A Paris, il reste compliqué de trouver des produits agricoles de qualité en circuit court. Alors, un jeune groupe d’amis s’est lancé dans l’aventure Alancienne, jeune pousse du secteur de l’économie sociale et solidaire spécialisée en livraison de produits frais, locaux et bio, basée à Clichy. Présents notamment sur Courbevoie, ils ont étendu il y a un mois leur secteur de livraison à Puteaux, un nouveau marché qui semble mordre à l’hameçon. Démarrée il y a deux ans maintenant, l’entreprise comprend cinq salariés qui travaillent désormais avec 25 producteurs franciliens.

Les quatre cofondateurs sont partis d’un constat simple : pour les Parisiens, il est assez compliqué de trouver des bons produits locaux, bio, et surtout, facilement mais aussi sans les contraintes des paniers hebdomadaires obligatoires des Amap. Pour ces jeunes, il n’était pas normal que cet accès soit si difficile, et Alancienne est née d’abord pour répondre à un manque personnel. « A la base, ce sont mes trois associés en études à Berkeley aux États-Unis qui ont eu cette idée, dans le cadre d’un projet étudiant, indique Augustin, le quatrième cofondateur. Finalement, ils l’ont monté en France, et je les ai rejoints à ce moment-là. »

« Notre promesse : cueillis le matin, chez vous le soir », indique Augustin. Le principe est simple : les clients commandent en ligne les produits proposés sur le site de l’entreprise jusqu’à 22 h la veille de la livraison. Trois fois par semaine, et bientôt quatre, Alancienne effectue la tournée des producteurs partenaires, pour récupérer les produits sélectionnés par les clients, récoltés le matin même. Enfin, ceux-ci sont livrés à domicile ou en entreprise le soir, entre 20 h et 22 h, dans un secteur recouvrant Paris Ouest/Nord, Paris Est, et à la fin du mois de mars, Paris Sud.

Ce matin, les pérégrinations d’Augustin et de La Gazette passeront par les Yvelines : oeufs extra-frais, fruits et légumes de saison, champignons, bœufs, herbes fraîches, volailles et chèvre frais.

Mercredi 6 mars dernier, c’est au tour d’Augustin Renoul, 31 ans, d’être de tournée, et c’est avec gentillesse qu’il a accepté d’emmener La Gazette dans son périple. « On a débuté avec Courbevoie, et ça a tout de suite bien marché, c’est une ville assez familiale, commente Augustin, au volant de sa camionnette, qui diffuse les ondes de la radio Nova. On n’a jamais vraiment réussi pour le moment à toucher les cadres de la Défense, puisqu’on est quand même un service de livraison, qui ne doit pas être idéal pour eux, s’ils doivent se trimballer leur panier jusqu’à chez eux. »

« Notre cœur de cible, ce sont les jeunes familles dynamiques, qui aiment bien les bons produits mais qui n’ont pas forcément le temps d’aller au marché », explique Augustin. A Puteaux comme à Courbevoie, de nombreux habitants plutôt à l’aise financièrement, notamment s’ils sont salariés de la Défense, font appel à eux. Mais ils ne sont pas les seuls clients d’Alancienne. « On a aussi des étudiants, et des retraités, pas seulement des familles aux revenus aisés », précise le jeune entrepreneur.

Ce matin-là, les pérégrinations d’Augustin et de La Gazette passent par les Yvelines : oeufs extra-frais, fruits et légumes de saison, champignons, bœuf, herbes fraîches, volailles et chèvre frais. Tout un programme. « On a commencé avec un seul maraîcher, se souvient Augustin. On a ensuite envoyé un fichier Excel à nos potes, qui ont inscrit tous les produits qu’ils souhaitaient avoir, et on est allé les chercher. » Alancienne noue des partenariats avec des producteurs engagés en agroécologie. Pour cette tournée, le plus loin se situe dans l’Eure, à une heure de Paris.

La jeune entreprise rémunère les producteurs sans négocier leurs prix, et réalise donc sa marge sur le prix de revente des produits. Le prix moyen d’un panier est de 47 euros, et « un bon client commande une fois toutes les semaines ou tous les 15 jours », commente Augustin. Mais selon le jeune homme, les charges que l’entreprise doit payer sont « exorbitantes ».

Lui estime d’ailleurs que les sociétés du secteur de l’Economie sociale et solidaire (ESS) « devraient avoir à payer moins d’impôts » car « ça permettrait de pousser ce genre d’entreprise à se développer, parce qu’on fait du bien à tout le monde ». Mais aussi parce que « quand on donne un euro dans ce genre d’entreprise, il a quatre fois plus d’impact sur l’économie locale que si on donne à une entreprise comme Coca-Cola. »

Les produits sont livrés à domicile ou en entreprise le soir, entre 20 h et 22 h, sur un secteur recouvrant Paris Ouest/Nord, Paris Est, et à la fin du mois de mars, Paris Sud.

