Recouvertes de mosaïques, habillées de couleur, ou encore vêtues du manteau de dame nature, les cheminées du quartier des affaires sont pourtant, à l’origine, des édifices fonctionnels. Servant à évacuer l’air et les vapeurs nuisibles des sous-sols de la dalle, cinq de ces hauts cylindres ont été camouflés par des œuvres d’art. Des œuvres sur ce qui se révèle être un support de choix pour les artistes, les formes imposantes de ces cheminées permettant de toucher un très large public.

Le Moretti de Raymond Moretti, Vive le vent de Michel Deverne, Cheminée végétalisée d’Edouard François, Les trois arbres de Guy-Rachel Grataloup, Cheminées de Philolaos Tloupas : ces cinq œuvres prennent place autour des cheminées d’aération de la Défense, culminant parfois à plus de 30 m de hauteur. La création n’a pas été de tout repos pour les artistes : « C’était une aventure », s’exclame Guy-Rachel Grataloup. Récemment interrogé par La Gazette, le peintre et plasticien de 84 ans est l’un des derniers artistes ayant contribué à cet art de cheminée encore en vie.

Située au centre du quartier d’affaires devant la résidence les Platanes, son œuvre, inaugurée en 1988, il l’a nommée Les trois arbres. « J’ai fait le dessin le plus grand du monde, se targue l’artiste. J’ai créé un dessin de 850 m² à la main, au crayon gras. » Guy-Rachel Grataloup a opté pour un dessin en noir et blanc, à l’exception des rayons lumineux colorés de la tête de la cheminée. Ces derniers « suggèrent une intervention d’en haut, en même temps que l’intervention d’en bas, avec les arbres aux 1 000 ramures ».

« J’ai fait le dessin le plus grand du monde, se targue Guy-Rachel Grataloup de sa cheminée. J’ai créé un dessin de 850 m² à la main, au crayon gras. »

La réalisation de cette immense mosaïque sur la cheminée haute de 28,50 m a nécessité une année pour réaliser le dessin et la pose. « Une fois le dessin terminé, il a fallu le découper, le transporter par petits morceaux, et le poser, ainsi que la mosaïque de céramiques », se souvient l’artiste. Comme pour les autres cheminées, l’œuvre était une commande de l’Epad, l’établissement public d’aménagement de la Défense (devenu Paris La Défense en 2018, Ndlr).

« C’était un tube, au début », se rappelle-t-il de ce travail non négligeable dans sa vie d’artiste. « Ça m’intéressait de faire ça sur une cheminée, de le faire à la Défense, où des milliers de personnes passent tous les jours, expose le plasticien. En plus de ça, les immeubles et tours ici ont tous leurs couleurs, leurs signaux, et moi je me suis dis que ça allait être mon signal dans ma vie. »

Un peu plus loin vers la Grande arche, au pied de la tour Cœur défense, la cheminée végétalisée de l’architecte Édouard François s’érige à 16 m de hauteur. Au début des années 2000, de nouveaux immeubles sont construits autour d’une cheminée de ventilation des ouvrages souterrains du parvis à l’état brut, une transformation est lancée. Le projet est confié à Édouard François en 2004 :« Des ipomées prennent racine dans des bacs en cuivre hérissés de tuteurs et transforment le tout en présentoir floral », explique le site internet de ce chantre de l’architecture végétale.

De toutes les cheminées investies par l’art, la plus célèbre reste sans doute celle de Raymond Moretti, Le Moretti.

« La présence du végétal contraste avec l’aspect lisse des tours de verre et de béton », poursuit-il. Les cheminées servent à aérer le sous-sol d’une manière générale, mais également des activités qui prennent place sous la dalle. C’est le cas de Cheminées, du sculpteur grec Philolaos Tloupas : « une sculpture en acier inoxydable au molybdène (matériau plus solide que l’inox), couvrant les cheminées d’une boulangerie et d’une blanchisserie qui dégagent des vapeurs nuisibles », indique le site internet de Paris La Défense. L’oeuvre date de 1973, et se situe dans le quartier Boieldieu.

De toutes les cheminées investies par l’art, la plus connue reste sans doute celle du célèbre peintre et sculpteur Raymond Moretti. Pour son processus de création, l’artiste a utilisé 672 tubes en fibre de verre de 2 à 30 centimètres de diamètre, peints de 19 couleurs différentes. Au total les tubes font 22 km de longueur pour un poids total de 27,5 tonnes. L’édifice se trouve près de la place de l’Iris.

Inaugurée en 1992, son œuvre a été créée en 1990. « Les tubes ont été transportés par péniche depuis l’usine de fabrication jusqu’à l’emplacement de la cheminée et ont nécessité 2 100 heures de montage au total », indique Paris La Défense. Le cinquième et dernier artiste à exposer sur une cheminée de la Défense est le plasticien Michel Deverne, connu pour ses œuvres monumentales. En 1985, il décore les cheminées de ventilation situées avenue André Prothin d’une céramique en grès cérame émaillé, évoquant le rythme du vent.