Présentées comme le fleuron de l’industrie du véhicule électrique et autonome, les navettes « autonom shuttle » de la jeune pousse Navya semblent surtout apporter à leurs utilisateurs une solution de confort pour l’instant, plutôt qu’une vraie proposition de transport. Service de luxe pour les habitants, salariés et étudiants, le dispositif semble avoir quelques difficultés à trouver sa place dans l’atmosphère frénétique de la Défense.

Pour répondre à une demande de transport sur la dalle, Île-de-France mobilités, organisme satellite de la Région en charge des transports, a lancé de juin à décembre 2017 une première expérimentation de ces navettes autonomes. Cette année, ces engins carrés aux petites roues dont les circuits démarrent au pied de la Grande arche sont de retour depuis le mois de juin, et circuleront à nouveau jusqu’à fin décembre.

L’entreprise lyonnaise Navya, par l’intermédiaire de l’opérateur Keolis, filiale de la SNCF qui a investi 13 millions d’euros dans la start-up, propose « une solution de mobilité complémentaire aux transports en commun pour le premier et le dernier kilomètre de votre trajet », indiquent de grands panneaux d’information situés près des arrêts desservis par la navette.

9 h, un lundi. Personne sous la Grande arche pour attendre ces petits véhicules futuristes. « Le matin, il y a très peu de gens qui l’utilisent. C’est surtout à midi et l’après-midi » souligne à son bord le salarié de Keolis. Les navettes desservent le pôle universitaire la semaine et l’esplanade de l’Arche le week-end. Un troisième trajet, qui reliait la Grande arche aux tours de la Société générale, a été depuis abandonné, faute de fréquentation d’après Keolis.

Selon l’opérateur de la navette, ce lundi-là, les utilisateurs seraient le plus souvent des touristes, les habitants des résidences du Faubourg de l’arche, et les étudiants du pôle universitaire Léonard de Vinci. Ces derniers ne semblent pourtant pas vraiment concernés. Julien, étudiant au pôle, croisé il y a quelques jours, ne l’a prise qu’une seule fois, « pour rire », confie-t-il. Quand à Maylis, sa collègue, elle ne l’a jamais empruntée alors qu’elle travaille sur place tous les jours.

« Les matins, les gens sont pressés, ils veulent aller plus vite, explique le responsable de Keolis, alors que le soir, les gens sont plus fatigués, moins pressés, et sont donc plus enclins à l’utiliser. »

Le manque d’engouement serait-il dû à sa vitesse de croisière de 7 km/h et au manque d’empressement des piétons à lui laisser le passage ? Dans la navette, le temps semble long. Des salariés en costume cravate la dépassent régulièrement. Les multiples arrêts empêchent la fluidité du trajet. « Légalement, on ne peut pas aller plus vite qu’un piéton » remarque Clément Aubourg, responsable des navettes autonomes chez Keolis.

« Il ne faut pas se mentir, elle sont plus fréquentées quand il fait très chaud, parce qu’on a une clim’ qui marche bien, mais aussi quand il fait froid, ou qu’il pleut » commente le superviseur à bord. « Les matins, les gens sont pressés, ils veulent aller plus vite, explique le responsable de Keolis, alors que le soir, les gens sont plus fatigués, moins pressés, et sont donc plus enclins à l’utiliser. »

Ce matin-là, à la Défense, un son se fait entendre. La sonnette du véhicule signale que des obstacles se trouvent sur son chemin. Les piétons ne semblent pas vraiment sensibles aux marquages au sol colorés, destinés à éviter qu’ils n’interrompent le trajet. La matérialisation des trajets résulte de l’initiative du gestionnaire de la dalle, Paris La Défense, qui a souhaité se saisir de cette nouvelle expérimentation pour imaginer avec Wasaa (site de print en ligne) un projet artistique.

« Il n’y a pas de règles de circulation, les flux peuvent être anarchiques », décrit de ce site « complexe » le responsable de Keolis, qui argue tout de même de 38 000 passagers en 9 mois d’expérimentations : « Les piétons sont rois sur la dalle ». Bien qu’ils soient qualifiés d’« autonomes », ces véhicules électriques sont donc pour l’instant dans l’obligation de transporter un « opérateur », chargé d’éviter tout incident.

Dans le cadre du nouvel appel à projet qui se tiendra à la fin de l’année, Keolis entend cependant supprimer la nécessité d’une présence à bord. « Le fait que ce soit en phase d’expérimentation nous oblige à avoir quelqu’un systématiquement à l’intérieur », note le superviseur croisé ce lundi-là, en ajoutant que la navette « n’a pas besoin de l’humain pour fonctionner ».

« Les navettes autonomes ne fonctionnent, dans aucun endroit au monde, en full autonomie. On l’a essayée pour la première fois à la Défense, l’année dernière », souligne néanmoins Clément Aubourg. Ces essais, réalisés pendant les heures de moindre fréquentation piétonne de la dalle, ont duré une dizaine de jours.

« Il y a encore des ajustements techniques à faire » reconnaît-t-il. Une troisième expérimentation, sans opérateur présent à bord cette fois-ci, sera menée d’ici la fin du contrat en décembre. Keolis et Navya entendent bien décrocher le nouvel appel à projets d’Île-de-France mobilités, face à leurs traditionnels concurrents, la RATP et Transdev, qui fourbissent déjà leurs propositions.

En chiffres

2017 lancement
38 000 passagers
3000 h d’exploitation
7000 km parcourus
3 navettes