Manger sain, c’est forcément plus cher ? Un préjugé pour le jeune homme. « Finalement, on gaspille plus en achetant dans les grandes surfaces, et puis, on recommande de manger moins de viande, idéalement une fois par semaine, mais de la bonne viande, donc ça réduit le coût final, explique Augustin. C’est ridicule d’acheter de la viande issue de Pologne ou d’Irlande. »

Et d’ajouter : « On a tellement de producteurs en France, il faut les faire travailler. » L’entrepreneur reconnaît néanmoins que les légumes qu’ils livrent sont plus chers que la moyenne, « mais ce ne sont pas du tout les mêmes produits. » D’après lui, les gens comparent les coûts parce qu’ils ont été habitués à la grande distribution, et à acheter peu cher : « Quand on entend « cinq euros le prix des pommes de terre […], le prix des bonnes choses », c’est complètement fou, s’insurge-t-il en évoquant l’une des enseignes de la grande distribution. Combien d’argent revient au producteur à la fin ? Il y a tellement de choses à payer pour le circuit. »

A la ferme de Grignon, à Thiverval-Grignon dans les Yvelines, Augustin vérifie que toutes ses commandes sont là. Il a plu pendant la nuit, le sol est couvert de boue, et le vent souffle, mais ça n’arrête pas le jeune homme qui charge les produits laitiers dans sa camionnette. Prochaine étape, la ferme des beurreries pour aller chercher les œufs pondus au petit matin, et « extra-frais », précise-t-il. « Aujourd’hui, on a environ 70 commandes, indique Augustin. C’est une petite tournée, parce que c’est les vacances. Mais on a des grosses tournées où on peut aller jusqu’à 150 commandes. »

Les routes de campagne défilent, et voilà la camionnette qui arrive à la ferme Paulmier, à Orgeval, le maraîcher-phare d’Alancienne. Radis noir, pommes de terre, pommes, poires, carottes, et navets sont embarqués dans le véhicule. « Je les ai rencontré au début de leur aventure, commente Thomas Paulmier, joint par La Gazette le lendemain. Je suis jeune moi aussi, j’ai 32 ans, et j’ai repris l’exploitation familiale, donc au début, on fait jouer nos contacts. Les jeunes qui se lancent, il faut les aider. »

« Ce sont d’anciennes carrières de pierres, où la Champignionnière des carrières fait pousser des champignons », indique Augustin. Les champignons de Paris, bien frais, ont une odeur divine.

D’après le jeune maraîcher, s’éloigner de la « malbouffe » arrive souvent après le premier enfant : « On a envie de donner des choses saines à son enfant, c’est le schéma-type des gens qui font appel à nous, quand on est étudiants, on fait moins attention. » Quelques kilomètres plus loin, le panneau d’Evecquemont apparaît, perché sur les hauteurs d’une vallée. « Ce sont d’anciennes carrières de pierres, où la Champignonnière des carrières fait pousser des champignons », indique Augustin. Les champignons de Paris, bien frais, ont une odeur divine.

Encore plus loin, la distillerie de Gouzangrez fournit à l’entreprise de la farine et de la moutarde, puis vient au tour de la ferme de Corbie, dans l’Eure, pour charger le bœuf. « C’est une petite entreprise courageuse, qui marche bien, c’est des jeunes mordants, commente Christian, de la ferme de Corbie, interrogé par La Gazette vendredi dernier. C’est important ce qu’il font, parce que bien manger et savoir ce qu’on mange et d’où ça vient, c’était plus vraiment à la mode. »

Après avoir fait un saut à Hérouville pour récolter des herbes fraîches, la camionnette finit son trajet à la Chèvrerie du bouc vert, à Butry-sur-Oise. Des dizaines de petits agneaux tètent le lait de leurs mères qui a servi à l’élaboration des dizaines de petits fromages de chèvres qu’Augustin récupère.

De leur côté, les clients semblent satisfaits, selon les avis laissés sur la page Facebook de l’entreprise. « Les produits sont ultra-frais et délicieux, bien meilleurs que ce que je trouve en magasin ou au marché, commente ainsi Estelle. C’est vraiment chouette de connaître la provenance des produits et de pouvoir consommer local facilement. »

Alancienne propose et organise par ailleurs des visites de fermes, pour que ses clients aillent à la rencontre des producteurs. Celles-ci se font principalement au printemps ou en été, et sont une bonne occasion de venir voir par soi-même, comme La Gazette l’a fait, l’origine du produit, et son cheminement jusqu’à chez soi.