues sur le groupe. Cet homme, qui prend un traitement médicamenteux pour calmer son impulsivité, assurera à l’audience ne pas avoir été sous l’emprise de substances au moment des faits. Et ce, en dépit de son étrange attitude, décrite par les témoins. « Cela peut paraître prétentieux, arguera l’accusé fort de son grand gabarit. Mais je n’ai pas besoin de substances pour faire cela ».

« La façon dont il gère les conflits ne le gène pas, alors que quand on veut régulariser sa situation, on se tient à carreaux, se scandalisera le procureur. Il nous dit qu’il veut rester là [en France] mais pourquoi ? Pour pouvoir continuer à frapper des pauvres gens qui n’ont rien fait du tout ! ». Le ministère public réclamera 8 mois de prison ferme, face notamment à la gravité des blessures des victimes. Car le sans-abri ayant écopé d’une ITT de 30 jours après son opération de la mâchoire, souffre encore de difficultés à parler et à s’alimenter.

L’avocate du prévenu plaidera « le contexte particulier de tension au sein du groupe » pour expliquer « la réaction disproportionnée » de son client. Le tribunal ira au-delà des réquisitions du parquet, et le condamnera à 15 mois de réclusion avec maintien en détention, peine assortie d’une interdiction définitive du territoire.

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